Devoir de Philosophie

Un homme raisonnable est-il un homme sensible ?

Publié le 11/03/2004

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Sans doute Bergson ne conteste-t-il pas que sous un certain aspect la morale nous apparaisse comme un système de règles et d'obligations. Il est en effet une morale commune et quotidienne qui se réduit à un ensemble d'habitudes collectives : faire son travail professionnel, ne pas dérober le bien d'autrui, etc. Plutôt que d'obligations transcendantes, il s'agit ici de nécessités sociales. Les règles communes n'expriment rien d'autre que la tendance du groupe à se conserver lui-même. Il s'agit ici de régulations en quelque sorte biologiques propres à ce grand organisme qu'est la société. La morale commune aura par là même un caractère conservateur et conformiste. Chez le citoyen bien discipliné, ce n'est presque plus une obligation, c'est une habitude.Mais aux yeux de Bergson la vraie morale est celle qui s'incarne dans les consciences du héros et du saint. Ceux-là sont des initiateurs qui rompent avec les habitudes du groupe et dans un élan créent des valeurs morales nouvelles. Tandis que pour la psychologie classique, observe Bergson, l'émotion n'est qu'une déroute, qu'un désordre, une destruction de valeurs consécutive à certaines représentations mentales, il faut ici renverser ce schéma : d'abord l'émotion n'est plus conséquence mais source, c'est elle qui donne naissance à des représentations morales ; ensuite et surtout l'émotion n'est plus destruction d'un ordre, mais promotion de valeurs.

« a) de suivre des règles universelles, c'est-à-dire telles que tous les hommes puissent les adopter sans absurdité (parexemple proposer de mentir n'est pas raisonnable, n'est pas universalisable : le menteur espère bien qu'on ne luimentira pas !);b) de respecter la raison en la personne raisonnable elle-même (traiter soi-même et autrui comme une fin et jamaiscomme un moyen);c) de se considérer soi-même comme l'auteur des lois morales universelles. IV.

A côté de cette exigence d'autonomie, Kant maintient l'idée de devoir sous sa forme la plus rigoureuse et la pluspure.

Il ne suffit pas d'agir conformément au devoir; encore faut-il agir par pur respect pour le devoir : Deuxcommerçants font à la clientèle le juste poids, le premier par peur des contrôles, le second par pur respect pour ledevoir.

C'est ce dernier seul.

qui est un être moral.

C'est pourquoi le devoir se présente comme un impératifcatégorique, c'est-à-dire un impératif sans condition, le contraire d'un impératif hypothétique ou conditionnel : « Nevole pas, si tu ne veux pas aller en prison », voilà un impératif hypothétique, soumis à une condition et qui par làmême n'est pas un impératif moral.

Quand je dis : « fais ton devoir si », je suis en dehors de la vraie morale. V.

Comment se fait-il que la conscience morale, qui se confond avec notre raison, s'exprime sous la forme d'unimpératif, d'un ordre brutal ? C'est que l'homme n'est pas seulement un être raisonnable, il est un être de chair.

Il aune sensibilité, des tendances, des passions.

Si la raison parle sous la forme sévère du devoir, c'est parce qu'il fautimposer silence à notre nature charnelle, parce qu'il faut au pris d'un effort plier l'humaine volonté à la loi du devoir.L'obligation, tout en prenant sa source à l'intérieur de notre conscience, n'en est pas moins transcendante à l'égardde notre nature.

Le domaine de la morale chez Kant n'est donc plus celui de la nature (soumission animale auxinstincts), mais n'est pas encore celui de la sainteté (où la nature transfigurée par la grâce éprouverait un attraitinstinctif et irrésistible pour les valeurs morales).

Le mérite moral se mesure précisément à l'effort que nous faisonspour soumettre notre nature aux exigences du devoir. VI.

La doctrine kantienne du devoir s'efforce avant tout de sauvegarder la spécificité de l'éthique, c'est-à-dire demontrer par exemple que la recherche du bonheur et la moralité sont deux choses distinctes.

Mais cette extrêmepureté que Kant attend de la morale ne risque-t-elle pas de rendre la vie morale très logique mais un peudésincarnée, un peu abstraite ? Péguy écrivait à ce sujet : " Kant a les mains pures, mais il n'a pas de mains.

Hélas !combien de nos actions pourront être érigées en une loi universelle ? Et cela ne nous est-il pas tellement égal,tellement étranger ? N'avons-nous point d'autres inquiétudes ? » La morale du sentiment N'y a-t-il pas des tendances, des sentiments qui spontanément nous poussent au bien? C'est un fait que «notresensibilité s'effarouche au spectacle ou au récit d'actes contraires à l'honneur, à la pudeur ».

Au contraire, témoinsdu dévouement, de la générosité, nous nous sentons exaltés par des sentiments d'admiration (au théâtre, aucinéma, les foules sentimentales prennent spontanément parti pour le héros bon et s'indignent du mal qu'on lui fait).Nous l'avons vu en traitant de la communication des consciences.

Le fait premier n'est pas la solitude de l'ego maisla coexistence des personnes.

Les sentiments de sympathie, l'expérience de l'amitié et de l'amour vrais qui nous fonttrouver notre joie dans le bonheur d'autres personnes — aux dépens mêmes de notre plaisir, de notre strict intérêt— sont des données fondamentales de la nature humaine'.L'amoralisme absolu — qui est l'indifférence complète au bonheur des autres personnes — serait lié à un solipsisme radical, c'est-à-dire à la stricte négation de cette communication des consciences dont nous avons dit lecaractère originaire.

On le voit bien chez le marquis de Sade dont les personnages sont bien plutôt égoïstes qu'ils nesont cruels.

L'un d'eux déclare par exemple : « Qu'importe si je dois acheter la plus faible jouissance par unassemblage inouï de forfaits, car la jouissance me flatte, elle est en moi mais l'effet du crime ne me touche pas, ilest hors de moi.

» 2 Par là le héros sadique' se condamne à une absolue solitude.

Et si les hommes échappent trèsgénéralement à ce solipsisme, c'est parce qu'ils ont naturellement des sentiments.

Les sentiments spontanésfonderaient donc la morale. a) Telle est par exemple la position de Schopenhauer, qui développe une morale sentimentale sur un fond de décortragique.

Les divers individus ne sont d'après lui que les manifestations phénoménales d'un unique « vouloir vivre »,substance du monde.

Ce vouloir vivre est absurde, car la vie n'a pas d'autre but qu'elle-même et se déploieaveuglément et sans raison.

Mais les individus, victimes d'une horrible illusion, se prennent souvent chacun pour levouloir vivre tout entier et à partir de là luttent les uns contre les autres et s'entre-déchirent pour conquérir ces«biens de la vie» qui n'ont ni durée ni signification (comme si la postérité de Sisyphe se disputait les morceaux durocher).

La pitié est pour Schopenhauer le grand remède à cette misère.

En effet la pitié est capable de convertirl'égoïsme en amour puisque le moi qui contemple la souffrance d'autrui éprouve à son tour une sorte de souffranceet qu'ainsi les individus cessent d'être clos et fermés sur eux-mêmes.

La pitié est un sentiment de portée morale etmétaphysique à la fois puisqu'il nous révèle l'unité profonde de tous les êtres : tandis que l'immoralité est liée àl'illusion des singularités individuelles. b) D'une façon générale les moralistes «sentimentaux» fondent les valeurs morales sur les tendances spontanées dela nature humaine.

Pour Guyau l'élan spontané de la vie est altruiste ; un homme en bonne santé a immédiatementtendance — sans effort ni calcul — à se dévouer, à se donner à d'autres.

Dans cette perspective l'égoïste est unmalade, c'est celui qui manque de vitalité, qui a trop peu de ressources pour les dépenser au dehors et qui consacrele peu de forces qui lui reste à se sauver lui-même, à construire une barrière protectrice entre lui et le monde.

La. »

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