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Justice et pouvoir

Publié le 27/02/2004

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C'est dans le « Contrat social » que l'on trouve l'une des affirmations les plus radicales de Rousseau concernant la liberté comme bien inaliénable, définissant l'homme en propre.L'idée que la liberté est un bien inaliénable, et que nul ne peut consentir à y renoncer pour appartenir à l'Etat, est une thèse centrale de la pensée politique de Rousseau. Elle sous-tend tout le « Contrat social », où il s'agit de déterminer comment les hommes peuvent véritablement s'associer, obéir à un pouvoir commun, à des lois valant pour tous, sans abdiquer leur imprescriptible liberté.Cette fameuse formule s'inscrit dans un contexte polémique. Rousseau vient de montrer, en accord avec Hobbes et les partisans de l'école du droit naturel, que toute société, tout Etat, ne peut reposer que sur des conventions :« Puisqu'aucun homme n'a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pour base de toute autorité légitime parmi les hommes. »Rousseau entend maintenant se démarquer de ses prédécesseurs en refusant toute espèces de pacte de soumission qui lierait le peuple à des gouvernants, qui soumettrait la liberté des hommes à celle d'un autre. C'est pourquoi il entend prouver que renoncer à sa liberté conduit à se détruire en tant qu'être humain, et que, par suite, nul ne peut le vouloir.Mais sans doute faut-il comprendre que la liberté pour Rousseau est constitutive de l'humanité : être humain, c'est être libre. On peut aller jusqu'à dire que la liberté pour Rousseau prend la place du cogito chez Descartes. Descartes considérait les animaux comme de simples automates, des machines, et la pensée seule assurait l'homme de sa différence essentielle avec les bêtes.
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« être libre.

On peut aller jusqu'à dire que la liberté pour Rousseau prend la place du cogito chez Descartes.

Descartesconsidérait les animaux comme de simples automates, des machines, et la pensée seule assurait l'homme de sadifférence essentielle avec les bêtes.

A cela Rousseau rétorque, faisant sienne les thèses sensualistes : « Toutanimal a des idées puisqu'il a des sens [...] et l'homme ne diffère à cet égard de la bête que du plus ou moins.

»Mais, alors que l'animal est régi par l'instinct, par des règles de comportement innées, fixées par la nature, l'hommeest libre : « et c'est surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme ».

Ce quifait la grandeur de l'homme , sa spécificité, sa spiritualité, ce qui le définit en propre, ce n'est plus la raison, c'est laliberté.A partir de ces fondements, mis à jour dans le « Discours sur l'origine et les fondements parmi les hommes » (1755),Rousseau va s'employer à démontrer tous les arguments qui tentent de justifier l'esclavage privé et la sujétionpolitique.Il entend d'abord réfuter le parallèle établi par Grotius (1583-1645) entre l'esclavage privé et la soumission despeuples.

Si l'on pouvait comprendre qu'un homme se vende pour pouvoir survivre, il n'en resterait pas moinsincompréhensive qu'un peuple se donne à un maître qu'il devra nourrir.

Rétorquer que le peuple gagne au moins sasécurité revient à dire, selon Rousseau, que les compagnons d'Ulysse étaient en sécurité dans l'antre du Cyclope :ils attendaient tranquillement d'être dévorés chacun à leur tour.

Enfin, même si u peuple pouvait se donner, il nepourrait en aucun cas engager la liberté de ses enfants, nés libres, car en admettant que l'on puisse disposer de saliberté, on ne peut engager celle des autres.Rousseau commence ici à démontrer les arguments fallacieux qui justifient l'emprise du pouvoir sur les hommes, etles privent de leur bien le plus précieux au nom d'une prétendue sécurité.

Mais il va plus loin en montrant que mêmeun contrat de soumission est, en fait, juridiquement nul, moralement inconcevable.Un contrat suppose un échange de biens entre contractants, or renoncer à sa liberté, c'est renoncer à tout, c'estéchanger un bien un bien infini (ma liberté) contre un avantage qui sera par définition disproportionné.

Si je donnetout, que pourra-t-on me restituer en échange ? Ce contrat est un contrat de dupe.

Je renonce à tous mes droits,je les donne à une autre qui en use à sa guise.

Qu'aurais-je à réclamer contre lui ? Que pourrais-je faire s'il veut menuire ? « C'est une convention vaine et contradictoire de stipuler d'une part une autorité absolue et de l'autre uneobéissance sans borne.

»Renoncer à ma liberté revient à promettre d'obéir inconditionnellement à un autre, donc à me considérer comme unsimple instrument, un simple objet, une chose dont l'autre peut disposer à sa guise.

Or, vouloir être un objet, unesclave, est impossible Je n'abdique pas alors simplement mes droits, mais que je renonce aussi à mes devoirs, queje me détruis comme être moral.

Si celui auquel j'ai promis d'obéir m'ordonne de faire une action que je juge atroce,de deux choses l'une, ou bien j'obéis, mais alors j'abdique tout jugement, me considère comme une machine, et menie comme être moral, je ne suis alors (à mes propres yeux) qu'un instrument animé, ou bien je refuse d'obéir etdans ce cas je fais éclater au grand jour que ce contrat de soumission est intenable, que je n'ai jamais puvéritablement vouloir obéir inconditionnellement.Ne pas être libre signifie ne pas accomplir sa volonté mais celle d'un autre.

Or, Rousseau montre que la liberté définitl'homme comme tel, et que nul e peut vouloir renoncer à sa liberté, cad nul ne peut vouloir véritablement sesoumettre.

Ce serait « renoncer à sa qualité d'homme », vain & contradictoire : autant dire qu'un homme voudraitdevenir un esclave, un instrument, une chose.

L'importance de la conception de Rousseau n'est donc pas tant demontrer que l'homme est naturellement libre que d'affirmer que cette liberté est inaliénable, et doit perdurer sous leslois, sous le pouvoir.

La liberté ne s ‘échange pas, on n'échange pas tout contre rien.

Sont ainsi disqualifiées toutesles théories qui, sous couvert d'assurer à l'homme sa sécurité, sa simple survie biologique, le privent en réalité del'essentiel.

Cette sécurité est illusoire, cette survie est dégradante, en tant qu'elle transforme l'homme en chose etle prive de toute moralité.

En ce sens, La pensée de Rousseau se veut libératrice : « Les esclaves perdent toutdans leurs fers, jusqu'au désir d'en sortir ; ils aiment leur servitude comme les compagnons d'Ulysse aimaient leurabrutissement.

» Rousseau anticipe sur le premier article de la « Déclaration des droits de l'homme » : « Les hommes naissent etdemeurent libres et égaux en droits.

»Faire ainsi éclater l'illégitimité de toute forme d'esclavage ou de soumission impose de penser une forme d'Etat où laliberté soit préservée.

Mais Rousseau nous contraint aussi à nous interroger sur toutes les formes de servitudevolontaire, celle où les hommes « perdent tout dans les fers, jusqu'au désir d'en sortir ».

(Et les formescontemporaines, comme le totalitarisme, imposent sans doute de repenser la question à nouveaux frais).. »

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