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KANT: un usage pratique de la raison

Publié le 27/02/2008

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Je ne saurais donc admettre Dieu, la liberté et l'immortalité selon le besoin qu'en a ma raison dans son usage pratique nécessaire, sans repousser en même temps les prétentions de la raison pure à des vues transcendantes, car, pour atteindre à ces vues, il lui faut se servir de principes qui ne s'étendent en réalité qu'à des objets de l'expérience possible et qui, si on les applique à une chose qui ne peut être objet d'une expérience, la transforment réellement et toujours en phénomène, et déclarent ainsi impossible toute extension pratique de la raison pure. J'ai donc dû supprimer le savoir pour lui substituer la croyance. Le dogmatisme de la métaphysique, ce préjugé qui consiste à vouloir avancer dans cette science sans commencer par une critique de la raison pure, voilà la véritable source de toute cette incrédulité qui s'oppose à la morale, et qui elle-même est toujours très dogmatique. KANT

 Ce texte est un extrait de la préface à la seconde édition de la Critique de la raison pure. Dans cette préface, Kant explicite ce qu’est la démarche critique et en montre tous les enjeux. La critique consiste, non pas à étendre plus loin notre savoir, mais au contraire à adopter un point de vue réflexif sur la production de ce savoir et ses conditions de légitimité. Il s’agit pour la raison de se retourner sur elle-même et de déterminer les bornes de son pouvoir, les limites de son champs d‘application. La critique produit donc une limite entre un domaine d’exercice légitime de la raison pure, et un domaine où elle ne pourrait pas avoir son mot à dire.

                A ce point de la présentation, le lecteur pourrait avoir l’impression que l’objectif de la Critique de la raison pure est purement négatif. Il s’agirait en effet simplement de limiter l’exercice de la raison pure en expliquant pourquoi certains objets lui sont par nature inaccessibles.  Dans l’extrait que nous commentons, Kant cherche justement à démentir cette opinion. Il y révèle en effet le véritable objectif de la Critique de la raison pure: il s’agit de ménager une place pour un usage pratique de la raison. La raison possède en effet deux aspects chez Kant: elle est « théorique « ou « pure « en tant qu’elle cherche à connaître, et elle est pratique en tant qu’elle pose les principes de l’agir humain. Elles correspondent à deux modalités du rapport de l’esprit à l’objet: le savoir pour la raison pure et la croyance pour la raison pratique. Le but de ce passage est donc de monter que l’aspect négatif de la critique (la restriction de l’exercice de la raison pure) n’est pas une fin en soi, mais n’est qu’un moment nécessaire pour permettre ce qui est le véritable objectif de Kant: une réhabilitation de la raison dans son usage pratique.

                La thèse du texte est donc énoncée ligne 9: « J’ai donc du supprimer le savoir pour lui substituer la croyance «. La problématique que nous adopterons est donc la suivante: en quoi est-il nécessaire de limiter notre pouvoir de connaître pour assurer la possibilité d’une morale? L’argumentation procède selon trois moments distincts:

                Du début à « … vues transcendantes «, Kant pose le véritable objectif de la critique: c’est la garantie d’un usage pratique de la raison qui s’impose de manière première et absolument nécessaire. Or, pour cela, il faut que soit possible une croyance en Dieu, la liberté et la nécessité. Ce n’est que dans la mesure où un usage illimité de la raison pure entre en contradiction avec la possibilité de cette croyance que sa critique devient nécessaire.

                Dans un second temps, de « car… « à « …substituer la croyance «. Kant explique pourquoi cet usage illimité de la raison pure empêche l’usage de la raison dans son aspect pratique.  Le principe de cette explication repose sur le fait que la raison pure n’a pour objet que des phénomènes, statut qu’il est impossible d’assigner aux objets de la croyance.

                Enfin, de « Le dogmatisme… « à la fin du texte, donne un second argument pour prouver la positivité de la critique: le discrédit dont fait objet la morale résulte de l’exercice non critique de la raison pure. La critique permettra donc de la réhabiliter.

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« l'introduction à la « Dialectique transcendantale » ( Critique de la raison pure ): La raison pure possède des principes de fonctionnement qui lui sont propres, par exemple: chercher à chaque effet sa cause.

Or elle a tendance àprendre ces lois subjectives pour des nécessités objectives, par exemple: au lieu d'affirmer que « la raison procèdeen cherchant la cause de chaque effet », elle passe de manière illégitime à « il existe une cause à chaque effet » etprétend avoir découvert ici une loi qui régit les choses en soi.

Maintenant que nous avons compris en quoi consistaient ces prétentions transcendantales de la raison pure, il nousfaut saisir en quoi est-ce qu'elles nuisent à la croyance.

Ainsi, nous aurons montré que l'usage pratique (moral) de laraison nécessite au préalable une limitation ou une « critique » de la raison pure.

II) Dans la seconde partie du texte, Kant explique donc pourquoi l'extension de la raison pratique entre encontradiction avec les prétentions transcendantes de la raison pure.

- En effet, pour assouvir sa prétention, la raison pure doit se servir de « principes que ne s'étendent en réalité qu'àdes objets de l'expérience possible» et les appliquer aux choses en soi.

Les « objets de l'expérience possible » sontles objet tels que nous sommes susceptibles de les expérimenter, c'est-à-dire précisément les phénomènes.

Lesprincipes de la raison ne peuvent, comme nous l'avons vu, être appliqués légitimement que dans cette sphère.

Nouspouvons dire que tous les objets que nous expérimentons, ou tous les phénomènes, sont régis par une relation decause à effet puisque la raison leur impose cette situation.

Mais cela ne nous permet pas de conclure quoi que cesoit sur les choses telles qu'elles sont en soi, en dehors de l'expérience que nous en avons.

Cependant, laprétention transcendante de la raison pure implique de porter des conclusion sur les choses telles qu'elles sont àl'extérieur de la subjectivité.

Cette prétention pousse donc la raison à appliquer le même principe (dans notreexemple, le principe de causalité) aux choses en soi, c'est-à-dire à « une chose qui ne peut être objet d'uneexpérience ».

- Quelle est alors la conséquence de cette application illégitime? Elle transforme la chose en soi « réellement ettoujours en phénomène ».

En effet la raison pure, en prétendant pouvoir découvrir les propriétés et les lois quirégissent les choses en soi, leur donne le statut de phénomène, c'est-à-dire d'objet que je peux connaître.

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Or, siles choses en soi sont objets de savoir, elles ne sont plus susceptibles d'être objet de croyance.

En effet, je nepeux croire que parce qu'aucun savoir n'est accessible à propos d'un objet.

C'est le cas pour les choses en soi:c'est parce que nous ne pouvons jamais les connaître qu'il est légitime de se rapporter à elles selon la modalité de lacroyance.

Maintenant, si la raison prétend pourvoir les connaître à la manière de n'importe quel phénomène, alorsnous n'avons pas à croire, mais seulement à comprendre le savoir que produit la raison pure.

Appliqué aux troischoses en soi qui nous intéressent: la liberté, Dieu, et l'immortalité de l'âme, cela signifie que je devrais me rangeraux conclusions d'un raisonnement qui démontrerait leur existence ou leur caractère illusoire.

Cependant, comme lemontre Kant dans « l'antinomie de la raison pure » ( Critique de la raison pure ), la raison produit, quant à ces objets, des raisonnements à la fois valides et contradictoires.

Ceci a pour effet non seulement de n'aboutir à aucuneconclusion mais de discréditer la tentative métaphysique en elle-même.

La raison, par ses prétentionstranscendantes, empiète donc sur le terrain de la croyance en lui substituant une tentative de démonstrationrationnelle qui ne peut aboutir.

La conséquence ultime de ces prétentions transcendantes est donc de rendre« impossible toute extension pratique de la raison pure », puisque nous avons montré que la morale nécessitait lacroyance comme soutient.

- Kant peut donc annoncer maintenant la thèse du texte, comme conséquence de ce qui précède: « J'ai donc dûsupprimer le savoir pour lui substituer la croyance ».

En effet, nous avons vu qu'une extension illégitime du savoirau-delà des bornes de la raison pure empêchait de reconnaître certains objets (la liberté, Dieu et l'âme) commeétant de objets susceptibles de croyance uniquement.

La démarche qui sera celle de la Critique de la raison pure n'est donc pas une démarche négative: il s'agit de restreindre l'usage de la raison pure à la sphère des phénomènesafin de libérer un champs pour l'exercice pratique de la raison.

Ce n'est qu'à condition que nous ne puissions pastout connaître que nous pouvons croire.

A ce moment du texte, Kant a donc bien démontré sa thèse: il est nécessaire de produire une critique de la raisonpure pour ensuite pouvoir tenir un discours adéquat sur les choses en soi telles que la liberté, Dieu et l'âme.Maintenant, il peut expliquer la raison de l'échec de la métaphysique traditionnelle: la métaphysique « dogmatique »est un discours portant sur les choses en soi, mais qui n'a pas effectué auparavant la critique de la raison pure.

III) La critique du dogmatisme en métaphysique: - Kant ne critique pas la métaphysique en tant que telle, mais le « dogmatisme de la métaphysique ».

Si nousappelons métaphysique tout discours portant sur les choses en soi, le « dogmatisme » métaphysique consiste àprétendre établir un savoir sur ces choses en soi.

Il est donc bien un « préjugé qui consiste à vouloir avancer danscette science sans commencer par une critique de la raison pure ».

En effet, c'est cette critique qui a pour tâchede nous révéler que les choses en soi ne peuvent être objet de savoir, mais uniquement de croyance.

Elle y parvienten déterminant le champs d'exercice légitime de la raison pure (le champs des phénomènes).

- Kant affirme ensuite que le dogmatisme métaphysique est la « véritable source de toute cette incrédulité quis'oppose à la morale ».

Pourquoi? Comme nous l'avons déjà dit, vouloir faire des choses en soi un objet de savoir,c'est attendre d'une démonstration rationnelle qu'elle conclue sur les propriétés de ces choses.

Or, en nous référantencore une fois à l' « antinomie de la raison pure », nous constatons que la raison est capable de produire, en ce qui. »

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