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Peut-on qualifier d'inhumaines certaines actions de l'homme ?

Publié le 15/04/2004

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• Remarquer le caractère paradoxal de l'énoncé (et ne pas croire qu'il s'agit ici de savoir si on a le droit de juger moralement — et de condamner — d'autres hommes). • Se demander à quelles conditions il ne serait pas contradictoire de qualifier à la fois les mêmes actes d'« humains « et « inhumains «. • Ne s'agirait-il pas d'opérer une différence entre des définitions de l'humain comme — fait — et des définitions de l'humain comme — valeur — (même si ces définitions sont elles-mêmes des « faits «, et peuvent apparaître comme relatives). Par exemple lorsqu'on dit que « l'homme est l'être qui travaille « ou que l'homme est l'être qui parle « on vise à énoncer des caractéristiques spécifiques de l'humain en l'homme « au niveau des faits «. Se situe-t-on dans le même domaine lorsqu'on qualifie d'inhumain l'acte d'un homme? • Inhumain renverrait donc non pas à ce que l'homme, ou tel ou tel homme dans tel ou tel acte, est mais à ce qu'il aurait dû ne pas faire ou faire pour être reconnu par les autres ou tel autre comme « homme «. Autrement dit il ne suffit pas d'être homme (en un certain sens) pour être reconnu humain (en un autre sens). • Ceci ne signifierait-il pas — implicitement — qu'être humain c'est mettre en œuvre certaines valeurs, être le porteur et l'agent de certaines valeurs? Être « humain « ne serait pas un fait mais une obligation (c'est-à-dire quelque chose qui doit être mais peut ne pas être). • Finalement pouvoir qualifier d'inhumain certains actes humains n'est-ce pas présupposer que l'homme est un être de valeur, un être des valeurs de façon essentielle. • Traiter le sujet ne serait-ce pas examiner les conditions de possibilité de ce type d'affirmation? Son (ou ses) fondements) possible(s)?


« violence et de démesure.

Dans cette perspective, comment dire d'un acte qu'il est inhumain ? Il se rapporte à ceque la réalité humaine est, à l'infini de nos déterminations.Mais on peut se placer aussi du point de vue de la condition humaine.

Cette dernière désigne la situation commune àtous les hommes, la nécessité pour l'homme d'être dans le monde, au milieu des autres et d'y être mortel.

Or, de cepoint de vue également, on ne peut dire d'un acte qu'il est inhumain.

Il renvoie, même monstrueux ou « barbare », àcette altérité qui nous « définit » ou s'inscrit en nous, à ce Mitsein, cet « être-avec » qui est constitutif de cettecondition humaine.

L'horreur, la violence, la torture, la mise à mort de l'enfant innocent ? Elles prennent place danscette condition humaine, dans cette situation où s'inscrit notre être.

Donc l'inhumanité s'inscrit dans l'humanité. Transition Mais ne pourrait-on se placer à un autre niveau, plus révélateur, dans ce cas, des possibilités humaines ? Ce niveau,n'est-ce pas celui de la liberté, comme pouvoir de dire oui ou non ? Peut-être l'inhumain retrouvera-t-il ici unesignification qui nous échappe. B.

Existence, liberté, inhumanité. Si la liberté se définit comme pouvoir de la raison humaine, pouvoir de ne pas subir la contrainte des passions etinclinations, d'accéder à l'autonomie, de mettre en connexion liberté et raison, alors incontestablement la notiond'inhumain semble détenir un sens : l'homme est liberté rationnelle, obéissance à la loi morale de la raison, au devoiret l'inhumain désigne alors ce champ non rationnel, se situant en dehors des exigences de l'intelligence et de laratio.

Homme = raison.

Inhumanité = non-obéissance à la raison.

Peut-on dire d'un acte qu'il est inhumain ? S'il sesitue en dehors de la sphère du logos, la raison, il est, en quelque sorte, inhumain.Toutefois, cette vision de la liberté est très restrictive et il nous semble légitime de l'élargir.

La liberté est aussifaculté consistant à dire « oui » ou « non », puissance que détient la conscience de nier tout donné, quel qu'il soit.L'homme ne subit pas la loi des choses.

Il est libre et expérimente sa liberté dans toutes les situations.

L'homme estchoix perpétuel puisqu'il est ce qu'il se fait.

C'est un pur néant (Fichte), une liberté indéfinie se découvrant dansl'angoisse (Sartre).

Dès lors, peut-on dire d'un acte qu'il est inhumain ? Ce n'est pas légitime, puisque la libertédésigne l'infini des possibles.

L'homme est totalement libre, devant les valeurs, devant la vie et devant la mort.

Lecrime contre l'humanité sera-t-il inhumain ? Non, puisqu'il exprime l'infini (et parfois atroce) possibilité humaine.

Noussommes de part en part dans un monde humain.

La torture ? Le bourreau choisit, dans sa terrible et infinie liberté.On pourrait multiplier les exemples. Transition. Toutefois, la question de l'humain et de l'inhumain est si constante et énigmatique qu'il semble nécessaire deretrouver un nouveau noyau signifiant pour accéder à la compréhension de ces termes.

L'homme n'est passeulement un être de raison, de liberté infinie.

Il est aussi un être qui imagine.

C'est peut-être vers cette nouvellezone qu'il faut maintenant avancer. C.

Imaginaire et inhumanité. Ici, le surréel retiendra notre attention : n'y a-t-il pas, dans l'homme, une imagination surréelle, comme pouvoir decréation et d'invention ? L'imagination humaine est riche d'une potentialité, elle aussi, infinie.

L'horreur, l'inhumanités'enracinent dans un fond mental et esthétique puissant, comme nous le signalent les origines du théâtre et, enparticulier, le mythe de Dionysos.

Nietzsche a bien montré que la tragédie est d'abord modelée par le dieu del'ivresse (Dionysos) et exprime ce qui correspond à un déchaînement et à uneivresse extatique, dépassant la mesure et l'ordre.

« Le mot "dionysiaque"exprime le besoin de l'unité, tout ce qui dépasse la personnalité, la réalitéquotidienne, la société, la réalité, l'abîme de l'éphémère [...] une affirmationextasiée de l'existence dans son ensemble, [...] la grande participationpanthéiste à toute joie et à toute peine.

» (Nietzsche, La Volonté depuissance, trad.

Blanquis, Gallimard).Ainsi, qu'exprime Dionysos ? L'ivresse de l'alcool, mais aussi celle de lacruauté.

Le persécuté, le souffrant, l'extase, l'effroi, l'inhumain se modèlent etse manifestent sous le signe de Dionysos, ce dieu de la sauvagerie, cettedivinité dont l'apparition met les êtres humains en délire.

D'ailleurs, Dionysosapparaissait aux Anciens sous la forme d'un taureau, incarnation de la foliefurieuse.

Donc l'imaginaire dionysiaque (cf.

Eschyle, mais aussi Shakespeareet bien d'autres dramaturges) exprime de l'inhumain, de la cruauté, le besoind'exercer une totale puissance.

Peut-on dire d'un acte qu'il est inhumain,étranger à l'homme, enraciné en une étrange divinité d'extase et d'horreur ?Oui, en un sens, mais, en vérité, nous savons que les dieux ne sont que del'humain et donc qu'ici encore, nul acte n'est inhumain.

Dionysos, c'est lacruauté et le monde sans entraves de l'homme.

Ici encore, l'inhumain s'inscritau plus profond de l'humanité de l'homme : dans son imaginaire pétrid'étranges virtualités. 3) Conclusion.. »

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