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Le Héros De Roman Est-Il Un Personnage Héroïque?

Publié le 28/09/2010

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I. Question de définition.

 

L'intitulé suggère quelques réflexions sur le sens de héros et d’héroïsme : (je suis le plan de l’article « héros « du Dictionnaire du Roman d’Yves STALLONI) :

1. le mot contient une ambiguïté. D’une part il correspond à « celui qui se distingue par ses exploits ou un courage exceptionnel (particulièrement dans le domaine des armes) « (Robert). Le « héros « est celui qui fait preuve d’héroïsme comme le dit l’expression « se comporter en héros «. Mais, c’est aussi le « personnage principal d’une œuvre littéraire, dramatique, cinématographique «.

2. dans cette dernière acception, on notera l’utilisation d’une expression figée « héros de roman «. (On remarquera qu’on peut utiliser cette expression pour désigner un personnage réel dont le comportement , le goût de l’aventure… tendent à le faire échapper à la réalité triviale ou à se complaire dans une atmosphère romanesque.) Le « héros de roman «, employé pour parler de roman, n’est rien d’autre qu’un personnage, certes essentiel à l’action. Le héros de roman est donc le personnage principal, voire un personnage secondaire qui joue néanmoins un rôle clé dans l’intrigue. On notera, donc, que l’idée de « héros de roman «  introduit une hiérarchie du personnel romanesque.

3. la contiguïté du mot héros et d’héroïsme (Comportement exemplaire caractérisé par un extrême courage face au danger et un dévouement total à la cause pour laquelle on combat.) n’est toutefois pas anodine. Et le terme « héros « nous aurait été légué par la littérature courtoise : cf. Chrétien de Troyes où le « héros « est caractérisé par des valeurs guerrières.

 

II. Où le héros est héroïque.

 

Le héros de roman est dans certains cas un véritable « héros « au sens guerrier du terme.

1. Dans la littérature du Moyen Age, dans le roman courtois, héritier de la chanson de geste, le héros est un chevalier qui répond à des critères d’héroïsme : il accompli de hauts exploits, livre bataille, etc. C’est la société dans laquelle il vit, le monde féodal, qui glorifie ces valeurs. On l’a vu avec les vertus cardinales et théologales, fondement de la chevalerie. C’est que le monde médiéval est un monde où le guerrier est au sommet de la société (pyramide féodale). L’aristocratie médiévale (aristos=le meilleur) est guerrière : le monde médiéval est un monde en guerre perpétuelle. On oubliera pas qu’on devient aussi en se croisant un miles christi, un soldat du Christ, comme les anges !

2. A la renaissance, on trouve aussi un type de héros guerrier. Le monde a changé. La société féodale est en train de mourir au profit d’une monarchie absolue de droit divin. Mais, la Renaissance est une période trouble où le pouvoir royal (catholique) se heurte à la Réforme et veut pour mieux régner l’écraser. C’est pas un hasard si l’Edit de Nantes a été révoqué par Louis XIV, le monarque absolu par excellence. Le monde de la Renaissance est un mode qui sort d’une guerre très longue (la guerre de cent ans) et qui est plongé dans les guerres de religion. On comprend alors que les héros de Rabelais, même s’il font rire, soit des héros qui n’hésitent pas à tirer leur braquemard. Le roman de la renaissance est encore fortement marqué par le roman courtois médiéval et tient du poème épique : La Franciade, poème épique de Ronsard, Amadis de Gaule, roman d’aventures et épique, traduit en français mais d’origine espagnole… il est le chevalier idéal pour Don Quichotte.

3. Mais, il est des héros de roman qui depuis toujours sont héroïques : il s’agit des héros de romans d’aventure. On peut penser aux héros de Jules VERNE, par exemple. Certains héros de roman d’aventures modernes ont d’ailleurs connus un succès tel qu’il les a conduit au cinéma, comme le James BOND de Fleming, héroïque et guerrier par excellence. Mais dans la littérature, en règle générale, le héros même s’il garde des traits d’exemplarités, est de moins en moins héroïque. C’est que les valeurs du monde auquel il est attaché ont changé.

 

III. Du héros non-héroïque à l’anti-héros.

 

1. Les auteurs ont su joué du décalage entre les deux sens du mot héros. Voltaire ou Stendhal dans notre corpus se joue de leur héros qui soit n’a pas de qualités guerrières (Candide), soit perd ses illusions ou ses prétentions héroïques face au réel (Fabrice) : c’est la dénonciation de la guerre, de la violence dans un monde qui aspire à la paix depuis les philosophe des Lumières qui balaie les anciennes valeurs sociales fondées sur les qualités guerrières. Le héros, même s’il n’est pas héroïque, n’est pas condamnable pour autant comme on l’a vu puisque le discours qu’il permet de tenir se fonde en nouvelle valeur morale. Les « héros « de Candide sont moins des « héros « que Candide lui-même qui pourtant n’en est plus un.

2. Le 19ème siècle voit la société se transformer profondément, comme en témoigne les romans de BALZAC : au pouvoir de la naissance (aristocratique, héritée de la société féodale) se substitue le pouvoir de l’argent. Les héros des romans de Balzac sont des êtres humains qui n’ont rien d’exceptionnels : ils tentent de se faire une place dans la société et se heurte à la réalité du monde. Eugène de Rastignac qui réussit ou Lucien de Rubempré qui échoue ne cherchent que la réussite sociale, et elle passe par l’argent. Même l’héroïsme militaire devient second comme en témoigne le colonel Chabert !

3. Le 20ème siècle et ses deux grands conflits amènent les écrivains à inventer des héros qui regardent l’absurdité du monde mais qui ne peuvent rien y changer : le Bardamu de Céline refuse la guerre pour lui-même, parce qu’il ne veut pas mourir. C’est un héros qui n’a plus rien d’héroïque, qui n’est pas un modèle, qui regarde impuissant le monde qui l’entoure et qui ne le comprend pas : c’est le anti-héros. Un héros de roman qui est tout sauf héroïque et ce quelque soit le sens, guerrier ou pas, qu’on prête à héroïsme.

 

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