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HUME: Votre blé est mûr

Publié le 27/02/2008

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hume
Votre blé est mûr aujourd'hui ; le mien le sera demain. C'est notre avantage que je travaille aujourd'hui avec vous et que vous m'aidiez demain. Je n'ai aucune bienveillance pour vous et je sais que vous en avez peu pour moi. Je ne me donnerai donc aucune peine pour vous ; et je travaillerai avec vous pour moi-même, dans l'attente d'une action en retour. Je sais que je serai déçu et que c'est en vain que je m'en remettrai à votre gratitude. Alors je vous laisse travailler seul ; vous me traitez de la même manière. Le temps change ; et tous deux nous perdons nos récoltes par manque de confiance et de garantie mutuelles. Tout cela c'est l'effet des principes naturels et inhérents à la nature humaine et de ses passions : comme ces passions et ces principes sont immuables, on peut penser que notre conduite, qui en dépend, doit l'être aussi et que ce serait en vain que des moralistes ou des politiques exerceraient sur nous leur influence subtile ou qu'ils tenteraient de changer le cours habituel de nos actions par souci de l'intérêt public. Et certes, si le succès de leur dessein avait dépendu de leur succès à corriger l'égoïsme et l'ingratitude des hommes, ils n'auraient jamais fait aucun progrès. (...) Tout ce à quoi ils peuvent prétendre, c'est de donner une nouvelle direction aux passions naturelles et de nous enseigner ce qui peut satisfaire nos appétits de manière oblique et artificielle mieux que par leurs mouvements précipités et impétueux. C'est de là que j'apprends à rendre service à autrui, sans lui porter une réelle tendresse ; car je prévois qu'il me rendra mon service dans l'attente d'un autre service du même genre, et pour maintenir la même réciprocité de bons offices avec moi ou avec les autres. En conséquence, une fois que je l'ai servi et qu'il est en possession de l'avantage qui naît de mon action, il est amené à jouer sa partie par prévision des conséquences de son refus. HUME
 
Comment faire que les intérêts égoïstes de chacun s’harmonisent, afin que les hommes puissent vivre ensemble ? Loin d’estimer qu’on puisse changer la nature humaine, ou la motiver par le bien commun, Hume préconise de montrer comment les hommes peuvent travailler en vue de l’avantage mutuel, tout en étant motivés pas l’intérêt individuel.
 
La thèse de l’extrait peut se formuler ainsi : on ne doit pas modifier, mais comprendre et orienter les passions humaines, afin d’enseigner comment mieux les utiliser.
 
Le texte se découpe en trois parties.
La première, qui va jusqu’à : « … et de garanties mutuelles «, montre les conséquences naturelles de la conduite humaine.
La deuxième partie, jusqu’à : « … fait aucun progrès. «, explique que ces conséquences sont les effets de passions humaines immuables.
Enfin, la troisième partie montre comment il faut orienter ces passions, pour que chacun, ayant à l’esprit son avantage individuel, contribue néanmoins à l’avantage mutuel.
 
hume

« Il faut donc comprendre que Hume tire les conclusions des motifs de l'action individuelle de deux individusidentiques. Quelle est la conséquence de tout cela ? Doutant de recevoir une aide en retour, je n'apporte donc pas la mienne.Et n'apportant pas mon aide, je n'en reçois évidemment aucune. La dernière phrase donne le dénouement de l'histoire : « le temps change », et chacun perd sa récolte. On peut interpréter ce « temps », de même que le hasard qui fait que c'est le blé d'untel qui est mûr avant celui del'autre, comme l'expression des circonstances hasardeuses dans lesquelles se déroule l'action.

Ces circonstances nedépendent pas de moi.

Par contre, ce qui dépendait de moi, c'était de m'associer avec mon voisin pour ne pasperdre ma récolte.

Il est en effet sous-entendu, ici, qu'à deux on aurait devancé les effets du mauvais temps,tandis que seul on les subit. En conclusion, pourquoi ne pas s'être aidé ? Il y a deux raisons : par manque de « confiance » premièrement, puis par manque de « garanties mutuelles ».

Cesdeux raisons s'articulent.

Le manque de confiance s'exprime dans le fait que j'ai douté de recevoir une aide enretour.

Pourquoi en ai-je douté ? J'en ai douté car je n'avais pas la « garantie » d'être aidé en retour.

Pourquoin'avais-je pas cette garantie ? Je ne l'avais pas, parce que je ne peux pas supposer avec certitude que l'autre ades motifs d'agir différents des miens : à savoir, agir par intérêt. L'exemple de cette première partie a en fait valeur d'argument.

Pour donner toute sa force à cet argument, il fautinsister sur le fait que la conséquence néfaste pour chacun se produit alors que chacun reconnaissais l'avantage mutuel de l'entraide.

Ce que montre Hume, c'est que ce n'est pas par ignorance de l'avantage mutuel que leshommes n'y convergent pas, mais du fait de la nature de leur passion – ce que va montrer clairement la deuxièmepartie. DEUXIÈME PARTIE La deuxième partie dresse le bilan théorique de la première. Ce qui a été développé apparaît donc comme « l'effet des principes naturels et inhérents à la nature humaine et deses passions ».

Ce sont les motifs de l'action humaine que Hume décrit ici.

A partir de l'exemple de la premièrepartie, Hume fait une abstraction qui généralise les principes de l'action humaine. Il faut noter que la « raison » n'apparaît pas dans cette phrase.

Ce n'est en effet pas la raison mais les passions quisont les causes de l'action humaine.

C'est d'ailleurs à ce titre qu'on peut expliquer que les hommes ne s'entraidentpas alors qu'ils y gagneraient en le faisant.

Ils ne s'entraident pas parce que c'est leur nature qui est la cause deleurs actions.

Plus exactement, c'est d'un côté « des principes naturels », et d'un autre des « passions » qui sont àl'origine des actions humaines.

Derrière toutes nos actions, indépendamment des circonstances, ce sont toujours lesmêmes principes. Les principes peuvent renvoyer à la recherche de l'avantage personnel, tandis que les passions sont représentéesdans l'exemple par la forme de méfiance à l'égard de l'autre.

Toutefois la distinction entre les « principes naturels »et les « passions » n'est pas ici systématisées.

Et on peut voir dans le fait que l'action n'est pas guidée par labienveillance, mais par l'intérêt individuel, un des « effets » de ces principes comme de ces passions naturelles. Le terme « effet » situe clairement les principes naturels et les passions comme étant les causes de l'action.

Laphrase suivante insiste d'ailleurs sur ce point (notre conduite « qui en dépend »). Parce qu'ils sont localisés dans « la nature humaine », ces principes sont absolument solidaires de cette nature ; ilssont, comme elle, immuables.

Il faut comprendre que Hume n'a pas mis en évidence un simple caractère, ou untempérament singulier.

L'homme, par définition, est mû par ses passions.

Celles-ci, naturellement, sont motivées parl'avantage individuel. Ce n'est donc pas une défaillance du caractère, mais la logique d'une nature, qui a fait que les hommes ont perduleur récolte. Le lien entre notre conduite, comprise comme « effet » de notre nature, permet de déduire que notre conduite estelle aussi immuable. Quelle est la conséquence de cette solidarité entre la nature humaine est les effets qu'elle produit ? La conséquence est qu'il est vain de chercher à modifier la conduite humaine. Hume prend explicitement à parti les « moralistes » et « politiques » qui veulent orienter les actions humaines vers lebien commun.

Les moralistes visent sans doute tous les philosophes qui veulent que les hommes agissent en vertude principes moraux.

Les politiques sont ceux à qui il revient de faire vivre les hommes ensemble.. »

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