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HEGEL: la philosophie n'est pas une connaissance immédiate.

Publié le 27/02/2008

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Il paraît particulièrement nécessaire de faire de nouveau de la philosophie une affaire sérieuse. Pour toutes les sciences, les arts, les talents, les techniques prévaut la conviction qu'on ne les possède pas sans se donner la peine et sans faire l'effort de les apprendre et de les pratiquer. Si quiconque ayant des yeux et des doigts, à qui on fournit du cuir et un instrument, n'est pas pour cela en mesure de faire des souliers, de nos jours domine le préjugé selon lequel chacun sait immédiatement philosopher et apprécier la philosophie puisqu'il possède l'unité de mesure nécessaire dans sa raison naturelle - comme si chacun ne possédait pas aussi dans son pied la mesure d'un soulier -. Il semble que l'on fait consister proprement la possession de la philosophie dans le manque de connaissances et d'études, et que celles-ci finissent quand la philosophie commence... Puisque le sens commun fait appel au sentiment, son oracle intérieur, il rompt tout contact avec qui n'est pas de son avis, il est ainsi contraint d'expliquer qu'il n'a rien d'autre à dire à celui qui ne trouve pas et ne sent pas en soi-même la même vérité ; en d'autres termes, il foule aux pieds la racine de l'humanité, car la nature de l'humanité c'est de tendre à l'accord mutuel ; son existence est seulement dans la communauté instituée des consciences. Ce qui est antihumain, c'est ce qui est seulement animal, c'est de s'enfermer dans le sentiment et de ne pouvoir se communiquer que par le sentiment. HEGEL1. Voici un texte qui paraît tout d'abord malaisé à expliquer parce que, dans cet extrait de la Préface de la Phénoménologie de l'Esprit, Hegel critique, d'une part, un certain type de philosophie communément admis (la philosophie comme bien possédé sans effort par tous) et l'emploi du sentiment (c'est-à-dire essentiellement de l'intuition) comme instrument de connaissance, d'autre part. Il» s'agira d'établir l'unité du texte malgré cette double visée. 2. Soulignez immédiatement les termes et expressions qui paraissent essentiels : philosophie, sérieuse, on ne les possède pas sans se donner la peine et sans faire l'effort de les apprendre, il possède l'unité de mesure nécessaire dans sa raison naturelle, sens commun, sentiment, la nature de l'humanité c'est de tendre à l'accord mutuel. 3. Définissez les concepts ainsi isolés. Vous parviendrez alors directement au sens global du premier paragraphe (la philosophie représente fondamentalement un exercice difficile et un labeur), ainsi qu'au sens du second (la vraie connaissance, qui doit être universelle, est médiate : elle requiert la médiation du concept). 4. Vous pouvez alors reconstituer l'unité de l'ensemble. La philosophie commune qui s'oppose à la vraie réflexion privilégie l'immédiat. Donc ce texte vise l'intuitionnisme. 5. Une fois bien élaborée l'étude de ce texte, vous pouvez réfléchir à sa valeur : cette réflexion portera sur la nature de la philosophie et sur celle de la connaissance en général.
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« penser pouvoir réaliser d'emblée, sans labeur, le Printemps de Botticelli ou une thèse de mathématiques.Hegel, après avoir énoncé l'idée de la nécessité du travail et de l'exercice méthodique, conçus par tous commeindispensables, donne d'ailleurs un exemple (« Si quiconque...

souliers») : nul ne pense pouvoir faire un objetcourant, des souliers, immédiatement et sans apprentissage préalable !Si nul ne pense pouvoir s'improviser artisan, artiste ou mathématicien, il n'en est pas de même dans la sphère de laphilosophie, où abondent les fausses vues privilégiant le non-savoir, voire même l'ignorance tout court ! Ce passagecritique va de « de nos jours...

» jusqu'à « quand la philosophie commence ».

La philosophie du sens commun sedonne en effet comme philosophie immédiate : chacun serait immédiatement philosophe, c'est-à-dire sans aucuntravail conceptuel servant d'intermédiaire et d'outil, chacun pourrait philosopher sans effort de rigueur, uniquementgrâce à un savoir non médiat qui serait donné à tous.

Bien entendu, cette thèse représente, aux yeux de Hegel, unpréjugé, à savoir une opinion déjà formée, résultant de l'habitude et du poids des idées préconçues.

Ce n'est pasune idée juste, mais une notion résultant des erreurs sociales que nous véhiculons.Sur quoi s'appuie la philosophie du sens commun ? Sur la possession par tous d'une raison, instrument pourdistinguer le vrai du faux, faculté en mesure de discerner immédiatement ce qui est exact.

La raison conçue ainsiserait une unité de mesure, c'est-à-dire un étalon universel.

Elle pourrait mesurer, c'est-à-dire évalueruniversellement sans tâche et sans effort préalables.

Hegel souligne la naïveté de cette conception.

Chacunpossède également dans son pied la mesure d'un soulier et ne s'imagine pas, pour cela, capable de faire un soulier.Le principal n'est donc pas d'avoir la raison, mais de bien l'utiliser, comme le remarquait déjà Descartes dans leDiscours de la Méthode.

Or, pour bien utiliser la raison, il faut y travailler et l'exercer.

Ce n'est pas donné à tout lemonde !Enfin, dans la phrase finale terminant ce premier paragraphe, Hegel insiste sur la nature de cette philosophie du senscommun : paradoxalement, quand cessent les connaissances, commencerait la philosophie, conçue comme ruptureavec tout savoir.

La philosophie, en somme, ce serait l'arrêt et l'interruption de la connaissance, de l'effort et del'étude ! Que de naïveté dans cette conception vulgaire et si répandue.Dans la deuxième partie de notre texte (« Puisque le sens commun...

sentiment»), Hegel nous fait comprendre lesens de sa critique de la philosophie vulgaire : si elle est dans l'erreur, c'est parce qu'elle s'attache au sentiment.Que faut-il entendre par ce terme de sentiment?Nous prendrons ici sentiment au sens double du terme : le sentiment désigne l'état affectif en général, paropposition à la connaissance.

Ainsi la sympathie est un sentiment. Mais sentiment veut dire aussi essentiellement, dans ce texte de Hegel, intuition, connaissance ou savoir donnésd'une manière immédiate, généralement vague.

En somme, dans le sentiment, il y a deux idées : celle d'état affectifet celle de connaissance immédiate, qui prédomine dans ces lignes de Hegel.La philosophie commune que Hegel critique et raille s'appuie essentiellement sur une connaissance immédiate et faitd'elle un oracle.

N'oublions pas ce qu'était un oracle, dans l'Antiquité en particulier.

L'oracle était la réponse qu'unedivinité donnait à ceux qui la consultaient.

La philosophie vulgaire considère comme une réponse sacrée lesentiment, c'est-à-dire l'intuition, le savoir immédiat, sans concepts, sans intermédiaires.Or, renoncer aux concepts et aux médiations, c'est rompre avec les autres, car l'intuition ne permet pas decommuniquer avec autrui.

Par conséquent, c'est refuser le dialogue avec celui qui n'est pas de son avis,puisqu'alors, il n'y a même plus de terrain d'entente, le seul terrain d'entente étant le discours conceptuel ouvert àtous, le dialogue apportant la pacification, la paix entre les hommes.

Le concept est la mort de la violence, il estinstauration d'une reconnaissance universelle.En d'autres termes, le sens commun, en faisant appel à l'intuition, rejette la notion d'humanité globale, puisqu'ilrépudie le discours conceptuel, lien entre tous les esprits.

Dès lors, rejetant toute « communauté des consciences», à savoir toute configuration sociale s'appliquant à la plus grande partie des hommes, le sens commun s'enfermedans l'animalité.

En effet, l'animal, à la différence de l'homme, ne possède pas le discours conceptuel et ne peutdonc vraiment communiquer au sens réel du terme.

Il reste enfermé en lui-même. C.

Intérêt philosophique du texte Ce texte présente un intérêt considérable, tant du point de vue de la nature de la philosophie, que du point de vuede la nature de la connaissance en général. 1.

La nature de la philosophie Hegel nous fait admirablement saisir dans ce texte que la philosophie ne peut consister, en aucun cas, en un savoirimmédiat, coupé de tout effort et de tout apprentissage : philosopher est un dur travail, s'effectuant grâce à uneréflexion méthodique sur les grandes œuvres du passé, grâce à un exercice continuel et ordonné sur les matériauxqui s'offrent à nous dans le monde.Chacun philosophe et sait philosopher, nous dit-on souvent.

Cette erreur est d'importance.

On ne fait pas plus dephilosophie immédiatement qu'on ne fait de souliers immédiatement ! Hegel a le mérite de pulvériser brillamment unesottise très répandue.

La philosophie ne naît pas miraculeusement dans l'apparition et au sein de l'ignorance, commele voudrait le sens commun ! 2.

La connaissance en général Mais Hegel, dans ce texte, pulvérise une autre sottise, également très répandue : le savoir et la connaissance sesitueraient du côté du savoir immédiat, de l'intuition, du sentiment.

C'est la thèse du sens commun, bien souvent.Mais ce fut aussi la thèse des Romantiques.

Si leur art fut admirable, il ne s'ensuit pas que la théorie sous-tendant. »

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