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Jean-Paul SARTRE: Connaitre, c'est "s'eclater vers"

Publié le 25/09/2009

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Connaître, c'est "s'éclater vers"; s'arracher à la moite intimité gastrique pour filer, là-bas, par delà soi, vers ce qui n'est pas soi, là-bas, près de l'arbre et cependant hors de lui, car il m'échappe et me repousse et je ne peux pas plus me perdre en lui qu'il ne se peut diluer en moi : hors de lui, hors de moi. Est-ce que vous ne reconnaissez pas dans cette description vos exigences et vos pressentiments ? Vous saviez bien que l'arbre n'était pas vous, que vous ne pouviez pas le faire entrer dans vos estomacs sombres, et que la connaissance ne pouvait pas, sans malhonnêteté, se comparer à la possession. Du même coup, la conscience s'est purifiée, elle est claire comme un grand vent, il n'y a plus rien en elle, sauf un mouvement pour se fuir, un glissement hors de soi ; si, par impossible, vous entriez "dans" une conscience, vous seriez saisi par un tourbillon et rejeté au dehors, près de l'arbre, en pleine poussière, car la conscience n'a pas de "dedans"; elle n'est rien que le dehors d'elle-même et c'est cette fuite absolue, ce refus d'être substance qui la constituent comme une conscience. Imaginez à présent une suite liée d'éclatements qui nous arrachent à nous, mêmes, qui ne laissent même pas à un "nous-mêmes" le loisir de se former derrière eux, mais qui nous jettent au contraire au-delà d'eux, dans la poussière sèche du monde, sur la terre rude, parmi les choses ; imaginez que nous sommes ainsi rejetés, délaissés par notre nature même dans un monde indifférent, hostile et rétif ; vous aurez saisi le sens profond de la découverte que Husserl exprime dans cette fameuse phrase : "toute conscience est conscience de quelque chose". Être, c'est éclater dans le monde, c'est partir d'un néant de monde et de conscience pour soudain s'éclater-conscience-dans-le-monde. Que la conscience essaie de se reprendre, de coïncider enfin avec elle-même, tout au chaud, volets clos, elle s'anéantit. Cette nécessité pour la conscience d'exister comme conscience d'autre chose que soi, Husserl la nomme "intentionnalité". Jean-Paul SARTRE

Problématique.    On peut décrire les mouvements de la conscience de façon imagée comme un perpétuel mouvement qui va de l'intérieur vers l'extérieur, et réciproquement. Quand je pense un arbre, je sors de moi-même, ma conscience est totalement centrée sur l'arbre, qui est hors de moi. Mais je ne puis penser l'arbre comme s'il constituait mon intériorité : l'arbre me résiste en ce sens qu'il reste toujours quelque chose d'extérieur à moi, malgré mes tentatives pour le penser. Je n'aurai pas plus de chance si j'essaie de me tourner vers l'intériorité de la conscience, qui n'existe pas, puisqu'à ce moment, elle pense l'arbre, c'est-à-dire autre chose qu'elle.    Enjeux.    Ce texte met en évidence les difficultés qu'il y a à penser la conscience, justement parce que c'est elle qui essaie de penser la conscience. Elle est à la fois intériorité, puisqu'elle se caractérise par des contenus organisés, mais c'est une intériorité impensable indépendamment de ses contenus, qui lui sont extérieurs.

 

            Ce texte, aride au premier abord et très écrit, tiré de Situation I de Sartre, rend compte de la conception sartrienne de la conscience directement héritière de la pensée du père de la phénoménologie, Husserl. Si le début du texte tend à saisir le rapport entre la conscience et le monde (jusqu’à « vos estomacs sombres, et que la connaissance ne pouvait pas, sans malhonnêteté, se comparer à la possession «), la seconde partie du texte (de « Du même coup, la conscience s'est purifiée, elle est claire comme un grand vent « à « ce refus d'être substance qui la constituent comme une conscience «) définit la conscience comme un pure dépassement rompant ainsi avec la tradition philosophie. La conscience comme pure dépassement de soi est transcendance et n’a pas de vie intérieure. Ainsi la dernière partie du texte (à partir de « Imaginez à présent une suite liée d'éclatements qui nous arrachent à nous-mêmes «) revient sur cet héritage en l’explicitant et en l’alliant à la conception existentialiste de la liberté sartrienne. C’est suivant ces trois moments de l’argumentation que nous entendons rendre compte de l’extrait.

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« Ce texte, aride au premier abord et très écrit, tiré de Situation I de Sartre, rend compte de la conceptionsartrienne de la conscience directement héritière de la pensée du père de la phénoménologie, Husserl.

Si le début dutexte tend à saisir le rapport entre la conscience et le monde (jusqu'à « vos estomacs sombres, et que laconnaissance ne pouvait pas, sans malhonnêteté, se comparer à la possession »), la seconde partie du texte (de« Du même coup, la conscience s'est purifiée, elle est claire comme un grand vent » à « ce refus d'être substancequi la constituent comme une conscience ») définit la conscience comme un pure dépassement rompant ainsi avecla tradition philosophie.

La conscience comme pure dépassement de soi est transcendance et n'a pas de vieintérieure.

Ainsi la dernière partie du texte (à partir de « Imaginez à présent une suite liée d'éclatements qui nousarrachent à nous-mêmes ») revient sur cet héritage en l'explicitant et en l'alliant à la conception existentialiste de laliberté sartrienne.

C'est suivant ces trois moments de l'argumentation que nous entendons rendre compte del'extrait. I – La transcendance de la conscience : l'ouverture au monde a) Tout homme est un situation.

Point de départ aussi de l'existentialisme sartrien, qu'il reprend de Spinoza , l'homme voulant vivre pleinement c'est-à-dire être libre et ne pas se déterminer d'après une soi-disant essence doitcomprendre que l'ensemble de ses choix et de sa vie se comprend come un projet.

Mais pour être libre que dois-jefaire ? C'est en ce sens que Sartre développe au début de ce passage cette définition de la connaissance pour le moins surprenante ; « connaître, c'est « s'éclater vers » ».

Le point essentiel ici est de considérer que laconnaissance est une projection de soi.

Il s'agit de faire sortir cette liberté et ces projets de la limite endodermique.C'est pourquoi le projet comme pro-jection de soi.

Dès lors, on peut dire que cette image implique la corrélationentre la conscience et le monde en tant que le monde se donne pour projet à ma liberté.

Ainsi tous les deux sontdonnés d'un coup.

Le monde est en ce sens extérieur à la conscience.

Mais il reste relatif à elle. b) Ainsi, la connaissance produit l'éclatement de la conscience qui rien d'autre alors que la transcendance de cetteconscience.

Elle est projection vers ce qu'elle n'est pas.

Dès lors, on peut dire qu'elle est une pure intentionnalité :elle vise un but et un objectif.

La conscience ne se réduit à la saisie d'une intériorité ou à la perception desphénomènes psychiques et réflexifs de état de l'esprit.

La conscience n'est pas l'immanence, elle est arrachement àsoi et de soi.

Elle dépasse et précède l'homme lui-même.

L'essentiel de la vie de la conscience n'est pas sa vieintérieure mais bien son extériorité : sa capacité à aller au-delà.

La conscience n'est donc pas un estomac.

C'est cequi explique cette métaphore de Sartre.

L'estomac est purement passif dans l'acte de donation : il reçoit, consommeet digère.

La conscience agit bien autrement, elle va chercher ce qu'elle veut mais ne se confond pas avec lui cequi renforce la métaphore négative avec l'estomac.

L'objet de la conscience n'est pas dans la conscience, il estvisé, mais ne lui appartient pas.

Il est différent d'elle.

Le monde et ma conscience ne fusionne pas, ou alorsseulement de manière imagée, mais fausse.

C'est ce qui explique ce rapport à l'arbre.

Comme pour la vision, et en cesens, la conscience est bien un acte qui va au-delà de soi, l'objet n'est pas l'organe ou dans la fonction. c) La conscience s'arrête ainsi à la surface de l'objet, elle ne le pénètre pas.

C'est ce qui explique cette séparationintrinsèque entre l'objet et ma conscience.

L'acte de la conscience me donne connaissance de l'objet mais en aucuncas je ne peux le saisir intimement.

On comprend alors que lorsque Sartre parle de connaissance, il s'agit de la connaissance du monde extérieur.

Par mon acte d'aperception, l'objet de ma conscience existe pour moi.

Cet actene saisit que l'extériorité et non l'intériorité, l'essence de la chose.

La chose reste mystérieuse et secrète : àdécouvrir, contrairement à l'imagination.

Si la conscience ne pénètre pas l'arbre, elle s'arrête à son extériorité, c'estqu'elle passe à l'autre arbre et ainsi de suite.

Dès lors Sartre prend le lecteur à parti sous forme de questionrhétorique.

La thèse que Sartre développe sans relever du sans commun en tant que tout le monde le « sait bien ».L'arbre n'est pas dans la conscience effectivité.

Il n'y a de vie intérieure de la conscience, ce qu'il appelle« estomacs sombres ».

En ce sens, connaître se n'est pas posséder la chose, ni même en conscience.

Dès lors, desphilosophes comme Hume et Bergson seraient malhonnêtes. Transition : Ainsi la conscience ne possède pas de vie intérieure, elle est la transcendance même.

Elle est dans ce cas, lemouvement continue du déplacement hors de soi.. »

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