Imaginer, est-ce nier la réalité ?
Publié le 07/01/2004
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généralement à refuser son assentiment à une proposition (et non pas à décliner l'offre d'une chose ou ne pasvouloir s'engager dans une action).
Nier une proposition, c'est la tenir pour fausse.
Ainsi, on peut nier la réalité dequelque fait qu'on estime controuvé ou nier l'idée que quelqu'un se forme d'un fait.
La négation intervient aussi dansl'idée de possible.
Envisager une chose comme possible, c'est envisager qu'elle puisse également ne pas être.
Parexemple, si j'affirme comme possible qu'il fera beau demain, je suppose qu'il est également possible qu'il ne fasse pasbeau.Quel sens peut avoir alors l'expression "nier la réalité"? Il semble bien difficile de nier que ce qui est, est: dire: "laréalité n'est pas", c'est une contradiction.
En revanche, il est possible de nier que ce qui paraît être soiteffectivement; il est possible de nier que le simple fait de l'existence d'une chose nous assure de l'impossibilité pourelle d'être autrement.
(On répute souvent chimériques certains projets en se contentant de leur objecter la réalitéprésente.
Ce n'est pas une objection recevable, car la réalité peut changer et être changée, du moins sous certainsde ses aspects.)Imaginer ce pourra être alors non pas nier, absolument, la réalité, mais nier que ce qui s'impose à nous comme réelle soit effectivement, ou nier que la réalité se réduise à ce qu'elle est présentement.
La négation porte sur la réalitételle que nous la croyons être, non sur la réalité même. 3) Une analyse un peu plus serrée de ces idées pourrait être appuyée par lalecture de Sartre.
Dans "L'imaginaire", mais aussi dans "L'être & le néant", ilmontre que l'esprit de sérieux nous conduit à croire que la réalité se réduit àun ensemble de faits et de choses qui ne sauraient être autrement qu'ils nesont et dont la nature nous dicterait notre conduite.
Nous sommes enclin àpenser que, de l'imagination qui nous détourne d'une réalité ainsi comprise,nous sommes seulement des victimes.
Sartre considère au contrairequ'imaginer est une conduite (un comportement délibérément choisi) et qu'elletrouve sa source et son fondement dans l'aptitude de la conscience à"néantiser" ce qui semble s'imposer à nous comme réalité.
"Pour qu'uneconscience puisse imaginer il faut qu'elle échappe au monde par sa naturemême, il faut qu'elle puisse tirer d'elle-même une position de recul par rapportau monde.
En un mot, il faut qu'elle soit libre." (Page 353).
L'image est généralement pauvre, car elle est un monde en miniature, coupédu vrai monde.
Les éléments qui la constituent tissent entre eux un nombrede rapports finis, à la différence du symbole qui aspire et tend vers leconcept.
De plus, l'image est irréelle, car "les objets n'existent quepour autant qu'on les pense".
Il s'ensuit que la perception d'une choseconcrète et la visée par laquelle notre conscience s'y rapporte sont infinimentplus féconds que la conscience d'une simple image.
L'image se réduitstrictement à la conscience qu'on en a, alors que l'objet perçu déborde constamment la conscience.
Tout est donné dans l'image, il n'y a rien à en apprendre.
Dans sa transparence, elleest la certitude même.
Un objet imaginaire peut être pensé de trois manières : il est soit inexistant ; soit absent ;soit existant ailleurs.
C'est à chaque fois une négation qui le constitue, et une négation de la réalité.
"Poser uneimage, c'est constituer un objet en marge de la totalité du réel, c'est donc tenir le réel à distance, s'en affranchir,en un mot : le nier." Cette mise à distance nécessaire à la constitution de l'image implique que la conscience soitlibre par rapport au réel même.
La conscience reste inéluctablement dans le monde, mais elle est capable de letranscender par sa liberté ; cette transcendance et ce dépassement ne peuvent se faire que par la négation.
Lenéant ne peut être une image, mais l'acte de négation en est sa condition.
C'est peut-être à travers le jeu qu'on peut le mieux saisir cette idée que l'imagination est un acte de liberté qui nouspermet, en niant la réalité sous son aspect le plus immédiat (celui des faits présents), d'explorer des possibilités etpar là de former des projets.
On a trop tendance à considérer le jeu comme une activité puérile ou undivertissement d'adulte et à l'opposer au travail.
Le contraire du jeu n'est pas le travail, mais le sérieux.
Le sérieuxne se définit pas par la nature de l'activité qu'on accomplit, mais par la façon dont on l'accomplit.
N'importe quelleactivité, y compris le jeu, peut être prise au sérieux, menée selon "l'esprit de sérieux".
Mais n'importe quelle activitépeut aussi être regardée et conduite comme un jeu.
Dans le premier cas, la conduite est fondée sur le sentimentque certaines règles et certaines valeurs s'imposent à nous, qu'elles sont présentes dans la réalité même à laquellenous avons affaire et s'imposent avec l'évidence des choses.
Dans le second cas on dissocie réalité et valeur, loisnaturelles et règles convenues et on considère que c'est toujours librement qu'on donne telle valeur à une chose etqu'on adopte telle règle.
En effet tout jeu comporte des règles librement acceptées et les choses sur lesquelles onopère n'ont d'autre sens que celui qu'on a décidé de leur conférer.
L'enfant, lorsqu'il joue, sait bien que les chosesqu'il utilise ne sont pas réellement changées par la signification qu'il leur donne; mais cette dernière n'est pastotalement étrangère aux propriétés réellement présentes dans ces choses: celles-ci constituent comme unmatériau qui soutient et suggère les formes dont son imagination les revêt.
On remarquera en outre que les règlesne sauraient être totalement arbitraires: elles doivent offrir une certaine cohérence et offrir la possibilité de conduirelogiquement le jeu.
Ainsi l'imagination se joue librement du réel; elle ne l'abolit pas pour autant.
Elle prend sesdistances avec la signification usuelle que nous lui donnons, découvre en lui des possibilités méconnues.4) Pour montrer que, dans la fiction, la réalité n'est pas niée absolument, on pourra recourir à Hegel.
Dans ses"Leçons sur l'esthétique", il critique l'idée que les beaux-arts sont imitation de la réalité.
Mais il prend bien soin depréciser que sa critique ne vise que ce qu'il appelle l'imitation "formelle", c'est-à-dire la reproduction servile del'apparence sensible.
Il n'exclut pas que l'art doive présenter son contenu sous les formes qu'offre la nature ("Que.
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