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Qu'est-ce qu'une image ?

Publié le 10/04/2004

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En posant la question « qu’est-ce qu’une image ? « nous posons une question infiniment plus complexe qu’elle peut le paraitre de prime abord. En effet, nous vivons tout particulièrement aujourd’hui dans un monde d’images, véhiculées par la télévision, internet, par les livres et le cinéma. Mais cette familiarité des images ne doit pas nous cacher que celles-ci sont des objets beaucoup plus complexes qu’ils ne le paraissent. En effet, une image est ce qui rend présent une chose alors que nous n’en faisons pas actuellement l’expérience ; une image donne l’idée d’une chose, peut se faire passer pour elle, mais demeure néanmoins un pur substitut de ce dont elle est le modèle ; mais encore, une image est ce qui s’efforce de ressembler a une chose, sans jamais réussir tout a fait dans cette intention. Nous dirons donc que la question « qu’est-ce qu’une image ? « concentre un grand nombre de problématiques diverses dans lesquelles il nous faudra nous efforcer de mettre de l’ordre.

La question au centre de notre travail sera donc tout particulièrement d’élucider dans quelle mesure l’image est la représentation d’une chose, qui, paradoxalement, demeure irrémédiablement absente.

 

I.                   L’image est la représentation d’une chose

a.       L’image n’est pas autre chose que ce qui rend présent un objet dont nous ne faisons pas actuellement l’expérience sensible

b.      Une image se définit par l’interdépendance des parties qui la composent

 

II.                Cependant, il existe une altérité irréductible entre l’image et l’objet qu’elle représente

 

  1. L’altérite des temporalités respectives de l’image et de son modèle
  1. L’image n’est jamais la chose qui est représentée

III.             L’image est l’être qui rend présent une chose irrémédiablement absente

  1. Le présent singulier de l’image : une actualité mêlée d’absence
  1. L’image échoue toujours a rendre présente une part de la chose représentée : la leçon Proustienne mêlée de mélancolie

 

« L'altérite des temporalités respectives de l'image et de son modèle a. Cependant, il existe une nuance qu'il nous faut considérer et qui va sans doute faire évoluer la manière dont nousallons répondre à la question.

En effet, n'y a-t-il pas une altérite irréductible entre les temporalités respectives del'image et de son modèle ? Si je représente une pièce de théâtre, par exemple la tragédie des Perses d'Eschyle, peut-on dire a proprement parler que je la rends présente ? Une telle affirmation se heurte au contraire à deuxoppositions : non seulement ma représentation de la pièce d'Eschyle ne réinstaure pas le présent de lareprésentation originale (les panathénées grecques, avec leur appareil religieux et festif entourant la représentation)mais ne réinstaure pas non plus le présent de la chose représentée (à savoir le temps de la guerre d'Athènes contreles Perses).

Il s'agit de trois temporalités distinctes et impossibles à superposer les unes sur les autres.

L'image estdonc inscrite dans une temporalité différente de la chose qu'elle représente, qui lui fournit son modèle, ce qui ladistingue fondamentalement de celui-ci.

L'image n'est jamais la chose qui est représentée b. A la lumière de cet argument, nous dirons que l'image n'est jamais en tous points identique a la chose qui estreprésentée, et donc que le présent de la représentation n'est pas le présent de la chose représentée.

En effet, sije représente une chose dans un tableau, par exemple une fleur comme le fait Van Gogh avec ses célébrissimestournesols, je fais advenir un présent suspendu de la chose représentée.

Celle-ci nous est présente mais sur unmode particulier, puisque nous savons qu'elle a eu le temps de périr, de passer.

Nous dirons donc qu'une image estfondamentalement autre chose que son propre modelé, quand bien même elle s'efforce de s'identifier a celui-ci, carla représentation ne nous donne jamais la chose dans le présent qui a été le sien, ne la fait pas ré advenir à l'êtretelle qu'elle a été.

Pour le dire autrement, l'image n'a pas un rôle résurrecteur de la chose représente.

Elle instaureune temporalité singulière, un présent mêlé d'absence et de passé, sur la nature de laquelle nous allons à présentnous pencher.

III. L'image est l'être qui rend présent une chose irrémédiablement absente Le présent singulier de l'image : une actualité mêlée d'absence a. Nous finirons par répondre à la question posée en disant qu'une image est ce qui fait advenir une temporalitéinédite.

Penchons nous de nouveau sur la représentation théâtrale : pour Peter Brook, la représentation est " le moment où l'on montre quelque chose qui appartient au passé, quelque chose qui a existé autrefois et qui doitexister maintenant. " Cette citation nous permet d'approcher le phénomène singulier qu'est la représentation non seulement théâtrale mais la représentation en générale.

En effet, elle nous amène à penser que dans l'acte de lareprésentation, ce n'est pas un présent révolu qui est miraculeusement ressuscité, qui revient à l'être, mais unprésent qui s'accompagne de l'absence irrémédiable de la chose représentée.

Voila pourquoi la contemplation destableaux de Monet ou de Renoir, aussi lumineux soient-ils, ne peut être l'occasion d'éprouver le seul sentiment d'unerésurrection du passé.

C'est aussi un monde englouti et irrémédiablement perdu qu'ils nous donnent à voir, nonl'actualité retrouvée d'être disparus.

Nous dirons donc que l'image ne rend pas présent, ou plutôt qu'elle rendprésent sur fond d'absence et de disparition.

Une image a donc quelque chose de morbide car elle est semblable àce que désigne ce vers de Verlaine, au « souvenir lointain des voix chères qui se sont tues ».

L'image échoue toujours a rendre présente une part de la chose représentée : la leçon Proustienne mêlée de mélancolie b. Dans une perspective complémentaire, nous dirons même qu'une image ne saurait rendre présent quoique ce soit,dans la mesure où la représentation échoue toujours à faire advenir à la présence la totalité de ce qu'elle s'attacheà incarner.

C'est finalement la terrible leçon de l'entreprise colossale a laquelle se livre Proust dans A la recherche du temps perdu , dont voici un extrait de la dernière page : « La date à laquelle j'entendais le bruit de la sonnette du jardin de Combray si distant et pourtant intérieur, étaitun point de repère dans cette dimension énorme que je ne savais pas avoir.

J'avais le vertige de voir au-dessous. »

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