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KANT: Posséder le Je dans sa représentation

Publié le 03/05/2005

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Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l'homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre. Par là, il est une personne : et grâce a l'unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c'est-à-dire un être entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise : et ceci, même lorsqu'il ne peut pas dire Je. car il l'a dans sa pensée ; ainsi toutes les langues, lorsqu'elles parlent à la première personne, doivent penser ce Je, même si elles ne l'expriment pas par un mot particulier. Car cette faculté (de penser) est l'entendement. Il faut remarquer que l'enfant qui sait déjà parler assez correctement ne commence qu'assez tard (peut-être un an après) à dire Je ; avant, il parle de soi à la troisième personne (Charles veut manger, marcher. etc.) ; et il semble que pour lui une lumière vienne de se lever quand il commence à dire Je ; à partir de ce jour, il ne revient jamais à l'autre manière de parler. Auparavant il ne faisait que se sentir ; maintenant il se pense. KANT
La formulation de la première phrase peut arrêter le lecteur. « Posséder le Je dans sa représentation «, voilà une expression difficile, apparemment. Une représentation est la présence en nous de quelque chose qui existerait hors de nous. Par ses sens, l'homme, aussi bien que l'animal, a des représentations. Mais l'homme est le sujet de ses représentations : il les identifie comme étant les siennes, ou plutôt il sait qu'elles sont les siennes, et qu'elles ne doivent donc pas être confondues avec le monde extérieur auquel elles renvoient. Le Je est « dans « la représentation : il assure l'unité (Kant parle de synthèse) de la diversité de ses composants (sensibles par exemple) en même temps qu'il fait de l'homme le sujet (le principe et l'agent) de cette unité. La lecture de la suite du texte devrait faciliter la compréhension de cette première phrase : mise à part cette première expression, le texte est en effet plus accessible. On sera peut-être surpris par la présence d'une majuscule au pronom Je. Cette majuscule marque la différence entre le Je transcendantal et le Je empirique : le Je transcendantal ne dépend pas de l'expérience, il en est une condition, il la rend possible, il n'est donc pas saisi dans l'expérience ; au contraire, le Je empirique est saisi dans l'expérience sensible, il est toujours particulier.

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« simple moyen, l'homme constitue une fin en soi.Dans "Fondements de la métaphysique des moeurs", Kant avait déjà clairement explicité cette opposition entrechose et personne: "Les êtres dont l'existence dépend de la nature n'ont, quand ce sont des êtres dépourvus deraison, qu'une valeur relative, celle de moyens, voilà pourquoi on les nomme des choses; au contraire les êtresraisonnables sont appelées des personnes parce que leur nature les désigne comme des fins en soi." on notera quel'animal, n'ayant pas accès à la conscience de soi fait partie des choses.

Seul un être, ayant conscience d'être un &identique par-delà la multiplicité des états de conscience internes et des expériences vécues -Kant parle d'une unitéde la conscience à travers tous les changements qui peuvent lui survenir- peut être un sujet ayant des droits & desdevoirs.La personne désigne l'individu humain comme singulier universel.

Tout homme peut dire "je", cad totaliser le divers etdoit reconnaître tous les autres qui peuvent dire "je".

La personne est ainsi une catégorie juridique: un sujetreconnu par le droit comme acteur libre (ayant des droits) et responsable (donc ayant des devoirs).

Elle est aussiune catégorie morale: un sujet ayant des devoirs de vertu, en particulier celui de travailler au bonheur de sessemblables ou tout au moins de donner comme fin à ses actions le respect de l'humanité en sa personne et en celled'autrui.En cette fin du premier moment du texte, Kant nous indique que la source de ce pouvoir d'unification de laconscience réside dans l'entendement ou pensée humaine.

Le je n'est qu'une expression de l'entendement, définicomme pouvoir de penser les objets au moyen de concepts unifiant & ordonnant le divers.

L'absence du mot "je"dans certaines langues n'implique donc pas l'absence de cette faculté propre à tout homme d'unifier le divers de lareprésentation.Ainsi, dans cette première grande partie du texte, Kant affirme que le je ou la conscience de soi, qui est unestructure de l'entendement et non de la sensibilité, est une spécificité dévolue à l'homme, qui lui permet de dépasserinfiniment le règne de la nature et d'accéder à la sphère du sujet moral. 2) Le deuxième moment du texte est consacré à l'analyse de la formation du pouvoir de dire je chez l'enfant.Kant souligne que l'enfant, qui commence à parler, ne dit pas spontanément je, mais parle d'abord de lui à latroisième personne.

L'acquisition du je est assez tardive.

L'éveil de l'enfant à la conscience de soi est le résultatd'une maturation.

Cette vue est confirmée par les travaux des psychologues contemporains.

Selon ces derniers,l'enfant au départ n' a pas de vie psychique propre et ne possède pas le sentiment de son individualité.

C'est par lessoins qui lui sont prodigués que l'enfant commence à prendre conscience de lui.

Il se saisit d'abord comme un objetpour les autres, puis comme un objet pour lui-même à partir des attitudes des autres vis-à-vis de lui.

C'estseulement vers trois ans que la personnalité de l'enfant s'affirme dans une relation conflictuelle à autrui.

L'enfantparle alors de lui à la première personne.Kant note ensuite que l'apparition du je chez l'enfant est irréversible: "à partir de ce jour, il ne revient jamais àl'autre manière de parler".

En s'affirmant contre autrui, l'enfant, de manière définitive, prend conscience de lui etcorrélativement de l'autre.

La crise d'opposition s'atténue et laisse place à des relations d'amitié, de camaraderie,d'entraide et plus tard d'amour.Le texte s'achève sur l'affirmation du caractère décisif de cette nouvelle phase pour l'enfant.

Ayant conscience delui-même, il accède désormais au règne des personnes morales.

IL devient un sujet: "Auparavant, il ne faisait que sesentir; maintenant il se pense." Autrement dit, il s'élève d'une existence purement sensible (il se ressentait demanière immédiate et concrète) à une existence où l'activité intellectuelle de l'esprit lui permet d'accéder à laconnaissance par concepts et à la sphère de la moralité, à l'ordre suprasensible des valeurs. Intérêt du texte. Le premier intérêt de ce texte est de mettre en lumière l'importance décisive pour l'homme de se saisir lui-m^mecomme un je, comme un sujet ayant la possibilité de faire retour sur lui-m^me, de se penser lui-même.

Descartesavait conclut son doute radical par le fameux cogito.

Doutant de tout, je ne peux douter que, moi qui doute, j'existeen tant qu'être qui doute et donc qui pense (c'est bien par une sorte de retournement de la pensée qui se penseelle-même que le sujet accède à la conscience de soi).

Si Kant se sépare de Descartes qui prétendait avoir prouvépar là que la conscience existe comme une réalité en soi, il n'en demeure pas moins qu'il considère avec ce dernier le"je pense", le "j'ai conscience de moi-même" comme le point de départ de toute connaissance.L'intérêt de ce texte réside aussi dans l'affirmation que la conscience est unité, effort de synthèse.

Ce que souligneaussi Pradines: "Le caractère qui a sans doute le plus frappé dans la conscience l'opinion de tous les tempspuisqu'elle l'a inscrit dans le terme même dont elle la désigne [...] est que la conscience est une mise en faisceau,une organisation de connaissances (cum scire) donc une opération unifiante accomplie avec intention."Enfin, et c'est peut-être là l'essentiel, ce texte met l'accent sur une des conséquences fondamentales de cepouvoir de dire je: l'homme transcende l'ordre de la nature.

Il est un sujet moral responsable de ses actes qu'il faut,en tant que tel, respecter. Conclusion. Ce texte nous fait pleinement comprendre quelle est la véritable signification de ce pouvoir qu'à l'homme de dire je.Le retournement de la conscience sur elle-même est ce qui fait de l'homme un être qui a le sentiment de sonidentité, un être capable de connaissance, mais aussi et surtout un être suprasensible, radicalement distinct deschoses, ouvert à l'éthique et aux valeurs.. »

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