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HEGEL: la violence et la ruse de l'état de nature

Publié le 26/04/2005

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hegel
On décrit souvent l'état de nature comme un état parfait de l'homme, en ce qui concerne tant le bonheur que la bonté morale. Il faut d'abord noter que l'innocence est dépourvue, comme telle, de toute valeur morale, dans la mesure où elle est ignorance du mal et tient à l'absence des besoins d'où peut naître la méchanceté. D'autre part, cet état est bien plutôt celui où règnent la violence et l'injustice, précisément parce que les hommes ne s'y considèrent que du seul point de vue de la nature. Or, de ce point de vue là, ils sont inégaux tout à la fois quant aux forces du corps et quant aux dispositions de l'esprit, et c'est par la violence et la ruse qu'ils font valoir l'un contre l'autre leur différence. HEGEL

•    Pourquoi Hegel parle-t-il de l'innocence « à propos de l'« état de nature « ? •    En quoi l'innocence est-elle « dépourvue de toute valeur morale « ? En quoi cette remarque s'inscrit-elle en faux contre la description souvent faite de « l'état de nature comme un état parfait de l'homme « ? Hegel remet-il en cause l'idée de « l'état de nature « « en elle-même « ? •    Pourquoi l'« état de nature « est-il, selon Hegel, celui où règnent l'injustice et la violence ? Est-ce pour Hegel un phénomène « contingent ou un phénomène « nécessaire « ? •    « De ce point de vue-là « signifie-t-il « en ce sens « ou « du seul point de vue de la nature « ?    - •    Pour quelle raison Hegel indique-t-il que l'état de nature « est bien plutôt celui où règnent la violence et l'injustice « ?

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« dangereuses que celles de l'état de nature ?L'enjeu de ce questionnement est de savoir si la violence est naturelle ou culturelle pour l'homme. [I.

Oui, la sortie de l'état de nature signifie, théoriquement, la fin de toute violence] Si l'état de nature désigne la condition humaine indépendamment de toute forme d'État, alors elle signifie aussil'absence de toute loi, donc de toute interdiction.

Ainsi, dans l'état de nature, les hommes ont «droit de tout surtoutes choses », sur les biens comme sur la personne d'autrui.

Le droit naturel des hommes est proportionnel à leurpuissance et à leur ruse : dans la mesure où l'on parvient à protéger sa vie, on a tous les droits d'user de lacontrainte pour soumettre l'autre à ses désirs.

La fin justifie les moyens, et cette règle vaut aussi contre soi : si onest blessé, volé ou violé, on n'aura personne à qui demander réparation ou justice (c'est la thèse de Hobbes).

Lapremière caractéristique de l'état de nature est donc la violence, ici comprise comme usage incontrôlé de la forcedans l'unique but d'assouvir ses instincts.

Le principal voire l'unique objectif de l'association des hommes entre euxest ainsi de mettre définitivement fin à ce règne de la violence.L'état de nature est en effet invivable.

L'homme y vit dans la crainte perpétuelle d'être victime de la violence.

Afinde sortir de cette spirale infernale, il décide donc de s'associer avec ses semblables.

Le pacte ne fonctionne que sichacun le passe de la même manière, et délègue tous ses droits naturels à une autorité désormais chargée de lereprésenter et de faire respecter la loi.

Or si chacun renonce à faire justice lui-même et à étendre impunémentl'usage de sa force sur autrui, alors, en effet, la sortie de l'état de nature met fin à toute violence.Cependant, déléguer ce droit ne signifie pas l'abandonner définitivement, mais le transférer à quelqu'un d'autre.

quipeut, par la suite, s'il est mal intentionné, en faire usage contre soi.

On peut en outre le retrouver, lorsque sa vieest à nouveau menacée, et que le contrat de sécurité n'est pas respecté.

Comment croire en ce cas que la sortiede l'état de nature signifie bien la fin de toute violence ? [II.

La sortie de l'état de nature signifie la fin d'une certaine forme de violence.

Mais elle en inaugure d'autres, qui luisont propres] L'argument de Hegel n'est lui-même pas très clair sur ce point.

D'un côté en effet, Hegel qualifie l'état de nature parl'innocence, c'est-à-dire l'absence de toute notion du mal.

Mais il en fait par ailleurs le lieu de la violence.

Or laviolence présuppose l'intention de contraindre la volonté d'autrui, donc de lui faire du mal.

À moins de supposerqu'elle désigne uniquement, dans ce texte, le recours à la force en vue de satisfaire ses besoins, sans «méchanceté », on ne voit donc pas comment elle pourrait qualifier l'état de nature.

Affirmer que la sortie d'un étatde nature où l'homme est incapable de concevoir la moindre volonté de nuire, signifie la fin de toute violence (ceque le texte, en toute rigueur, ne nous autorise pas à conclure), serait en ce cas aussi absurde que de soutenir,comme Hegel le dénonce chez ses adversaires, qu'un état innocent peut aussi désigner un état de perfectionmorale.En outre, l'entrée dans l'état politique présuppose bien l'abandon de l'usage individuel de la violence, mais par sadélégation à un représentant commun.

Il ne s'agit donc pas de renoncer à toute violence, mais d'en réserver l'emploilégitime à l'État.

Celui-ci a le droit et même le devoir d'y recourir lorsque le pacte social a été enfreint, afin dedédommager l'individu lésé et de punir le coupable.

Mais le citoyen n'est pas à l'abri d'une dérive du pouvoir vers desformes despotiques.

C'est le sens de la critique que Rousseau adresse au souverain de Hobbes : si un individu resteau-dessus de la loi, alors, il peut à tout moment retourner contre ses sujets le droit à faire usage de la violence àdes fins personnelles.

Ainsi, non seulement la sortie de l'état de nature ne signifie pas la fin de toute violence, maisen outre elle l'accroît, en soumettant chaque citoyen, non à la violence d'un seul ou d'un groupe, mais de tous,assemblés en un même représentant.Le développement de la culture et de la civilisation permet également à l'homme d'accroître ses connaissances, surles plans théorique et pratique (morale y compris, si l'on suit la thèse de Hegel).

La société de consommationdiversifie et raffine ses désirs.

L'homme s'émancipe du seul règne instinctif et devient un être de fantasmes.

Dumême coup se diversifient, pour lui, les formes de la violence.

Il découvre les assauts psychologiques et moraux,plus pervers et plus insidieux que la simple contrainte physique.

La sortie de l'état de nature met peut-être fin àcertaines formes ouvertes et brutes de la violence.

Mais quel est le plus violent des deux : l'animal qui tue pour senourrir, ou l'homme qui harcèle psychologiquement un autre homme jusqu'à le faire sombrer dans la folie ? [Conclusion] La sortie de l'état de nature met indéniablement fin à la légitimité de l'usage aveugle et individuel de la violence.

Onpourrait affirmer qu'en ce sens, elle le canalise.

Mais en passant à l'état civil, l'homme reste un homme, animé,comme le montre Freud, de pulsions de vie et de mort (Éros et Thanatos).

L'éducation et la culture lui permettentcertes de domestiquer ses tendances violentes.

Mais elles lui fournissent également de formidables ressources pourles diversifier.

C'est bien le sens moral, sur lequel mise Hegel, qui doit alors permettre à l'homme de les combattre.La création et l'utilisation des catégories juridiques de « crime contre l'humanité », de « harcèlement sexuel », de «violence conjugale » ou encore de « propos racistes », constituent des indices révélateurs de cette volonté.L'homme civil est bien doté de sens moral, mais il éprouve aussi le besoin de fixer dans la loi la nécessité derespecter la dignité de la personne humaine.

Car certains individus seront toujours trop tentés de labafouer.. »

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