Devoir de Philosophie

Kant: Le conflit met-il en danger la société ?

Publié le 10/03/2005

Extrait du document

kant
Le moyen dont se sert la nature pour mener à bien le développement de toutes ses dispositions, est leur antagonisme dans la société, pour autant que celui-ci se révèle être cependant, en fin de compte, la cause d'un ordre légal de cette société. J'entends ici par antagonisme l'insociable sociabilité des hommes, c'est-à-dire leur penchant à entrer en société, penchant lié toutefois à une répulsion générale à le faire, qui menace constamment de dissoudre cette société. Une telle disposition est très manifeste dans la nature humaine. L'homme possède une inclination à s'associer parce que, dans un tel état, il se sent davantage homme, c'est-à-dire qu'il sent le développement de ses dispositions naturelles. Mais il a aussi un grand penchant à se séparer (s'isoler) : en effet il trouve en même temps en lui ce caractère insociable qui le pousse à vouloir tout régler à sa guise ; par suite il s'attend à rencontrer des résistances de tous côtés, de même qu'il se sait lui-même enclin de son côté à résister aux autres. Or, c'est cette résistance qui éveille toutes les forces de l'homme, le porte à vaincre son penchant à la paresse et, sous l'impulsion de l'ambition, de la soif de dominer ou de la cupidité, à se frayer une place parmi ses compagnons qu'il ne peut souffrir mais dont il ne peut se passer. Or c'est là que s'effectuent les premiers véritables pas qui conduisent de la rudesse à la culture, laquelle réside à proprement parler dans la valeur sociale de l'homme. C'est alors que se développent peu à peu tous les talents, que se forme le goût et que, par le progrès continu des Lumières, commence à s'établir un mode de pensée qui peut, avec le temps, transformer la grossière disposition au discernement moral en principe pratique déterminé, et finalement convertir l'accord pathologiquement extorqué pour l'établissement d'une société en un tout moral. Sans ces qualités en elles-mêmes fort peu aimables d'insociabilité, d'où provient la résistance que chacun doit rencontrer nécessairement à ses prétentions égoïstes, tous les talents resteraient éternellement cachés enfouis dans leurs germes, dans une vie de bergers d'Arcadie, dans une concorde, un contentement et un amour mutuels parfaits : les hommes doux comme des agneaux qui paissent n'accorderaient guère plus de valeur à leur existence que n'en a leur bétail ; ils ne combleraient pas le vide de la création, eu égard à sa finalité en tant que nature raisonnable. Que la nature soit donc remerciée pour ce caractère peu amène, pour cette vanité qui les entraîne dans une rivalité jalouse, pour ce désir insatiable de possession ou même de domination. Sans elle, toutes les excellentes dispositions naturelles qui sont dans l'humanité sommeilleraient éternellement sans se développer.
kant

« « Il ne devait pas être gouverné par l'instinct, ni secondé et informé par une connaissance innée ; il devait bienplutôt tirer tout de lui-même [...] comme si elle (la nature) voulait que l'homme en s'efforçant un jour de sortir de laplus primitive grossièreté pour s'élever à la technique la plus poussée, à la perfection intérieure de ses pensées, etpar là jusqu'à la félicité, en doive porter absolument tout seul le mérite.

» A la fin de sa vie, Emmanuel Kant rédige, sous la forme de neuf propositions, un court essai qui suggère quel'Histoire pourrait avoir un point final.

Il s'agit, pour le philosophe, de ranimer l'idée d'une Histoire universelle qu'iln'aura plus le temps ni la force d'écrire.

L'évolution de l'Humanité, telle que la relatent les historiens, obéit-elle à unerationalité, a-t-elle un sens, une direction et une signification? Quelle unité discerner dans le chaos desévénements? Ne peut-on distinguer un mouvement d'unification politique de l'espèce humaine? Si les réponsesparaissent évidemment difficiles à établir, les questions sont comme une nécessité de l'esprit humain pour penserl'histoire :Une tentative philosophique pour traiter l'histoire universelle en fonction du plan de la nature, qui vise à uneunification politique totale dans l'espèce humaine, doit être envisagée, comme possible et même commeavantageuse pour ce dessein de la nature.

»Kant rappelle ainsi que l'Histoire n'appartient pas qu'à l'historien.

Le philosophe est sommé d'en dégager l'universalité(unus vertere : tourner dans une seule direction) comme naguère le théologien.

Pour ce faire, Kant propose desubstituer à la Providence de Bossuet, la Nature.

Cette dernière se sert des passions humaines et des conflitsqu'elles génèrent pour accomplir son dessein secret :« Le moyen dont se sert la nature pour mener à bien le développement de toutes ses dispositions est leurantagonisme au sein de la Société, pour autant que celui-ci est cependant en fin de compte la cause d'uneordonnance régulière de cette Société j'entends ici par antagonisme l'insociable sociabilité des hommes, c'est-à-direleur inclination à entrer en société, inclination qui est cependant doublée d'une répulsion générale à le faire...

»Kant découvre que c'est la vanité des hommes, leur désir de domination, cet esprit toujours inventif de compétitionqui sont à l'origine de toute créativité sociale.

Il perçoit, avant Hegel, que rien de grand ne se fait sans passion,c'est-à-dire sans l'attachement intéressé des hommes.

Or les passions sont partie de la nature humaine, à traverselles la Nature agit.

De conflit en conflit, l'espèce approche de la réalisation de la forme d'organisation politique quiautorisera le règne sans partage de la liberté.

Cette forme de gouvernement, Kant l'appelle République, ellecorrespond à ce que nous désignons aujourd'hui par l'expression « démocratie libérale ».

Cette Idée d'une histoireuniverselle ouvre la voie à l'interprétation hégélienne et annonce déjà le thème de la fin de l'Histoire. Or, et c'est peut-être là que Kant est le plus novateur :«Le moyen dont la nature se sert pour mener à bien le développement de toutes ses dispositions est leurantagonisme au sein de la société, pour autant que celui-ci est en fin de compte la cause d'une ordonnancerégulière de cette société.

»« La nature veut la discorde.

» L'antagonisme et le conflit qui agitent les sociétés humaines, loin d'être négatifs,sont le moteur du progrès et de la raison humaine et du droit.

En soulignant que « L'homme veut la concorde mais lanature sait mieux que lui ce qui est bon pour son espèce, elle veut la discorde », Kant met à jour une contradictionentre les aspirations conscientes des hommes : la concorde ou l'harmonie, et ce qui permet véritablement leurépanouissement : le conflit.Or Kant définit l'antagonisme qui se manifeste dans la société par une expression elle-même contradictoire : «l'insociable sociabilité».

Car si les hommes ont tendance à s'associer, parce que, ensemble, ils se sentent «plusqu'hommes », leur égoïsme les pousse à tout vouloir diriger dans leur sens.

Autrement dit, les hommes résistent lesuns aux autres puisque se manifeste un conflit d'égoïsme.« C'est cette résistance qui éveille toutes les forces de l'homme, le porte à surmonter son inclination à la paresse,et, sous l'impulsion de l'ambition, de l'instinct de domination ou de cupidité, à se frayer uneplace parmi ses compagnons, qu'il supporte de mauvais gré mais dont il ne peut se passer.

»L'insociabilité, la discorde, les contradictions entre les hommes sont des facteurs de progrès et d'enrichissement.

«L'homme veut la concorde », mais la concorde est synonyme d'inertie et de passivité.

Les conflits qui provoquentdes obstacles éveillent les talents nécessaires pour les surmonter.

Là encore Kant montre, bon lecteur de Rousseau,que l'obstacle éveille et stimule les facultés de l'homme et le pousse à l'invention.

Mais Kant inscrit ces obstacles ausein même de la société, des rapports humains, comme seuls susceptibles de favoriser l'autodéveloppement del'homme.

Le travail et la peine sont les facteurs de l'émancipation humaine qui font que l'homme ne devra qu'à lui-même son épanouissement.La nouveauté kantienne consiste donc à comprendre la contradiction et le conflit comme favorables à la société età son évolution.

Rêver à un âge d'or où la concorde régnerait, c'est rêver à un état dans lequel : « Les hommes,doux comme les agneaux qu'ils font paître, ne donneraient à leur existence guère plus de valeur que n'en a leurtroupeau domestique.

»Ce qu'il y a de tout à fait remarquable, c'est que le conflit est moteur de l'évolution du droit : l'antagonisme deshommes, leur discorde, rend nécessaire l'organisation et la régulation de leurs rapports.

Il faut parvenir à une formejuridique où le maximum de liberté soit possible, du fait de la concurrence généralisée, mais où cette liberté soitdélimitée et garantie, puisqu'elle doit être compatible avec celle d'autrui. - « L'homme veut la concorde, mais la nature sait mieux que lui ce qui est bon pour son espèce, elle veut ladiscorde.

» Kant par cette formule met à jour ce qui. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles