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l'Homme doit-il se libérer de toutes illusions

Publié le 20/03/2004

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Notre intitulé, loin d'être neutre, nous engage dans tout un questionnement, dans une problématique : et si la vie avait besoin d'illusions ? L'illusion, un mal qui s'insinue en nous et qu'il faut extirper, comme une mauvaise racine, ou bien un phénomène possédant une fonction vitale ? Même quand on s'efforce de déraciner toute illusion, n'en subsiste-t-il pas, en cette extraction même ? Le problème est, en définitive, de savoir s'il faut accepter la réalité comme norme et tribunal ultime ou bien, au contraire, voir dans l'illusion un ressort du bonheur, ressort bien supérieur au réel. L'enjeu du problème est évident car c'est toute la question de la vérité et de la réalité qui prend ici une importance décisive. Opterons-nous pour la vérité nue, dure, par moments affreuse à voir ?

« de la refouler car l'illusion, c'est l'anti-morale, l'anti-respect, la substitution d'une image fictive à la véritableprésence d'autrui.Sur un triple plan, théorique, pratique et moral, l'illusion m'égare et il est raisonnable de la pourchasser et del'expulser : non pas seulement l'illusion en général, mais toute illusion, dent l'essence est de m'aveugler, dont lenoyau est de m'abuser.

Qu'il soit raisonnable et sensé de combattre toute illusion, n'est-ce pas, d'ailleurs, cequ'avait appréhendé la grande rationalité classique, avec Descartes au premier chef ? Il faut, nous montreDescartes, placer le sujet pensant hors des atteintes de l'illusion : la dénoncer, l'expulser et la répudier.

Tel est lenoyau de la Première Méditation.Néanmoins, il y a, en l'illusion, une telle puissance, elle revient si fort et si fréquemment quand je l'ai déracinée, qu'ilnous faut, peut-être, la questionner davantage.

Et si l'illusion formait une dimension de cette affectivité que nousne saurions mettre entre parenthèses ou refouler? L'illusion n'est-elle pas un besoin du « coeur », conçu commeaffectivité et vie immédiate ? B.

Comme désir et manifestation du corps, toute illusion ne peut être repoussée. Quel est, en effet, l'homme qui peut affirmer pouvoir vivre sans quelque illusion ? L'illusion n'est-elle pas une formedu désir et de l'expérience corporelle, liée à l'exercice même de notre vie, à notre « être-dans-le-monde » ? Au-delàde cette illusion que nous venons de déchiffrer, de cette croyance trompeuse qui nous éloigne du vrai et qu'ilimporte de repousser et combattre, dans le cas de tout individu sensé, ne peut-on comprendre autrement leproblème de l'illusion ? Loin d'être seulement tromperie se jouant de nous, l'illusion apparaît fréquemment croyancevitale, liée aux besoins de notre corps.

Aussi n'est-il pas raisonnable de combattre toute illusion ce serait combattrenotre incarnation même dans le monde, notre destin opaque et difficile.L'illusion, comme croyance fondée sur l'affectivité, comme force issue du désir et du corps, ne saurait toujours êtreraisonnablement combattue.

Est-il bien raisonnable de combatte e, par exemple, la croyance en l'immortalité, lebesoin de croire que l'âme survit à la mort du composé humain ? Quand une illusion naît d'exigences à la foisorganiques et psychiques très puissantes - comme l'idée d'immortalité, la notion de sacré, etc.

- il n'est pas toujourssensé de la combattre.

L'illusion, comme croyance se rattachant à un désir, enracinée avec force dans notreaffectivité, doit être examinée avec plus de bienveillance que tout à l'heure ! Elle n'est pas tout à fait trompeuse,puisque après tout, elle nous enracine au plus profond de nos désirs et de nos exigences.

C'est l'anthropologie (quisous-tend notre existence) que nous avions tout à l'heure écartée.

Après tout, Freud a montré que le désir était àl'origine de l'illusion.

Dès lors, l'illusion possède, dans certains cas, une fonction : protéger les désirs les plus anciens,les plus pressants de l'humanité, apaiser notre angoisse existentielle.

Ainsi, l'idée de Dieu est-elle (peut-être) uneillusion qui dissout l'angoisse humaine devant la vie et la mort.

Freud a été, dans ce domaine, fort lucide.

Il a montré que ce qui caractérise l'illusion, c'est d'être dérivée de désirs humains.

Dèslors, est-il bien raisonnable de combattre toute illusion ? L'illusion du progrès,l'idée de la survie, la croyance en Dieu, ne sauraient être tout à faitexpulsées de nous.

En bonne logique, elles nous éloignent du vrai, mais le vraiest peut-être si amer et si dur que nul ne peut vraiment le contempler enface.

De ce point de vue, une humanité renonçant à toute illusion estabsolument inimaginable ! « Voilà qui semble merveilleux ! Une humanité quiaurait renoncé à toute illusion et qui serait ainsi devenue capable de créer surterre une existence supportable ! Mais je ne saurais pour ma part partagervos espérances [...] Parce que j'ai du bon sens [...] Vous vous flattez del'espérance que les générations qui, dans leur petite enfance, n'auront passubi l'influence des doctrines religieuses atteindront aisément la primautévoulue de l'intelligence sur leur vie instinctive [...] Si l'on veut expulser denotre civilisation européenne la religion, on n'y pourra parvenir qu'à l'aide d'unautre système doctrinal, et ce système, dès l'origine, adoptera tous lescaractères psychologiques de la religion.

» (Freud, L'avenir d'une illusion, PUF,pp.

73-74).Il nous faut donc reconnaître parfois que l'illusion s'enracine dans notre corpset nos désirs plutôt que toujours la combattre.

Parfois plongée dansl'imaginaire, voire le « délire », l'illusion désigne parfois aussi une forcepratique issue du corps. C.

Illusion et apparence. Mais l'illusion, ce n'est pas seulement le désir, c'est aussi le vertige de l'apparence, l'absorption du sujet dans ce quiglisse à la surface des choses, dans les formes superficielles, dans l'art, vertige qui, du même coup, sauve le sujet.Il y a une illusion liée à la séduction du paraître et qui nous fait échapper au naufrage.

Comment serait-il raisonnableet sensé de la combattre ?. »

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