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En histoire, connaissons-nous le passé ou le rêvons-nous ?

Publié le 18/01/2004

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histoire

Dans un sens, on pourrait donc dire que chaque chercheur donne un sens différent à l'histoire, et par ses convictions la raconte à sa manière. "L'historien va aux hommes du passé avec son expérience humaine propre. Le moment où la subjectivité de l'historien prend un relief saisissant c'est celui où, par-delà toute chronologie critique, l'historien fait surgir les valeurs de vie des hommes d'autrefois." Ricoeur, Histoire et vérité. Si l'histoire est comme un récit que l'on narre alors elle devient différente en fonction du narrateur. "Oeuvre d'un homme, une histoire est le portrait d'un homme, lequel s'y est imprimé avec sa pensée... Pour ma part, j'aime, je l'avoue, à chercher aussi dans l'histoire l'historien." A. Vinet. Études sur la littérature française.

Le passé par définition est ce qui est révolu, replié sur lui-même nous ne devrions plus y avoir accès. Nous en avons néanmoins connaissance par différents témoignages que sont les vestiges, les ruines, les monuments (la pierre donc), ou les ossements (qui sont analysés aujourd’hui en laboratoire), ou encore les textes (gravés -la science qui les étudie est l’épigraphie-, ou pour des périodes plus récentes, peints, tracés sur des supports éphémères). Il n’existe pas de peuple qui n’ait d’une façon quelconque entretenu avec son passé des liens, mais ces liens de quelle nature sont-ils ?

histoire

« Introduction À première vue, si l'on veut que l'histoire ne reste pas, comme elle l'a souvent été, leçon de morale, somme d'anecdotes distrayantes, «belles histoires»plus ou moins imaginaires, rêves à yeux demi-ouverts, si l'on veut qu'elle devienne une science, une connaissance objective, il est nécessaire qu'elles'efforce d'être le récit de ce qui s'est effectivement passé.

Une telle conception de l'histoire, si naturelle qu'elle puisse paraître au premier abord, est-ellecependant possible ? Quelle histoire expose l'historien qui décide de faire abstraction de toute théorie et de toute philosophie de l'histoire pour «laisserparler les faits» en se bornant à «rêver le passé» ? Peut-il vraiment tenir cette position ? A utrement dit, il faut se demander si l'histoire peut réellement êtrele récit des faits, tels qu'ils se sont passés et non un songe mensonger. L'histoire rêvée ? La critique historique, une méthode scientifiqueTout d'abord, pour parvenir à une connaissance vraie des faits qu'il étudie, l'historien professionnel soumet les documents sur lesquels il travaille à une «critique historique» qui permet d'en apprécier la valeur de vérité.

On distingue ainsi : la critique « externe» qui porte sur l'intégrité et l'authenticité dudocument; l'historien doit par exemple s'assurer qu'il n'est pas en présence d'un «faux », d'une contrefaçon, etc.

; et la critique « interne » (sincérité ducontenu des documents, problème de concordance entre les sources, vraisemblance des témoignages, etc.). Les leçons du positivisme historique : le refus de la philosophie de l'histoireHéritiers du positivisme, certains historiens ont tenté d'exclure toute philosophie, tout préjugé de type métaphysique comme toute théorie explicative, et dene considérer comme histoire scientifique que les résultats des méthodes qui permettent d'établir les faits objectivement.

Pour eux, «l'analyse critique dudocument est tout le travail de l'historien, qui, selon la formule d'Alphen [Introduction à l'histoire], doit s'effacer devant le témoignage» (R.

Mandrou, art.«Histoire» de l'Encyclopoedia Universalis).

S'interdire de philosopher serait la condition d'une pratique scientifique de l'histoire.

Mais les historiensmontrent aujourd'hui qu'une telle histoire «qui se croit et se veut débarrassée de toute implication philosophique se révèle, en réalité, fondée sur des partispris et des postulats desséchants qui affectent gravement la nature et l'extension de son champ d'études» (J.

Éhrard et G.

Palmade, L'Histoire, A.

C olin,1965, pp.

78-79). ...et ses présupposésParmi les présupposés philosophiques implicites qu'admet une telle histoire positiviste, on peut noter: une survalorisation des événements politiques.«Comme les faits les plus faciles à établir sont alors les grands " événements ", la traditionnelle histoire politique, avec ses divers visages, dynastique etguerrière, diplomatique, parlementaire, etc., retrouve tous ses droits» (ibid.).

Seraient ainsi négligés ou considérés comme inessentiels des faits culturels,économiques, psychologiques, dont l'importance pourrait passer inaperçue, parce que les documents sont moins nombreux ou moins directementaccessibles que les Mémoires, chroniques, etc., politiques.

Le deuxième risque d'une telle approche positive de la réalité historique réside dans l'affirmationd'une théorie de la causalité historique.

Les faits politiques permettraient de rendre compte de toute la réalité historique.

Par exemple, l'historien Seignobos,en 1924, conclut que la crise mondiale ouverte en 1914 oblige «à reconnaître à quel point les phénomènes superficiels de la vie politique dominent lesphénomènes profonds de la vie économique, intellectuelle et sociale» (ibid.).

Sur le plan des événements politiques, l'explication positive mettrait en oeuvre«une philosophie déterministe du changement, du devenir humain », puisque « la succession des faits en un récit chronologiquement ordonné [...] postuledes relations simples de cause à conséquence» (R.

Mandrou, article cité).

Ainsi, l'historien positiviste qui voudrait n'exposer que le simple récit des faits,tels qu'une méthode objective les établit, ne dit pas simplement ce qui s'est passé; il exprime nécessairement, sans les critiquer, des thèsesphilosophiques, celles qui sont dominantes à son époque ou celles qui lui sont propres. L'impossibilité d'éviter la forme du récit dans la discursivité historique Comment choisir les faits significatifs?Si rigoureuse que soit la méthode, si objective et parfaite que puisse être sa connaissance des faits, l'historien doit commencer par choisir, parmi tous lesfaits possibles, ceux qu'il considérera comme significatifs, par opposition à ceux qui seront insignifiants.

Un tel choix est nécessaire : il serait impossible detout retenir, le passé est trop riche.

Refuser de choisir, c'est accepter et entériner d'autres choix, ceux que dicte l'époque historique dans laquelle s'inscritl'historien et qui s'imposent à lui éventuellement à son insu, ou encore ces choix qui expliquent l'abondance et l'«évidence» de certains documents surcertains faits (par exemple les événements politiques) et l'absence, ou la rareté et l'obscurité d'autres données, portant sur d'autres faits, dontl'insignifiance peut être et a été discutée (par exemple les mentalités, les faits économiques, etc.).

Le choix des faits significatifs s'appuie sur des critères,explicites ou non, qu'aucune «méthode scientifique» ne peut donner, puisqu'elle les suppose.

On voit qu'il est impossible d'opposer le savant qui, «dit-on,reconstitue les faits » et le philosophe qui «les apprécie»: l'historien exprime par ses choix une certaine évaluation qui peut être dite philosophique,puisqu'elle n'est pas le constat scientifique, et ne peut l'être.Comme l'écrit encore R.

Aron: «L'historien, selon la formule courante, doit être impartial.

Mais toujours il rattache un acte à ses causes ou à sesconséquences: réponse adaptée ou inadaptée, décision efficace ou inefficace [des acteurs historiques].

En ce sens, il utilise le critère que suggère l'éthiquehistorique: le succès.» On voit qu'il semble impossible de tracer la frontière qui séparerait une histoire exposant les faits tels qu'ils se sont passés et unehistoire construisant son objet, un passé jugé significatif. Fonction de la synthèse historiqueOn oppose souvent à l'établissement des faits – qui n'impliqueraient aucune thèse philosophique – l'élaboration d'une synthèse historique, l'articulation desfaits à l'intérieur d'un ensemble qui permet de les interpréter, de définir causes et conséquences, etc.

C 'est sur ce plan que l'historien ferait appel à desphilosophes ou à des thèses philosophiques.

Une telle opposition, cependant, est un peu artificielle: le choix des faits, nous l'avons vu, mais aussi leurdétermination, requièrent une idée de leur sens, de leur valeur, qui engage déjà une démarche de synthèse.

Par exemple, Lucien Febvre remarque quel'historien ne cherche pas des faits à travers le passé «comme un chiffonnier en quête de trouvailles, mais part avec, en tête, [...] une hypothèse de travail àvérifier».

Car, précise-t-il, «le fait en soi, cet atome prétendu de l'histoire, où le prendrait-on? L'assassinat d'Henri IV par Ravaillac, un fait? Qu'on veuillel'analyser, le décomposer en ses éléments, matériels les uns, spirituels les autres, résultat combiné de lois générales, de circonstances particulières detemps et de lieux, de circonstances propres enfin à chacun des individus, connus ou ignorés, qui ont joué un rôle dans la tragédie : comme bien vite on verrase diviser, se décomposer, se dissocier un complexe enchevêtré...

Du donné? Mais non [...] de l'inventé et du fabriqué, à l'aide d'hypothèses et deconjectures, par un travail délicat et passionnant » (C ombats pour l'histoire, A.

Colin, 1965). Conclusion L'historien ne semble décidément pas pouvoir se contenter d'être celui qui raconte simplement les faits, tels qu'ils se sont passés.

En effet, un tel projetn'est pas réellement praticable.

S'il veut parvenir à une connaissance objective, l'historien est conduit à prendre conscience de prénotions, préjugés etautres théories naïves à travers lesquels il choisit et analyse certains faits dans des perspectives discutables.

Son travail serait alors de substituer à cescatégories des hypothèses théoriques qui le conduiraient à re-interroger les documents connus (ou à en chercher d'autres) pour les confirmer ou lesinfirmer.

Ce faisant, l'historien ne se borne pas à «rêver l'histoire», il ne raconte pas simplement ce qui s'est passé.

Il cherche à établir et son enquête estinterminable.. »

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