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L'ingéniosité technique neutralisée par la pensée magique.

Publié le 11/05/2011

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technique

Les armes dont on se sert à la guerre sont fabriquées avec tout le soin dont les indigènes sont capables : elles témoignent souvent d'une grande ingéniosité qui les rend redoutables et meurtrières. Mais leur efficacité ne tient pas seulement, ni surtout, à leurs qualités visibles et matérielles. Elle dépend essentiellement de la vertu mystique qui leur aura été conférée par des « médecines « ou par des opérations magiques. Aussi les armes d'un guerrier sont-elles sacrées. Souvent personne n'ose y toucher que lui. On les entoure, en temps de paix, de mille précautions pour y concentrer et y maintenir l'influence magique qui leur assurera la victoire.... « Ce que les Mélanésiens veulent et ce qu'ils obtiennent — du moins ils en sont persuadés — c'est une flèche qui aura, pour blesser, un pouvoir surnaturel (mana) à la fois par la matière dont elle est faite, et par les propriétés qu'y ajoutent des charmes et des préparations magiques.... La pointe est d'os humain ; elle a par conséquent du mana. Elle a été fixée à la flèche avec de puissantes « médecines « : autre maria ; elle a été enduite d'une matière chaude et brûlante (comme on veut que la blessure brûle) préparée et employée avec des « médecines « : telles sont les flèches que nous, et non pas eux, appelons empoisonnées. « ... Ce que nous appelons effet physique est aux yeux des Mélanésiens un effet magique. Pour mieux dire nous distinguons entre les deux, ce qu'ils ne font pas. Selon nous, si la flèche est empoisonnée, c'est qu'elle est enduite de produits toxiques. Selon les indigènes, elle n'est chargée que de mana, dont la puissance est telle qu'elle continue à agir de loin sur le blessé. Ce qui est vrai des armes employées à la guerre ne l'est pas moins de celles qui servent à la chasse et à la pêche, et d'une façon générale des outils et des instruments. Leur efficacité dépend avant tout de leur mana, et le plus souvent c'est le résultat seul qui fait connaître si tel ou tel engin en est suffisamment ou exceptionnellement muni.... Quels que soient les instruments, armes, outils, procédés employés, les primitifs, on l'a vu, ne pensent jamais que le succès soit certain, ni même possible, si l'on ne dispose que d'eux, si le concours des puissances invisibles n'est pas assuré. Les moyens matériels, bien qu'indispensables, ne jouent qu'un rôle subordonné. Dans la guerre comme dans la paix, c'est sur cette conviction que les primitifs règlent leur conduite. LÉVY-BRUHL.

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