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La justice ne relève-t-elle que de l'Etat ?

Publié le 04/03/2005

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justice
Car celui qui peut la commettre et qui est véritablement homme se garderait bien de faire une convention aux fins de supprimer l'injustice ou commise ou subie : ce serait folie de sa part. Voilà donc, Socrate, quelle est la nature de la justice, et l'origine qu'on lui donne. « Platon, La République, livre 2, 358d/359b. Traduction Chambry. Vaut-il mieux subir l'injustice que la commettre ? Pour Socrate, la justice est une valeur absolue. Elle est pour lui le bien et la vertu par excellence. Glaucon propose ici de définir la justice non comme une fin, mais comme un moyen. Elle n'a donc qu'une valeur relative. Il oppose la nature et la loi.
Si la justice ne dépendait pas seulement de l'Etat, les hommes s'adonneraient à la vengeance et l'injustice. La justice ne saurait être une affaire privée et subjective. Mais, n'est-ce pas là une vision restreindre de la justice ? La justice ne dépend-elle pas d'abord de la conscience morale de chacun ?

  • I) La justice ne relève que de l'Etat.
a) La justice ne peut pas être une affaire strictement privée. b) La justice imposée par l'Etat est un frein à l'égoïsme. c) Le pouvoir souverain appartient à la volonté générale (Rousseau).

  • II) La justice ne relève pas que de l'Etat.
a) L'homme a une idée innée du juste et de l'injuste. b) A la contrainte se substitue la conscience morale. c) Les contraintes qu'impose la loi ne suffisent pas à faire règner la justice.
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justice

« « ...

Gygès le Lydien était un berger au service du prince qui régnait jadis en Lydie.

Un jour, à la suite d'unviolent orage, la terre se fendit et un gouffre se creusa sur les lieux de son pacage.

Stupéfait, Gygès ydescendit et entre autres merveilles, que les mythes racontent, il vit un cheval de bronze, creux, avec desfenêtres par lesquelles il aperçut un cadavre d'une taille plus grande qu'un homme, qui ne portait sur lui qu'unebague d'or.

Gygès s'en empara et remonta à la surface.

Chaque mois les bergers tenaient une assemblée pourfaire un rapport au roi sur l'état de ses troupeaux.

Gygès se rendit à cette réunion portant cette bague audoigt.

S'étant assis au milieu des autres il lui arriva par hasard de tourner le chaton de la bague à l'intérieur desa main.

Aussitôt il devint invisible pour ses voisins qui parlèrent de lui comme s'il était parti.

Surpris ilrecommença de manier la bague avec précaution, tourna le chaton en dehors, et l'ayant fait, redevint visible.Ayant pris conscience de ce prodige, il répéta l'expérience pour vérifier si la bague avait bien ce pouvoir; lemême effet se reproduisit : en tournant le chaton à l'intérieur il devenait invisible, en le tournant à l'extérieurvisible.

Dès qu'il fut assuré que l'effet était infaillible il s'arrangea pour faire partie de la délégation qui serendait auprès du roi.

Arrivé au palais il séduisit la reine, s'assura de sa complicité, tua le roi et prit le pouvoir.Si donc il existait deux bagues de ce genre, que le juste se passe l'une au doigt, l'injuste l'autre, personnepeut on penser, n'aurait une âme de diamant assez pur pour persévérer dans la justice, pour avoir le couragede ne pas toucher au bien d'autrui alors qu'il pourrait voler comme il voudrait au marché, entrer dans lesmaisons pour s'unir à qui lui plairait, tuer ou libérer n'importe qui bref tout faire, devenu l'égal d'un dieu parmiles hommes...» PLATON (Introduction) Le mythe de Gygès, pour être bien compris, doit être situé dans le contexte du Livre II de la République dePlaton.

On pourrait dire, en des termes modernes mais parfaitement fidèles, nous semble-t-il au texteplatonicien, que pour Socrate la vertu de justice est une valeur, qu'elle « doit être aimée comme un bien ensoi ».

Thrasymaque — dont les propos immoralistes ont retenti tout au long du Premier Livre — nie cettevaleur de la justice.

Pour lui, les chefs d'Etats en imposant des lois au peuple ne cherchent qu'à assurer leurdomination ; quant aux hommes prétendus « justes » ce sont des moutons peureux et dociles qui n'obéissentaux lois que parce qu'ils n'ont pas le pouvoir de s'y soustraire.

Glaucon (c'est le propre frère de Platon) quiapparaît en scène dans le Livre II ne partage pas le point de vue de Thrasymaque; mais pour provoquer de lapart de Socrate une réfutation décisive il se fait l'avocat du diable et commence par proposer une réductionpsychologique de la valeur de justice.

La justice dit-il « tient le milieu entre le plus grand bien — commettreimpunément l'injustice — et le plus grand mal — la subir quand on est incapable de se venger ».

La justice estaimée non comme un bien en soi mais comme un moindre mal : obéir aux lois pour être en retour protégécontre l'agression des plus puissants: par peur du loup le mouton obéit à la loi du berger.

La vertu de justiceest appréciée non pour elle-même, mais à cause des avantages que sa pratique confère (bonne réputation,protection des lois, etc.).

La soi-disant valeur de la vertu de justice est ainsi réduite à des motivationspsychologiques, à des calculs d'intérêts.

C'est déjà une réduction psychologique dans le style de LaRochefoucauld : « Les vertus se perdent dans l'intérêt comme lesfleuves dans la mer.

» D'où l'idée que le mythe de Gygès va illustrer : l'homme invisible qui pourraitimpunément accomplir les plus délicieux forfaits ne pratiquerait jamais la justice. (Explication et commentaire) Gygès s'empare de l'anneau.

L'aventure de Gygès nous est contée sous la forme d'un mythe avec tous lesaccessoires habituels des contes : climat d'épouvante : un violent orage, la terre se fend, Gygès descenddans le gouffre; succession de prodiges : Gygès trouve un cheval de bronze, percé de fenêtres ; à l'intérieurle cadavre d'un être plus grand qu'un homme qui porte à un doigt une bague dont Gygès s'empare.

Noussommes plongés dans le merveilleux et préparés à accepter le dernier prodige : cette bague a le pouvoir derendre invisible celui qui la porte.

Notez le clin d'oeil de Platon : « entre autres merveilles que les mythesracontent ».

Platon s'amuse à multiplier les détails fabuleux ; l'imagination se fait ici précise et féconde.

Maisla beauté, la poésie étrange du mythe sont au service du vrai; le mythe est un message métaphysique — l'artmythique est toujours chez Platon second par rapport à la philosophie.

Le mythe est un procédé pédagogiquedont le caractère paradoxal ne doit pas vous échapper.

Car enfin la philosophie de Platon est pour l'essentielun dualisme qui nous invite à rejeter le monde des images, illusions fugitives, au profit de la vérité éternelledes idées pures.

Et voici que Platon veut traduire dans une sorte de récit poétique légendaire, c'est-à-diredans un langage d'images, une vérité philosophique étrangère au monde sensible.

Le monde des idéeséternelles, étranger aux images, est suggéré par un monde d'images!L'aventure de Gygès est ici, notez-le, plus ou moins annoncée comme une fable.

Ce n'est pas toujours le casdans les mythes platoniciens.

Dans les mythes escatologiques, ceux qui parlent de la vie future et de l'enfer,Platon semble parfois convaincu par le récit.

Il faudrait appliquer aux mythes platoniciens la méthode des «genres littéraires » qui s'est révélée si féconde dans l'exégèse biblique.

Tantôt le mythe platonicien est prochede la croyance, la philosophie se « ressource » dans la tradition religieuse, tantôt le mythe n'est que procédépédagogique.

C'est ici le cas, le mythe a pour mission d'illustrer une hypothèse éthique : celle du problèmemoral posé par l'homme invisible.« ...

Surpris, il recommença de manier la bague avec précaution, tourna le chaton en dehors et l'ayant faitredevint visible.

Ayant pris conscience de ce prodige il répéta l'expérience pour vérifier si la bague avait biencepouvoir...

Dès qu'il fut assuré que l'effet était infaillible il s'arrangea pour faire partie de la délégation...

» IIfaut ici remarquer que toutes les précautions, toutes les hésitations de Gygès concernent exclusivement la. »

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