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Knock ou Le Triomphe de la médecine de Jules ROMAIN (Fiche de lecture et analyse)

Publié le 22/02/2012

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On l'a dit à l'occasion du Malade imaginaire, les travers de la médecine ou des médecins sont depuis Molière une tradition dans notre théâtre. On a vu une partie des raisons pour lesquelles c'est logique. Ici comme pour Le Malade imaginaire, la question de savoir si les médecins sont les cibles du théâtre parce qu'ils ne l'ont pas volé, est secondaire par rapport à ce que Knock ajoute au dossier depuis Molière, comme pour donner au progrès des pratiques et des théories médicales le progrès du théâtre qu'il leur faut : Knock montre que le problème actuel de la médecine est plus nettement encore aujourd'hui qu'hier celui du couple médecin-patient, et celui de leur relation.

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« Le monde sens dessus dessousPas de pièce plus simplement articulée que Knock.

Trois actes se suivent le plus simplement et le plus linéairementdu monde.

1°: la situation avant que Knock n'agisse, 2° : ce qu'il fait pour la modifier, 3° : les résultats.

Cettesimplicité n'est pas superficielle : c'est le meilleur instrument du classicisme d'exposition, dont Romains est icivisiblement l'héritier lucide, volontaire et efficace.

Il assure une lisibilité dont le but premier est évidemment larecherche d'une leçon rigoureuse et flagrante.Ce classicisme du discours est surtout le meilleur moyen pour Romains de truffer chaque moment de renversementsironiques bien clairs.

Dans Knock, tout s'inverse à chaque instant, afin de faire rire le plus fort possible, mais aussi etsurtout, afin de faire comprendre le plus efficacement possible ce qui change de signification, de direction, de but.Le ressort continuel du comique et de sa leçon est celui du « monde à l'envers », du sens dessus dessous, car lamise du sens des choses, des mots et des actes, sens dessus dessous est le sujet central de la pièce.Et tout y obéit : au premier acte, nous voyons le « vrai » docteur, Parpalaid, apparaître peu à peu comme un demi-roublard qui trouve son maître en la personne d'un évident charlatan.

Knock réussit à paraître bien plus compétentque lui en matière, sinon de médecine, du moins de ruse.

Parpalaid semble duper un naïf en lui vendant une clientèleà un prix exorbitant ; et pourtant, nous le voyons se voir promettre des leçons de commerce par quelqu'un qui,visiblement, ne connaît de l'art médical que le discours, et se moque de sa pratique effective.

Bref, tandis que lerusé et le naïf ne sont pas ceux que l'on pense, le plus compétent des deux n'est pas non plus celui qui devraitl'être, dans le domaine où on s'y attendrait. EFFETS DU CHASSÉ-CROISÉAu de deuxième acte, même valse éblouissante entre les notions de santé et de maladie, de service et de profit.Même emploi constant, et très efficace, du chassé-croisé.

Il faut remarquer notamment que les forces respectivesde la scène de la dame en noir, la paysanne, et de la dame en violet, la notable, sont dues au simple fait que Knockprodigue à chacune le discours habituel de l'autre.A la paysanne, il explique son cas à grand renforts de mots savants, dans un discours que la notable comprendraitparfaitement, et reconnaîtrait comme vide.

Mais la paysanne est anéantie par ce déluge de précisions techniques,comme la notable le sera par les mots que la paysanne aurait instantanément disqualifiés. L'ART DE LA MANIPULATIONL'astuce de Knock consiste à impressionner sa victime en l'introduisant dans un monde étranger au sien (parcequ'être malade commence par le simple fait de ne plus savoir où on est), et le plus drôle est ici que l'étrangeté dechacun des mondes est faite simplement de la banalité du monde du voisin, que chaque patient ignore.

Pour lanotable, être malade, ce sera être victime d'une péripétie qu'un paysan trouverait aussi impossible que ridicule, sefaire suçoter l'intérieur du crâne par une araignée.

Et à ce titre, Romains signale comme au passage que les crédulesne volent jamais tout à fait la leçon qu'ils méritent.En somme, ces deux patientes sont avant tout victimes de ne pas savoir le moins du monde de quoi est faite la viede son prochain.

Pour les duper, Knock joue donc sur le cloisonnement des humains, ce qui est bien dans la lignedes idées en lesquelles Jules Romains voyait le seul recours de l'humanité, l'unanimisme, le salut de tous par tous.En revanche, une fois le patient ainsi inquiété, Knock a le talent de donner en guise de remède à chaque patientune ordonnance où il peut se reconnaître, un traitement-miroir (ce qui revient à dire que, tout comme être maladecommence dès qu'on ne sait plus où on est, guérir commence dès qu'on se retrouve en pays de connaissances): àla paysanne, une prescription faite de choses simples et reconnaissables, où rien ne l'inquiétera.

A la notable, untraitement de snob, où il est question de radioactivité, c'est-à-dire de recettes sophistiquées, bien à la mesure durang qu'elle est sûre de devoir tenir. L'UNIVERS DE LA CONTAMINATIONAu troisième acte, un comble, valse entre la bonne foi des malades et leur situation réelle d'escroqués, entre lasanté du docteur Parpalaid, vrai docteur et commerçant nul.

escroc amateur et dupé professionnel, et la convictionque Knock arrive à lui imposer d'être un malade.A l'image de ces retournements incessants du sens, de cette ironie continuelle, on pourrait voir que Knock, cettepièce dont le personnage central se dit médecin, et dont le champ d'exercice est ou devrait être la santé desautres, est en somme une pièce sur la contamination, la contagion par action conjuguée de la propagande et duprofit.

A propos de santé, de soins, de guérison, nous voyons, et c'est une ironie délibérée de l'auteur, se propagerun virus, celui du profit, du pouvoir, du goût de duper et d'hypnotiser.La leçon sur « les porteurs de germes », que Knock fournit toute faite à l'instituteur impressionnable, et qui estdestinée à asseoir sa crédibilité dans la région, est en quelque sorte l'image résumée de l'action néfaste dupersonnage principal.

Il est lui-même le germe le plus toxique de la région.

Ce problème de la contagion de lapersuasion, toute l'actualité la plus contemporaine le montre urgent et omniprésent aujourd'hui, chaque jour.

Apropos de dévouement, de service, de confiance accordée par les humbles aux gens censés pratiquer ces vertus,nous voyons s'étendre le mal qui les dévoie et les pervertit.Nous voyons aussi dans la pièce que, si cette contagion est si facile, c'est que le terrain en est préparé par lelaisser-aller, l'insouciance et la paresse, voire le goût du profit facile et à courte vue (qui sont les caractéristiquesdu docteur Parpalaid).

La pièce suggère qu'en ces matières aussi, le docteur Parpalaidn'est qu'un amateur, et qu'en matière de nuisances, les petites sont le terrain favorable aux plus grandes.

Au fond,Parpalaid n'est qu'un petit escroc, et justement pour cela un grand imbécile, et le pire est qu'il soit bien plus prochedu modèle du « brave homme » que Knock lui-même, qui de son côté a oublié d'être bête, mais est un immense. »

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