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L'immoralisme ?

Publié le 04/01/2004

Extrait du document

Nietzsche fait gloire à La Rochefoucauld et à Pascal d'avoir « compris l'identité essentielle des actions humaines et leur équivalence foncière «.Pourtant ni Calliclès, ni Nietzsche surtout ne s'en tiennent là. Sade, le moins moraliste des trois, reste fidèle, si l'on peut dire, à sa neutralité immoraliste : certes il décrit avec complaisance les plus horribles pratiques des libertins et il semble clair qu'elles correspondent à ses goûts personnels, mais il ne cherche guère à construire à partir de là une nouvelle éthique ; la singularité et l'excès même des débauches qu'il se plaît à cultiver le défendent sans doute contre cette tentation ; le langage qu'il parle n'est après tout pas très différent de celui que tiendrait un criminologiste moderne. Le criminel « n'est pas plus coupable que ne l'est celui qui vient au Inonde borgne ou boiteux « ; s'il le pouvait « il reformerait à l'instant ses goûts, ses affections, ses penchants sur le plan général «. Bien différent de Gide il n'idéalise pas ses penchants singuliers et se contente de plaider l'indulgence en soulignant la condition tragique de celui qui a des penchants peu compatibles avec la vie sociale : « De quel droit même les lois qui ne sont faites que pour le bonheur de l'homme, oseront-elles sévir contre celui qui ne peut se corriger ou qui n'y parviendrait qu'aux dépens de ce bonheur que doivent lui conserver les lois ? «. Sade révèle ici la contradiction interne propre à la morale naturaliste du bonheur qui triomphait au xviiie siècle ; son oeuvre n'est pas l'expression d'une nouvelle éthique, elle est le cri d'un malade incurable, cri désespéré auquel son temps ne peut répondre, auquel peut-être nos techniques psychiatriques contemporaines apportent quelque début de réponse. encore balbutiante.

« l'accroissement possible.

au lieu de les réprimer.

et quand elles ont atteint toute leur force être capable de leurdonner satisfaction par son courage et son intelligence et de remplir tous ses désirs à mesure qu'ils éclosent...

Lavérité, que tu prétends chercher, Socrate, la voici : le luxe, l'incontinence et la liberté, quand ils sont soutenus parla force constituent la vertu et le bonheur : le reste, toutes ces belles idées, ces conventions contraires à lanature, ne sont que niaiseries et néant » (Gorgias 491 e 492 ac).Même enthousiasme chez Nietzsche quand il opte pour la morale des forts.

Rejetant l'équivalence de tous les actesqu'il admet, comme nous l'avons vu, dans certains textes il proclame maintenant qu'il y a une bonne morale et unemauvaise, ou plutôt une morale « naturelle » et une autre hypocrite et artificielle.

Entre temps le mot de « nature »a changé de sens.

Tout à l'heure il désignait tous les comportements.

tous les sentiments.

Il n'y avait alors que ledéterminisme psychologique : bons ou méchants.

sincères ou hypocrites, tous entraient dans le sein de la nature etaucun jugement de valeur n'était possible.

A présent le mot « nature » reçoit une valeur positive.

La volonté depuissance est exaltée, divinisée.

il ne s'agit plus de nier le monde des valeurs mais de renverser l'échelle des valeurs.« Renversement de toutes les valeurs ».

tel est d'ailleurs le sous-titre de « La Volonté de Puissance ».

Sans douteNietzsche s'efforce-t-il de concilier ses postulats naturalistes avec son option éthique.

Les valeurs des "maîtres",force joyeuse, courage, esprit de conquête, triomphe amoureux, sont les seules u naturelles » car elles sontdirectement jaillies de la volonté de puissance.

La morale des « esclaves n n'a pas ce caractère de créationspontanée.

Les « esclaves » ne créent pas des valeurs, ruais se contentent, par ressentiment, de changer de signeles valeurs des maîtres, d'appeler mal ce qu'ils appelaient bien et bien ce qu'ils appelaient mal.

Ainsi la morale servileest-elle une simple « réaction » au triomphe des maîtres et non une « action » tandis que la morale du surhommeagit et croît spontanément. Qu'est-ce que le Surhomme ? Le Surhomme est une forme d'humanité supérieure qui laisse parler en lui la totalité des instincts, et précisémentceux-là mêmes que la Culture christianisée a étouffés parce qu'ils étaient des formes de la volonté de puissance, «ce qu'il y a de pire » en l'homme : égoïsme, instinct de domination, sexualité.

Mais il convient ici de souligner unpoint important.

L'homme est de toute façon un être de culture.

Il n'est donc en aucun cas possible de retourner aumoment où les Barbares étaient encore indemnes des effets de la volonté de puissance de leurs esclaves, momentfondateur de la culture.

Les instincts doivent être libérés pour être spiritualisés : « L'homme supérieur serait celui quiaurait la plus grande multiplicité d'instincts, aussi intenses qu'on peut les tolérer.

En effet, où la plante humaine semontre vigoureuse, on trouve les instincts puissamment en lutte les uns contre les autres...

mais dominés.

» Cesurhomme parvient à la connaissance véridique de l'humanité, qui est la connaissance « tragique » qui a été décriteprécédemment.

Il se réalise dans les seules issues que Nietzsche a réservées : celle de l'art, qui est une fictionconnue comme telle, ou celle de la connaissance intellectuelle.

Il réalise ainsi le sens de l'humanité même, car il estcelui qui adhère à la doctrine de l'Éternel Retour et qui donc est le sommet de la volonté de puissance. Cette glorification de la volonté de puissance n'en marque pas moins chez Nietzsche le passage du planpsychologique à un plan qu'il faut bien appeler éthique et, comme dit très bien M.

Thibon : " L'optimisme délirant quise fait jour dans cette prédication de la morale des maîtres et du surhumain contraste violemment avec lepessimisme glacé du grand démasqueur d'idéals.

Schopenhauer, comme Nietzsche, reconnaissait la présenceimpérieuse de la volonté de puissance ; mais Schopenhauer la condamne tandis que Nietzsche l'approuve : lejugement par lequel nous décidons de refuser ou de glorifier l'impulsion naturelle n'appartient pas lui-même à lanature ; ainsi le soi-disant immoralisme apparaît comme le refus d'une morale jugée mauvaise, la morale du troupeau.au profit d'une morale prétendue supérieure.

Il s'agit beaucoup moins de nier les valeurs que de promouvoir desvaleurs nouvelles, ou plus exactement, dans l'esprit de Nietzsche, de restaurer ces valeurs authentiques.. »

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