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L'éphémère a-t-il de la valeur ?

Publié le 30/01/2004

Extrait du document

A. L'éphémère n'a pas de valeur, laquelle s'attache soit à la durée, soit à l'éternité (thèse). l'éphémère ? Ce terme n'est pas, dans la langue courante, valorisé : est éphémère ce qui est sans lendemain, sans futur, sans avenir. Le langage est, à cet égard, dépourvu d'équivoque; ainsi parle-t-on d'une gloire ou d'un succès éphémères, d'un bonheur éphémère, fragile, fugace et précaire. La philosophie, réitérant ces préjugés, s'attache, elle aussi, fréquemment, non point à la valorisation des plaisirs et des jours éphémères, mais à ce qui dure ou s'inscrit dans l'éternité.Pourquoi l'éphémère serait-il dépourvu de qualités réellement désirables ? Il participerait, en tous points, à la déficience ontologique du temps. Il condenserait et incarnerait cette dernière.

  • Définitions :

- l'éphémère (pris ici comme substantif) : qui ne dure ou ne vit qu'un jour; qui est de courte durée; qui ne connaît qu'un temps fugace, bref, etc. - valeur(du latin vaior) : caractère de choses telles qu'elles sont jugées supérieures, dignes d'estime, etc.

  • PROBLEMATIQUE:

Ce qui est transitoire et dure seulement un jour ou peu de temps comporte-t-il une qualité désirable et peut-il répondre à une aspiration de la conscience ? L'éphémère comporterait-il une déficience ontologique ? Cela n'implique-t-il pas que le temps, extérieur à nous, nous mutile ? Mais alors la finitude même de l'homme ne constitue-t-elle pas un élément de chute ? Faut-il, en définitive, privilégier le caractère de l'existence humaine limitée ou bien la pensée de l'éternité ? Tel est le problème. D'où l'enjeu de la question. Le gain de réflexion concerne notre statut d'être temporel et fini.

« nous faudra ici mettre en question ? Le « durable » sous la forme de l'or, de la lourde matière ou sous celle del'Essence éternelle, n'est-il pas infiniment inférieur à ce qui ne dure qu'un instant ?Et si l'éphémère, l'immédiat détenait, au contraire, la plus grande valeur ? L'existence, n'est-ce pas l'instant de la viedans son éclatement vertigineux, la beauté de ce qui fuit et ne se reproduira jamais plus ? En réhabilitantl'existence, ne réhabilitons-nous pas l'éphémère, ce temporaire et ce précaire ? Si la conscience commune privilégiele « durable », la philosophie véritablement concrète ne s'attachera-t-elle pas au momentané, à ce qui n'est pasdestiné à continuer ? Seules les jouissances de l'immédiat sont belles : en elles ce qui s'accomplit est le vrai destinde la vie, ce destin qui consiste à prendre forme à travers l'instant, à travers le précaire, à accomplir ce néant quiest notre être même.

A la stabilité et à la continuité si plates ne faut-il pas préférer les possibles fugaces ? Puisquel'homme est destiné à la mort, à lui de se vivre jusqu'au bout comme être-pour-la-mort, en préférant l'éparpillementde l'éphémère au principe d'unité.

Que la poussière d'instants l'emporte sur l'illusoire unité, que l'éphémère emplissenos vies ! Seuls l'instant et le désir immédiat possèdent de la valeur, car ils incarnent la beauté mortelle etpérissable, qui est le lot de l'homme.

Discontinue, qualitative, liée au plaisir immédiat sans cesse renouvelé, telle estl'existence, où l'éphémère devient le suprême désirable.

Songeons ici à Don Juan, qui exprime la vie dans l'instant, ledésir fugace, l'éphémère, l'absence de continuité temporelle, la rapidité de la foudre, la griserie sensuelle etesthétique.

L'éphémère, c'est la beauté de la vie évanescente et mortelle.

Préférons la beauté à la pesanteéternité, la splendeur de l'instant qui fuit à l'or durable ou aux réalités permanentes.

Écoutons le Don Juan de Mozart:« Écoutez Don Juan ; si, en l'écoutant, vous n'obtenez pas une idée de lui, vous ne l'obtiendrez jamais.

Écoutez ledébut de sa vie.

Comme la foudre sort des nuées ténébreuses de l'orage, ainsi s'élance-t-il des profondeurs dusérieux, plus rapide que la foudre, plus capricieux qu'elle et, pourtant, aussi sûr; écoutez comme il se jette dans larichesse de la vie, comme il se brise contre son barrage inébranlable, écoutez ces sons de violon, légers etdansants, écoutez le signe de la joie, l'allégresse du plaisir, écoutez les délices solennelles de la jouissance; écoutezsa fuite éperdue — dans sa précipitation il se dépasse lui-même, toujours plus vite, de plus en plus irrésistible,écoutez les désirs effrénés de la passion.

» (Kierkegaard, Ou bien...

ou bien, Gallimard) Transition Toutefois l'éphémère, s'il est beauté, est aussi fuite, comme ce Don Juan de Mozart, qui s'éparpille, étranger à toutecontinuité, et s'engloutit dans la mort.

Et si une synthèse était possible ? Et si l'éphémère pouvait s'allier à l'éternel? C.

L'instant, synthèse possible de l'éphémère et de l'éternel (synthèse) Ne méprisons pas l'éphémère, car il incarne la splendeur de notre monde, le vrai noyau de l'existence, le dynamismeuniversel de la vie, cette mer en flux perpétuel.

Si la conscience « bourgeoise », avide d'or et de meubles lourds,mais aussi la conscience métaphysique, fascinée par le permanent, méprisent cet éphémère qui fuit, la conscienceartistique sait bien que les plus grandes oeuvres sont menacées, que le fragile et précieux pastel se détruit chaquejour, que seul l'éphémère a de la valeur.

Aimez ce que jamais on ne verra deux fois !Toutefois, l'instant est peut-être l'union de l'éternité et de l'éphémère.

Dans Ainsi parlait Zarathoustra, deNietzsche, Zarathoustra est un sage qui rencontre l'Éternité au sein même de l'éphémère.

« Je t'aime, ô Éternité »,va-t-il s'écrier.

Or cette éternité, il ne la goûte ni en son essence éloignée, ni dans un Outre-Monde, mais dansl'éphémère lui-même.

« Ô bonheur ! Ô bonheur ! Que ne chantes-tu pas, ô mon âme ? Le monde est accompli.

»(Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Gallimard)Ainsi, au sein même du devenir, sous le règne de l'éphémère, quand le devenir brise les anciennes structures pourconstruire perpétuellement de nouvelles formes éphémères, l'instant peut se révéler porteur d'éternité.

« Toute joieveut l'éternité [...] veut la profonde éternité » (Nietzsche, op.

cit.) Peut-être l'idée de Retour éternel, doctrineselon laquelle toutes les choses reviennent un nombre infini de fois à l'identique, est-elle en mesure de nousapporter la synthèse souhaitée : l' instant acquiert le caractère de l'éternité, car il se reproduira un nombre infini defois.

Donc l'éphémère a la plus grande valeur, car la joie est éternelle. NIETZSCHE : Le poids le plus formidable.

- Que serait-ce si, de jour ou de nuit, un démon te suivait une fois dans la plus solitaire de tes solitudes et te disait : Cette vie,telle que tu la vis actuellement, telle que tu l'as vécue, il faudra que tu la revivesencore une fois, et une quantité innombrable de fois ; et il n'y aura en elle rien denouveau, au contraire ! Il faut que chaque douleur et chaque joie, chaque pensée etchaque soupir, tout l'infiniment grand et l'infiniment petit de ta vie reviennent pour toi,et tout cela dans la même suite et le même ordre - et aussi cette araignée et ce clairde lune entre les arbres, et aussi cet instant et moi-même.

L'éternel sablier del'existence sera retourné toujours à nouveau - et toi avec lui, poussière des poussières !«.

- Ne te jetterais-tu pas contre terre en grinçant des dents et ne maudirais-tu pas ledémon qui parlerait ainsi ? Ou bien as-tu déjà vécu un instant prodigieux où tu luirépondrais : Tu es un dieu, et jamais je n'ai entendu chose plus divine Si cette penséeprenait de la force sur toi, tel que tu es, elle te transformerait peut-être, mais peut-êtret'anéantirait-elle aussi ; la question veux-tu cela encore une fois et une quantitéinnombrable de fois ? cette question, en tout et pour tout, pèserait sur toutes tesactions d'un poids formidable ! Ou alors combien il te faudrait aimer la vie, combien il faudrait que tu t'aimes toi-même, pour ne plus désirer autre chose que cette suprême et éternelle confirmation, quecette suprême et éternelle consécration ?. »

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