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Introduction à la connaissance DE L'ESPRIT HUMAIN. Réflexions et Maximes. Essais moraux de Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues

Publié le 24/10/2018

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L’édition posthume de 1747 comprend l’Introduction à la connaissance de l'esprit humain suivie de « Fragments », de « Réflexions critiques sur quelques poètes » et de 330 « Réflexions et Maximes » numérotées en chiffres romains (les maximes des Œuvres posthumes sont numérotées en chiffres arabes). Une brève « Méditation sur la foi » et une « Prière » terminent l’ouvrage (Vauvenargues les donnait lui-même pour de purs exercices rhétoriques).

L'Introduction à la connaissance de l'esprit humain est composée de trois livres qui traitent de l’esprit en général, des passions, du bien et du mal moral. L’organisation des trois livres témoigne de l’originalité et de la modernité intellectuelles de Vauvenargues. Son objet est de « faine connaître, par des définitions et par des réflexions, fondées sur l’expérience, les différentes qualités des hommes qui sont comprises sous le nom d’esprit ». Imagination, réflexion et mémoire, puissances « vides », sont très vite éliminées et Vauvenargues peut adopter le ton d’un moraliste pour traquer et saisir l’esprit dans l'invention, l’éloquence, le caractère et le sérieux, le sang-froid et l'esprit de jeu, etc. Les passions sont envisagées d’un même point de vue. Vauvenargues s'intéresse entre autres à la passion des exercices, à l’amitié que l'on éprouve pour les bêtes.

 

Après Abbadie (l'Art de se connaître soi-même ou la Recherche des sources de la morale. 1692) et Malebranche (Traité de l'amour de Dieu, 1697), mais avant Rousseau, Vauvenargues distingue nettement l’amour-propre de l’amour de soi. Ainsi de l’amour de la gloire : la vie imaginaire qu’achète l’homme qui meurt pour la gloire au prix de son être réel traduit une préférence incontestable pour le jugement d’autrui. « Avec l’amour de nous-mêmes, on peut chercher hors de soi son bonheur; on peut s'aimer davantage hors de soi que dans son existence propre ; on n'est point à soi-même son unique objet L’amour-propre au contraire subordonne tout à ses commodités et à son bien-être. »

Impossible de résumer la diversité des sujets abordés par les « Fragments ». les « Réflexions

Introduction à la connaissance DE L'ESPRIT HUMAIN. Réflexions et Maximes. Essais moraux de Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues (1715-1747), publiés à Paris chez Antoine-Claude Briasson en 1746; réédition revue et corrigée en 1747.

 

Où le ranger ? Philosophe de la volonté de puissance, précurseur de Nietzsche ? Moraliste préromantique annonçant Rousseau ? On retient en général son opposition aux moralistes classiques, ses attaques contre La Rochefoucauld, par exemple, qui ne voit qu'égoïsme dans les affaires humaines ; contre les jansénistes, Pascal en tête, qui n'ont de cesse d'insister sur la vanité du monde et sur la nécessité pour l'homme de s'en détacher. Pour Vauvenargues, en effet, « la morale austère anéantit la vigueur de l'esprit, comme les enfants d'Esculape détruisent le corps, pour détruire un vice du sang souvent imaginaire » (maxime CLXV1I).

 

Mais comment appréhender l'originalité d'un auteur qui déclare d'emblée que tout est dit, que « les meilleures vérités courent les rues » et qui se propose simplement d'en faire l'inventaire, de les amasser au sein d'un tout qu'il nomme « système raisonnable » ? Un tel projet jure en son siècle, d'autant que Vauvenargues rejette l'éclectisme et l'idée de progrès, tous deux liés nécessairement au relativisme. S'il veut « concilier tant de vérités [venant] d'une infinité d'hommes différents qui envisageaient les choses par divers côtés », en effet, c'est contre « le bel esprit moderne » qui prétend « parler de tout sans rien savoir » (Essai sur quelques caractères). Une telle science superficielle ne peut servir qu'à contenter la vanité. Le ton, on le voit, est bien celui d'un moraliste.

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« critiques » (qui passent en revue divers auteurs, parmi lesquels Corneille, Racine et j.-B.

Rousseau occupent l'essentiel) et les« Maximes».

On peut néanmoins souligner la discrète mélancolie qui clôt l'ouvrage : «Quiconque a vu des masques dans un bal, danser amicalement ensemble, et se tenir par la main sans se connaître pour se quitter le moment d'après, et ne plus se voir ni se regret­ ter, peut se faire une idée du monde» (maxime CCCXXX).

L'éloge de la familiarité, quant à lui, surprendra de la part de celui qu'on présente volontiers comme un moraliste aristocratique et hautain : «Il n'est pas de meilleure école que la familiarft:é [ ..

.].

Là paraît la stérilité de notre esprit, la violence et la petitesse de notre amour-pro­ pre, l'imposture de nos vertus.

Ceux qui n'ont pas le courage de chercher la vérité dans ces rudes épreuves sont profondément en dessous de tout ce qu'il y a de grand » (fragment XVII).

Enfin, de la Préface de l'ouvrage aux différen­ tes« Réflexions et Maximes», se laisse deviner le projet « systématique » de Vauvenargues.

Il faut retrouver l'unité et l'harmonie de l'esprit.

Tout choix excluant un contraire dans nos apprécia­ tions serait alors signe d'abandon, d'impuissance à embrasser toutes ses variétés.

Vauvenargues postule qu'« il n'y a pas de contradictions dans la nature>> (maxime CCLXXXIX).

Aussi nous faut­ il renoncer à l'idéal d'une vérité unique et pure.

« Nous avons grand tort de penser que quelque défaut que ce soit puisse exclure toute vertu, ou de regarder l'alliance du bien et du mal comme un monstre et comme une énigme.

C'est faute de pénétration que nous concilions si peu de choses» (maxime CCLXXXVII).

Se dévoile alors la méthode qui inspire l'écriture fragmentaire : « On ne saurait trop tôt rapprocher les choses, ni trop tôt conclure.

Il faut saisir d'un coup d'œil la véritable preuve de son discours et courir à la conclusion.

Un esprit perçant fuit les épisodes et laisse aux écrivains médiocres le soin de s'arrêter à cueillir toutes les fleurs qui se trouvent sur le chemin» (maxime CCXlii).

L'esprit n'atteint au grand que par saillies, passant de la sorte sans gradation d'une idée à une autre qui peut s'y allier.

Il saisit les rapports des choses les plus éloi­ gnées.

Mais « les hommes frivoles ont besoin de temps pour suivre ces grandes démarches de la réflexion, ils sont dans une espèce d'impuis­ sance>> (Introduction, livre 1).

C'est qu'en effet il n'y a guère d'esprits capables d'embrasser à la fois toutes les faces d'un même objet : c'est là la source la plus ordinaire des erreurs des hommes.

Vauvenargues emprunte à Crouzas (Traité du beau, 1715), cette définition du génie comme puissance synoptique.

Le génie tient moins aux facultés intellectuelles qu'à la force de l'âme, du cœur.

Et réciproquement, ce que l'esprit ne pénètre qu'avec peine ne va pas souvent jusqu'au cœur.

Finalement.

l'esprit cherche à se saisir lui­ même à travers la visée esthétique, dans la mani­ festation de sa puissance.

On retrouve ainsi cette idée leibnizienne que toute joie esthétique se fonde sur une élévation de l'être, le plaisir de ce sentiment pouvant bien l'emporter sur l'aversion qu'inspire l'objet.

comme en témoigne ce frag­ ment au ton déjà très rousseauiste (voir le *Dis­ cours sur l'origine et les fondements de l'inégalité) : « La vue d'un animal malade, le gémissement d'un cerf poursuivi dans les bois par les chasseurs, l'aspect d'un arbre penché vers la terre et traî­ nant ses rameaux dans la poussière, les ruines méprisées d'un vieux bâtiment, la pâleur d'une fleur qui tombe et qui se flétrit, enfin toutes les images du malheur des hommes réveillent la pitié d'une âme tendre, contristent le cœur, et plon­ gent le cœur dans une rêverie attendrissante.

» « Les choses ne font d'impression sur nous que selon la proportion qu'elles ont avec notre esprit.

Tout ce qui est hors de notre sphère nous échappe.

» Pour Vauvenargues, le moi n'est pas un théâtre d'idées ; il est leur source même, toujours déjà engagé dans un rapport au monde.

Il n'est pas conti­ nuité de fait, mais de volonté, et l'élar­ gissement de son expérience, qui culmine dans la possession de l'être par l'être, dans la participation au rythme du monde, est, en un sens romantique déjà, action.

(maxime CXCVIII).

Vauvenargues, aristocrate ambitieux et déçu, lancé non sans don­ quichottisme dans la carrière des armes, annonce clairement cette vision. »

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