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HEGEL: Art et reproduction de la nature

Publié le 20/04/2009

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hegel
L'opinion la plus courante qu'on se fait de la fin que se propose l'art, c'est qu'elle consiste à imiter la nature. Dans cette perspective, l'imitation, c'est-à-dire l'habileté à reproduire avec une parfaite fidélité les objets naturels, tels qu'ils s'offrent à nous, constituerait le but essentiel de l'art, et quand cette reproduction fidèle serait bien réussie, elle nous donnerait une complète satisfaction. Cette définition n'assigne à l'art que le but tout formel de refaire à son tour, aussi bien que ses moyens le lui permettent, ce qui existe déjà dans le monde extérieur, et de le reproduire tel quel. Mais on peut remarquer tout de suite que cette reproduction est du travail superflu, car ce que nous voyons représenté et reproduit sur des tableaux, à la scène ou ailleurs : animaux, paysages, situations humaines, nous le trouvons déjà dans nos jardins, dans notre maison ou parfois dans ce que nous tenons du cercle plus ou moins étroit de nos amis et connaissances. En outre, ce travail superflu peut passer pour un jeu présomptueux, qui reste bien en deçà de la nature. Car l'art est limité dans ses moyens d'expression et ne peut produire que des illusions partielles qui ne trompent qu'un seul sens; en fait, quand l'art s'en tient au but formel de la stricte imitation, il ne nous donne, à la place du réel et du vivant, que la caricature de la vie. HEGEL
  • DIRECTIONS DE RECHERCHE

• Hegel condamne-t-il toute activité artistique ? • Que signifie « le but tout formel « ? • En quoi « cette reproduction « est-elle, selon Hegel, du « travail superflu « ? Est-ce que toute reproduction est pensée par Hegel comme du travail superflu ? • En quoi « ce travail superflu « peut-il « passer pour un jeu présomptueux « ? • Qu'est-ce qui est en jeu dans ce texte ? • Consulter l'Esthétique de Hegel (Vrin).

� Le sens du texte : le principe d'imitation de la nature est irrecevable en ce qui concerne la fin de l'art.

� Son architecture : Hegel expose la thèse de l'imitation et l'analyse, puis il en fait une critique virulente.

� Les différents problèmes qu'il soulève, chemin faisant, en particulier celui de la nature de l'art. Vous pouvez alors dégager l'intérêt philosophique du texte .

� Hegel critique la théorie platonicienne de l'art, théorie purement imitative.

� Hegel introduit à l'idée de l'art comme création spirituelle.

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« cohérente et de nouveaux critères.

La méthode la plus simple consiste peut-être à repartir de chaque critiquehégélienne et de lui substituer une base positive.

Dans un premier point, on critiquera donc la notion d'imitation, puison définira ce que doivent être les matières premières de l'art, et enfin on pourra peut-être, alors, essayer dedonner une nouvelle définition du but de l'esthétique.On peut dire que la base fondamentale de l'esthétique que Hegel critique c'est l'imitation.

Pour que cette imitationsoit possible, il faut partir du principe que ce que nous percevons est indubitablement ce qui est.

Dans L'imaginaire,Sartre a critiqué cette conception.

Dans la perception, nous avons une conscience de ce qui est, et non pas àl'intérieur du cerveau l'image de ce qui est.

Notre conscience est peuplée de schèmes perceptifs et préceptifs.

Ainsi,avant même que nous percevions l'objet, nous avons déjà une idée de ce qu'il est, il existe déjà dans notreconscience sous la forme d'un schéma, c'est-à-dire une structure de qualités qui ont pour nous une importanceparticulière.

Mais cette projection de l'être sur l'objet continue pendant la perception réelle.

Ce que nous voyonsn'est alors qu'une perception déformée par le prisme de nos affects.

Il ne faut pas oublier que la perception est elle-même régie par certaines lois dont l'étude a été faite par les créateurs de la « psychologie de la forme ».

Ainsi notrevision de l'objet n'est pas la reproduction exacte de ce qui est, mais une vision déjà nuancée par les formes, lescouleurs et les qualités sensibles de l'objet.Nous voyons alors qu'il semble impossible de baser l'esthétique sur la notion d'imitation.

A celle-ci il conviendraitplutôt de substituer celle d'imagination.

L'imagination a beaucoup été critiquée par « les classiques » quil'assimilaient à l'illusion, à la non-compréhension des choses et des êtres, à l'erreur.

Pour eux, l'imagination n'étaitque « la folle du logis ».

Le romantisme a remis à jour, pas toujours avec bonheur d'ailleurs, cette notiond'imagination.

Mais une esthétique cohérente devrait plus s'orienter vers la notion de « conscience imageante »sartrienne.

La conscience imageante est une conscience à part entière, c'est-à-dire volontaire, libre et doncresponsable, mais dont la finalité serait la création d'images nouvelles à partir de ce qui est.

Cette imagination ne seveut en aucun cas le refuge pour l'illusion, mais bien au contraire le point de départ d'un acte conscient de créationen général et esthétique plus particulièrement.

Platon va d'ailleurs encore plus loin, puisqu'il montre toute l'intensecréativité artistique de la Pythie de Delphes alors qu'elle est en plein délire et donc dégagée de toute conscience.Ce qu'il faut bien montrer, c'est qu'il convient de transformer cette notion d'imitation pour l'amener à être uneimagination créative.

En effet, si l'esthétique est régie par l'imitation, il ne peut y avoir aucun progrès, aucunchangement, aucune recherche.

En fait une telle esthétique détruit la notion de création, et par là-même lespotentialités humaines.

Une telle notion de l'art réduit l'homme à une dépendance totale vis-à-vis de ce qui est etl'empêche de se donner les moyens de créer autre chose.

Une telle conception s'oppose d'ailleurs entièrement à lanotion qu'a Hegel de l'histoire comme progrès dialectique de l'esprit et de l'idée à travers la vie des hommes.

Ainsi lanature et l'art ne recherchent pas le même but; l'art est une transcendance de l'être et ne peut donc se limiter àune simple reproduction de ce qui est.Il existe certainement des matières premières autour desquelles se cristallise l'art.

On peut ici les citer au nombre detrois : la dramatisation, l'intemporalité, et la négation des limites de la logique de la nature.L'imitation pure et simple des situations humaines n'est pas un art.

Pour qu'elle devienne esthétique, une situationhumaine doit être dramatisée.

C'est ce que Nietzsche a très bien montré dans son ouvrage La naissance de latragédie grecque.

D'ailleurs, pour Hegel, c'est le drame qui est l'art le plus élevé.

Le drame introduit des personnageshumains dans des situations quasi inhumaines (le drame cornélien) et les amène à se dépasser eux-mêmes, àdépasser leur pauvre condition pour devenir à travers la souffrance et la douleur l'équivalent de Dieu.

D'ailleurs,Freud montre bien que le rêve est lui aussi régi par cette loi de dramatisation.

Le drame, parce qu'il sort l'être dubanal et du quotidien, le transcende et l'amène à créer et non plus simplement à imiter ce qui est.L'art doit aussi bénéficier d'une certaine intemporalité.

Ainsi l'art ne peut ni ne doit se soumettre à une doctrinepolitique, parce que son but n'est plus alors la progression de l'idée de beau à travers le temps, mais l'avenir d'unedoctrine souvent uniquement matérialiste.

André Breton a très bien montré cette idée dans Situation politique dusurréalisme.

Si l'artiste peut soutenir un combat politique il reste que l'esthétique est régie par ses seules lois, doitrester indépendante et garder sa liberté d'expression.

L'art doit donc bénéficier d'une certaine intemporalité et sonbut final doit être le beau.

L'artiste doit également avoir les mains libres face à la logique.

Un nouvel argument à l'encontre de la théorie del'esthétique – imitation, c'est aussi le fait que l'esthétique n'est pas régie par des déterminismes physiques, mais pardes déterminismes affectifs.

C'est tout le problème de l'art abstrait.

La logique de l'esthétique est celle des sens etdes affects et non pas celle qui régit l'ordre physique.

Alors l'artiste est libre de créer et non plus d'imiter.On a vu que le but final de l'esthétique que dénonce Hegel c'est l'imitation, mais qu'elle n'arrive jamais à son but etne produit qu' « une caricature de vie ».

C'est peut-être Schopenhauer qui a le mieux décrit ce que doit être lebeau, et surtout comment il atteint l'être en profondeur.Ainsi ce que recherche l'art c'est le « beau ».

Seulement il reste que la notion de beau est très difficile à saisir, alorsSchopenhauer montre que l'on saisit réellement le beau a travers l'extase.

Dans l'extase, l'être se transcende etatteint un état que Schopenhauer — très féru de philosophie orientale — compare au nirvana des religionsbouddhistes.

Un Européen comprend peut-être mieux si on lui parle d'un point précis vers lequel se tourne l'êtreentier : sens, intelligence, volonté, liberté, un point où il communique réellement avec l'oeuvre et avec l'artiste et oùil se sent parfaitement bien et dégagé de sa condition humaine, où il se sent Dieu.

Pour Schopenhauer, l'art quipermet le mieux d'atteindre cet état où se cristallise le beau, c'est la musique; mais ceci est certainement différentpour chaque individu et Souriau préfère un système où chaque art serait d'égale valeur.

Ainsi le but final d'uneesthétique telle que celle de Schopenhauer n'est pas l'imitation de la nature, mais bien le dépassement de cettenature.On voit donc que de la critique d'une conception de l'esthétique comme imitation découle toute une nouvelle. »

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