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Gaston Bachelard et le progrès des sciences

Publié le 29/03/2005

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bachelard
Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique. [...] En fait on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même, fait obstacle à la spiritualisation. L'esprit scientifique nous interdit d'avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Gaston Bachelard

 

§  Ce texte est extrait du premier chapitre de la Formation de l’esprit scientifique de Bachelard. Il présente une conception originale de la connaissance et des obstacles qui peuvent contrevenir à son objectivité. Là où la plupart des penseurs avant lui ont vu la source des erreurs de l’esprit dans l’extériorité et dans l’interaction entre l’esprit et l’extérieur, Bachelard voit dans ce texte la source d’erreur dans l’esprit lui-même, faisant du problème de la connaissance un problème interne à l’esprit lui-même.

§  C’est tout le problème de la genèse de la connaissance qui est alors mis en question dans ce texte : la connaissance est ce que l’esprit projette, et plus précisément la raison que l’esprit projette sur le réel et non ce que l’esprit reçoit passivement de l’extérieur.

§  Bachelard remet alors en cause l’hypothèse de l’esprit comme table rase, faisant de la connaissance ce qui se nourrit de l’expérience et des erreurs du passé afin de se corriger, mais voit tout de même l’esprit scientifique comme celui qui rajeunit car se délivre des préjugés passés.

§  C’est à une véritable genèse de la connaissance qui est à l’œuvre dans ce texte et qui plus est une genèse de la connaissance scientifique, de l’intérieur de l’esprit du sujet connaissant, ce qui fait de la thèse de Bachelard une thèse toute originale.

§  Comment Bachelard parvient-il à faire dans ce texte la genèse de la connaissance, faisant de la connaissance objective le fait de l’esprit lui-même et faisant naître la vérité de l’intérieur même de l’esprit ?

 

 

Ce texte peut se diviser en trois parties : du début jusqu’à « que nous appellerons des obstacles épistémologiques « ; puis de « la connaissance du réel est comme une lumière.. « jusqu’à « fait obstacle à la spiritualisation « ; enfin de « L’idée de partir de zéro pour fonder et accroître… « jusqu’à la fin.

 

 

 

bachelard

« Deux mouvements différents pour le sens commun (la chute d'une pomme, par exemple, et le glissement d'une boule sur un plan incliné) sont compris comme identiques.

Mais, alors que le premier est difficilementmesurable avec les instruments de l'époque, le second peut l'être. Ensuite, Galilée , pour vérifier ses hypothèses, a construit, après avoir conçu, un dispositif technique. C'est en ce sens que l'on peut parler du début de l'expérimentation et de la rupture avec l'observationcourante. Le trait de génie de Galilée consiste en l'association de la science et de la technique et en l'élaboration d'un mécanisme permettant de mesurer les rapports entre les paramètres sélectionnés.

Le dispositif permetaussi de calculer les variations réciproques de l'espace et du temps et d'établir que la distance parcourue parle mobile est proportionnelle au carré du temps de la chute. Enfin, Galilée a su négliger ce qui devait l'être.

ainsi, il n'a pas tenu compte des forces de frottement de la boule sur le plan ou de la résistance de l'air, qui, ralentissent la chute. Kant a su montrer en quoi l'expérimentation rompait avec l'observation : en quoi ici la théorie prenait le pas sur la simple réception de l'expérience première, et en quoi l'effort scientifique visait à poser une question précise à la nature, en inventant les moyens de lacontraindre à nous répondre. « Lorsque Galilée fit rouler ses boules sur un plan incliné avec un degré d'inclination qu'il avait lui-même choisi […] une lumière se leva pour tous les physiciens.

Ils comprirent que la raison ne perçoit que ce qu'elleproduit elle-même d'après ses propres plans, qu'elle doit prendre les devants […] et forcer la nature à répondreà ses questions […] car sinon les observations, faites au hasard, sans plan tracé d'avance, ne serattacheraient pas à une loi nécessaire, ce que la raison pourtant recherche et exige. » Reste à montrer grâce à un exemple pourquoi Bachelard déclare que l'esprit scientifique « juge son passé en le condamnant ».

Bachelard affirme : « Il n'y a pas de transition entre le système de Newton et le système d' Einstein .

On ne va du premier au second en amassant des connaissances […] Il faut au contraire un effort de nouveauté totale.

» Pour Bachelard en effet, les idées et connaissances héritées finissent par former une sorte « d'inconscient » scientifique, qui produit l'impression que tel ou tel axiome, tel ou tel concept sont évidents et vont de soi. Or, « Toute vérité nouvelle naît malgré l'évidence, toute expérience nouvelle malgré l'évidence immédiate. » Bachelard se sert de l'exemple de l'idée de simultanéité pour le montrer.

L'idée de simultanéité est une idée simple, évidente, immédiate.

Autrement dit une question que l'on n'éprouve pas le besoin de se poser.

Dans la physique de Newton, si l'on doit, pour étudierle même mouvement dans deux repères différents, changer les coordonnées spatiales, il va de soi que la coordonnée temporelle resteidentique.

Le même phénomène est pensé comme simultanéité dans les deux repères différents.

Or, c'est un fait que la mécanique d' Einstein a su montrer que cette idée prétendument simple de simultanéité était en réalité complexe, et que le temps s'écoulait différemment pour deuxobservateurs animés de vitesses différentes.

On connaît le paradoxe des jumeaux de Langevin .

Si l'on envoie l'un des deux jumeaux dans l'espace à une vitesse proche de celle de la lumière, il ne vieillira pas au même rythme que le jumeau resté sur la terre. Cela signifie que l'on passe d'une théorie à l'autre par une redéfinition des concepts initiaux, des notions fondamentales de la physique (ici le temps, mais la physique ondulatoire a amené à une redéfinition de lanotion de cause).

Il ne s'agit donc pas d'une transition d'un système à un autre, mais d'une révolution, etd'une mutation dans les méthodes et les concepts.

De ce que Bachelard nomme une déformation.

La notion de temps voit son sens radicalement renouvelé du système de Newton à celui d' Einstein . Le mérite de Bachelard est de montrer que l'esprit a toujours l'âge de ses préjugés.

Si l'obstacle premier, inhérent à l'acte même de connaître est la connaissance commune, l'opinion, reste que « l'esprit scientifique est essentiellement une rectification du savoir, un élargissement des cadres de la connaissance.

Iljuge son passé historique en le condamnant » A une époque qui sombre volontiers dans l'apologie naïve de la science, il n'est pas inutile de rappeler que celle-ci se nourrit de révolutions, de ruptures, s'élabore contre lespensées et les théories antérieures.

L'audace scientifique n'a rien à voir avec l'image de calme accumulation deconnaissance que le grand public s'en fait. G.

Bachelard, La formation de l'esprit scientifique, (1938) Ed.Vrin, 1970, pp.

13-14 Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cetteconviction que c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissancescientifique.

Et il ne s'agit pas de considérer des obstacles externes, comme la complexité et lafugacité des phénomènes, ni d'incriminer la faiblesse des sens et de l'esprit humain: c'est dans l'actemême de connaître, intimement, qu'apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, deslenteurs et des troubles.

C'est là que nous montrerons des causes de stagnation et même derégression, c'est là que nous décèlerons des causes d'inertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques.. »

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