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Le langage nous éloigne-t-il de la réalité?

Publié le 23/01/2005

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langage
, 6.522). Sur ce dont on ne peut parler il faut garder silence. Mais cet indicible silencieux peut se montrer Le langage montre donc la forme logique du monde, c'est-à-dire l'état des choses. ' Le mystique, dit-il, ce n'est pas : comment est le monde, mais : le fait qu'il soit. ' (Ibid. ; 6.44). Le mystique est ainsi le constat de l'être, que le monde est, qu'il y a quelque chose et non pas rien. Devant cet advenu du monde, nous ne pouvons que nous étonner en restant muet.

Comment les mots portent-ils sur les choses ? De prime abord, nous pourrions dire que le langage, comme faculté proprement humaine, désigne la réalité, le donné immédiatement sensible perçu par les sens. D’une part, les mots cernent certains types de réalité dans leurs caractéristiques ; d’autre part, ils les distinguent des autres choses. Nommer une chaise ‘chaise’, c’est à la fois rassembler sous une même appellation tout ce qui s’apparente à l’objet en question et le différencier de la table, du bureau. Depuis lors, on voit mal comment les mots pourraient nous éloigner de la réalité. Étrange paradoxe de demander si le langage éloigne l’homme des choses, car que serait une réalité sans son nom ! Comment même savoir que cette chose existe indépendamment de l’acte de nomination ? Le langage est le seul outil indispensable pour les désigner à l’attention d’autrui. Pourtant, qui n’a pas éprouvé cette expérience de ne pouvoir trouver le mot juste pour exprimer une chose !  Le mot ‘chaise’ ne vaut-il pas pour toutes les chaises en taisant la singularité de la chaise, là devant moi ; en se tenant à la surface de la chose même. Le mot ‘table’ ne désigne pas cette table-ci avec toutes ses qualités sensibles, empiriques, concrètes, mais l’idée générale et abstraite de la table. N’est-ce pas dire que la réalité empirique est innommable parce qu’entièrement singulière ? Le mot n’abandonne-il pas la réalité empirique particulière, sensible, au profit du général ? Le langage en sa nature ne nous détourne-t-il pas de la réalité en son essence en occultant l’essentiel, la chose comme chose, l’être même de la réalité ? Comment en effet pénétrer la réalité telle qu’elle est ? N’y a-t-il pas un au-delà des mots que le langage ne saurait dire ? Le mot même de ‘réalité’ ne manque-t-il pas la réalité comme réalité ? Ces questions dessinent une ligne conductrice problématique : le langage manque-t-il ou révèle-t-il la réalité comme telle ? L’enjeu philosophique n’est pas des moindres puisqu’il s’agit de la question du philosopher comme discours à la recherche de la vérité de la réalité.

langage

« hisser à la réalité par le truchement des mots, seuls outils du philosophe ? N'est-ce pas le péril encouru par toute critique philosophique du langage ? Bergson, par exemple, va incriminer la nature du langage, notammentdans le domaine métaphysique : ‘ Nous ne voyons pas les choses en elles-mêmes, nous nous bornons le plus souvent à coller des étiquettes sur elles [...

]Car les mots désignent tous des genres.

' (Le Rire) Le langage masquerait la vraie nature des choses qui est toujours concrète et singulière.

Seule l'intuitionpermet d'atteindre l'absolu en coïncidant avec ce que l'objet a d'unique etd'inexprimable.

La critique de Nietzsche est, à l'endroit de l'impuissance dulangage à transcrire la réalité, plus provocatrice.

En effet, le langage n'est-il pasla source de l'illusion à vouloir atteindre la réalité ? L'homme croit aux idées etaux noms des choses comme à des vérités éternelles.

‘ Il pensait réellement,écrit-il dans Humain, trop humain , avoir dans le langage la connaissance du monde.

' Or loin de connaître la réalité du monde, il n'a fait que donner auxchoses des désignations en se figurant exprimer par les mots la science la plusélevée des choses.

Le langage ne parle qu'au langage.

Au commencement n'estpas le V(v)erbe, mais la pure sensation.

Somme toute, d'où vient l'étrangeéloignement, la distance entre l'unité du nom et la multiplicité des objets qu'ildésigne ? Car, comme le remarque Leibniz, la réalité ne connaît que des‘indiscernables', quelle est la logique par laquelle l'homme en vient à discerner lesidentités repérables ? Tout mot est un concept qui doit servir non l'expérience originale, première, mais qui désigne des généralités, des expériences innombrables, c'est-à-dire jamais identiques.‘ Tout concept, déclarera Nietzsche, n'est que l'identification du non-identique'.

Aucune feuille ne ressemble à uneautre feuille alors que le concept de ‘feuille' supprime toutes différences individuelles.

Nietzsche procède à unegénéalogie du mot fonctionnant comme concept, comme catégorie générale, plus petit dénominateur entre lesobjets sensibles tous singuliers et donc tous différents.

Le mot devenu concept n'est donc plus mémoire révélatricede la perception, mais simple instrument de médiation, de réduction de la différence sensible.

Le mot est alorsappauvrissement de la réalité, élagage de l'expérience chatoyante, chaude et colorée du monde auquel il substitueune réalité verbale artificielle, une illusion.

Bref, le mot assassine la réalité.

Le langage, expression vocale deschoses, a une vocation spontanée à la dérive conceptuelle.

Le mot évocateur d'une sensation inouïe devientinstrumental, moyen terme entre l'expérience concrète et la conception distanciée du réel. Faut-il alors exalter cette pensée inverbale ou balbutiante ? La pensée informulée n'est-elle pas une pensée confuse ? Si le langage nous détourne de la réalité, ne sommes-nous pas condamner à la mutité ? À nous tenir dansun silence angoissant dans l'impossibilité de dire les choses ? Peut-on penser les choses sans les mots ? L'ineffable,c'est l'irrationnel.

Peut-on réellement soutenir que le raisonnement n'est qu'un assemblage de mots conventionnelssans porter sur la nature des choses, mais uniquement sur leurs noms ? Loin d'exprimer l'essence du réel, les motsne désigneraient-ils que des relations des choses de manière purement métaphorique ? N'est-ce pas là promouvoirune pensée qui nous éloignerait radicalement des choses au point de taire le monde ? Cette critique du langage semble manquer ce qu'il faut vraiment entendre par langage.

Pour nos deux auteurs, le langage n'est qu'une nomenclature, un simple lexique de mots généraux.

Et cette conception du langagerepose sur l'idée relativement naïve que la réalité tout entière s'ordonnerait, antérieurement à la vision qu'en ont leshommes, en catégories d'objets strictement distinctes, chaque mot répondant à une chose.

Or le langage n'est pasun ensemble de mots, il est essentiellement un système de signes linguistiques.

Ainsi il apparaît que la critiquebergsonienne et nietzschéenne est fondée sur une méconnaissance de ce que parler veut dire.

Lorsque Bergsonécrit dans L'évolution créatrice : ‘ La condition générale du signe [...] est de noter, sous une forme arrêtée, un aspect fixe de la réalité ', il n'envisage que la relation du signe à la chose, le désigné, sans tenir compte du signifiépuisqu'il ne conçoit le signe que dans un rapport au référent, c'est-à-dire à l'élément de la réalité.

Comme pourNietzsche, le langage n'est perçu que comme tendance sélective et classificatoire du regard.

C'est pourquoi ilscroient que le langage spatialise, découpe ce qui est mouvement vital, qualitatif, aussi bien en nous qu'en dehors denous.

Mais le langage n'est pas uniquement subordonné à une simplification pratique, il dépasse la seule sphère desbesoins pour révéler la réalité.

Car le langage n'est pas uniquement maîtrise de la réalité, il est essentiellementparole poétique qui dit poétiquement le monde.

Le mot ne note pas seulement la chose dans sa fonction la plusbanale.

Le langage n'est pas voilement de la réalité mais dévoilement de ce qui est.

‘ De quelle façon les mots se relient–ils à la réalité ? ' demande Searle, dans Les Actes du langage , en renouvelant la philosophie du langage.

Comment comprendre que lorsque je dis ‘ Durand est rentré ', j'ai l'intention de signifierque Durand est rentré, et non pas, disons, que Lenoir s'est saoulé ? Comment dès lors le langage peut-il s'éleververs la conceptualisation de la réalité sans perdre la concrétude des choses ? Le langage permet la saisieintellectuelle du donné sensible, à savoir la visée intellectuelle de la réalité empirique immédiatement perçue par lessens.

La réalité telle qu'elle nous est livrée est, en effet, très confuse.

Elle se donne comme une totalitéindifférenciée de formes, de qualités sensibles qui ne sont pas en elle-même très distinctes.

Par exemple, un sujetqui méconnaît les noms des couleurs à une perception plus floue que celui qui peut les identifier verbalement.

Lalangue française découpe la gradation continue de couleur que déploie l'arc-en-ciel ou le spectre d'un prisme en unesérie de catégories discrètes : rouge, orange, jaune, vert, bleu, indigo.

En revanche, les habitants du Libéria,parlant le bassa, divisent le spectre en deux catégorie qui correspondent à ce que nous appelons les couleurschaudes et froides.

Ce qui montre que nous voyons les choses à travers le prisme du langage.

C'est pourquoi dansla perspective hégélienne, le langage nous élève à l'universel en supprimant l'immédiat empirique.

Mais, lorsque Hegeldans la Phénoménologie de l'esprit , soutient la suppression de l'être sensible au profit de l'être idéal, il ne veut pas dire l'éloignement radical de la particularité de la réalité.

Le concept de Aufhebung , la dialectique, dit à la fois. »

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