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L'histoire : questions de méthode ?

Publié le 14/03/2004

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La question de l'objectivité en histoire Fénelon, dans une définition célèbre, a proposé un idéal évidemment inaccessible : «le bon historien, disait-il, n'est d'aucun temps ni d'aucun pays» (Lettre à l'Académie, 1714). Il est assurément certain que l'historien est toujours tributaire, peu ou prou, des préoccupations de son époque, voire des préjugés propres à son milieu. Lorsque nous lisons les historiens romains de l'époque impériale (Tacite, notamment), nous sommes tenus de nous souvenir que ceux-ci étaient étroitement liés à la caste sénatoriale, jalouse de ses privilèges et peu sensible aux aspirations populaires. Autre exemple : les historiens de la Révolution française ont régulièrement fait valoir des intérêts conjoncturels dans les études qu'ils ont consacrées à cet immense événement (au lendemain de la révolution russe, Albert Mathiez pense indéniablement à Lénine lorsqu'il étudie Robespierre, dont il réhabilite la figure ; plus récemment, le succès de l'idéologie des «droits de l'homme» n'est pas étranger au «retour à 89», c'est-à-dire au dénigrement de la Terreur de 1793, que proposent les ouvrages de François Furet).   Pas d'expérimentation possible en histoire Si l'histoire est une science (et c'est ce qu'affirment certains), elle est, bien entendu, une science bien particulière. L'expérimentation, notamment, est bien sûr exclue en ce domaine : «l'histoire, disait Paul Valéry (1871-1945), est la science des choses qui ne se répètent pas». En l'occurrence, notre curiosité vise ce qui a été en tant qu'il n'est plus. «L'objet de l'histoire, remarquait Raymond Aron, est une réalité qui a cessé d'être» (Dimensions de la conscience historique, 1961). Le fait historique est construit Une histoire qui prétendrait restituer intégralement le passé humain ne serait qu'un pur et simple chaos. L'histoire, écrivait l'historien Lucien Febvre, ne saurait présenter «une collection de faits isolés».
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« géométries possibles) implique inévitablement un système de postulats, en « explicitant autant qu'il le peut ses postulats », l'historien accomplit un progrès vers la rigueur scientifique.

Comme Marrou l'a brillamment montré, la découverte de la subjectivité historique, bien loin de légitimer le truquage des matériaux de l'histoire, doit donner àl'historien le sentiment plus vif de sa responsabilité, et lui imposer l'honnêteté la plus stricte. Pas d'expérimentation possible en histoireSi l'histoire est une science (et c'est ce qu'affirment certains), elle est, bien entendu, une science bien particulière.L'expérimentation, notamment, est bien sûr exclue en ce domaine : «l'histoire, disait Paul Valéry (1871-1945), est lascience des choses qui ne se répètent pas».En l'occurrence, notre curiosité vise ce qui a été en tant qu'il n'est plus.

«L'objet de l'histoire, remarquait RaymondAron, est une réalité qui a cessé d'être» (Dimensions de la conscience historique, 1961). Le fait historique est construitUne histoire qui prétendrait restituer intégralement le passé humain ne serait qu'un pur et simple chaos.

L'histoire,écrivait l'historien Lucien Febvre, ne saurait présenter «une collection de faits isolés».

Elle «récoltesystématiquement», puis «classe» et «groupe les faits passés» («Vers une autre histoire», in Revue demétaphysique et de morale, 1949).Le «fait» historique est donc construit et sélectionné par l'historien.

Un seul exemple : les violentes averses qui seproduisirent le jour de l'exécution de Robespierre (28 juillet 1794) ne constituent probablement pas un «faithistorique» d'importance, car elles ne suffisent pas, loin de là, à expliquer que cette exécution ria point déclenchéd'émeutes dans les faubourgs populaires de Paris.

Ainsi, comme le constate Claude Lévi-Strauss, «le fait historiquen'est pas plus donné que les autres» (La Pensée sauvage, 1962). Le fait historique est un fait passé, donc n'est pas observable.

Mais on peut reconstruire le fait passé à partir deses « traces » présentes, des « documents » qui subsistent (nous avons vu que même en physique il n'est pasd'observation passive du donné).

Ces documents sont d'abord les témoignages, les récits qui nous ont légués lesgénérations précédentes.

Mais ces récits, malheureusement, n'ont pas toujours été établis selon les exigences del'esprit scientifique.

Nous pouvons connaître l'histoire romaine d'après Tite-Live , mais Tite-Live n'a fait que reprendre les écrits de ses prédécesseurs Polybe ou Valérius Antias .

Et quelle garantie nous offrent les premiers témoins ? On a dit que l'historien se trouve dans la condition d'un physicien qui ne connaîtrait les faits que par lecompte rendu d'un garçon de laboratoire ignorant et menteurs. L'historien ne peut utiliser un témoignage qu'en prenant toute une série de précautions dont l'ensembleconstitue la Critique. La Critique implique non pas un refus systématique, mais un choix éclairé (au sens étymologique grec, c'est le tri, lediscernement).

La Critique est simplement « une méthode scientifique destinée à distinguer le vrai du faux en histoire » ( Halkin in « Initiation à la critique historique »).

Dans leur ouvrage fondamental, « Introduction aux études historiques » (1897), Langlois et Seignobos observent que « de même que l'instinct naturel d'un homme à l'eau est de faire tout ce qu'il faut pour se noyer », de même c'est la crédulité naïve qui est spontanée tandis que la critique est « contre-nature ».

Mais pour être un bon historien, il faut que « cette attitude contre-nature devienne une habitude organique ».

Tout d'abord, la critique externe [1] se propose de rétablir les témoignages qui nous sont parvenus, dans leur authenticité primitive, de faire la chasse aux interpolations.

Songez que nous neconnaissons l'histoire ancienne que par les manuscrits qui sont des copies de copies.

Par exemple, considérons lagrande histoire juive de Flavius Josèphe , qui date du premier siècle de notre ère.

Cet auteur donne une foule de détails sur la Palestine de son temps et dans les manuscrits copiés que nous possédons, il y a une dizaine de lignessur Jésus conformes à l'orthodoxie chrétienne (Dieu s'est fait homme, a souffert pour la Rédemption de l'humanité,etc.).

Ces lignes sont surprenantes chez un auteur qui fut hostile aux premiers chrétiens.

Tous les historiens yvoient aujourd'hui l'interpolation de quelque moine copiste qui, scandalisé par le silence de Flavius sur Jésus , « complète » le texte à sa manière ! Une fois les interprétations reconnues (par la contradiction des idées, les différences de style) et éliminées, le témoignage rétabli doit être livré aux opérations de la critique interne [2] .

Car le témoin a pu se trouver et même mentir. Par exemple, dans ses « Mémoires », le général Marbot raconte que du 7 au 8 mai 1809 il traversa en barque les flots démontés du Danube en crue et enleva sur l'autre rive des prisonniers autrichiens.

La critique, nous dit Bloch , permet de prouver la fausseté du récit ; il n'est que de le confronter à d'autres témoignages, indépendants les unsdes autres pour mettre au jour la contradiction (les carnets de marche autrichiens montrent que les troupesn'avaient pas les positions que Marbot leur assigne ; la correspondance de Napoléon indique que la crue du Danube n'avait pas commencé le 8 mai ; le 30 juin enfin, Marbot lui-même a signé une demande de promotion où il ne faisait pas état de son exploit !).

La vérité scientifique c'est ici encore la non-contradiction, en l'espèce la non-contradiction de témoignages indépendants.. »

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