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Le langage traduit-il ou trahit-il nos pensées ?

Publié le 17/03/2005

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langage
Le mot jette sur la chose un obstacle qui ne la laisse qu'à demi visible. On ne peut plus que deviner la chose à travers le mot : la métaphore du masquage ajoute ici l'idée d'une dissimulation volontaire. Le langage renforce donc bien le système d'habitude des besoins. En quoi maintenant le mot obscurcit-il la chose ? Le langage n'est capable de désigner que ce qui est utile à l'action, donc d'une chose il ne dit que des généralités : il ne renvoie qu'au genre de la chose. Le mot oublie les différences, il ne permet que la fixation des généralités : c'est la raison pour laquelle Bergson défend la théorie du mot-étiquette. Le mot renvoie à une classe d'objets, mais parmi cette classe, il manque la différence spécifique de tel objet de cette classe : le langage a donc tendance à égaliser les contours de toutes choses dans une même classe, manquant par là la mobilité qui est la marque de la vraie réalité, et qui plus est nous habituant à ne plus la penser. En conséquence, la pensée et le langage deviennent hétérogènes et même ennemis : « la pensée demeure incommensurable avec le langage « : il n'y a plus entre eux de commune mesure. Le mot a de ce fait trop souvent tendance à n'être que ce que Bergson appelle un « concept rigide «, incapable de saisir la souplesse de la réalité. Les pires théories du scientisme sont donc à mettre au débit du langage, en tant que celui-ci se fait le véhicule des conceptions les plus figeantes : le temps homogène est une véritable idole du langage.
Le langage peut nous détourner de la réalité. La vérité ne peut pas être atteinte si l'on ne s'efforce pas de réduire constamment le décalage existant entre la réalité et les mots qui prétendent en restituer le sens. Le langage trahit donc nos pensées.
MAIS...
Si le langage pouvait nous trahir, les hommes ne disposeraient plus d'aucun moyen de distinguer le vrai du faux. nous savons tous ce qu'est une table ou une chaise. Le langage traduit donc nos pensées.


langage

« pour désigner des choses et rien que des choses : c'est seulement parce que le mot est mobile, parce qu'il chemined'une chose à une autre, que l'intelligence devait tôt ou tard le prendre en chemin ».

Le langage est à l'origine fait pour les choses, ce qui veut dire à la fois qu'à l'origine il ne saurait désigner des genres des genres ne s'adapteraitpas à des sentiments personnels, et que le langage n'a pas toujours été investi par l'intelligence pour être un moyenà sa discrétion : par conséquent, le langage a aussi su désigner les choses.

Mais l'intelligence a trouvé en lui un bonmoyen d'arriver à ses fins et se l'est approprié, étendant aux états de conscience ce qui ne pouvait valoir que pourles choses.

Néanmoins, le langage fait ici preuve d'autres virtualités : il est peut-être possible d'écarter le rôle del'intelligence pour redonner au langage une certaine positivité. C'est ce que l'exemple de l ‘écrivain nous permet de penser.

En effet, Bergson définit (dans « Le Rire ») l'art comme « une vision plus directe de la réalité ».

Or, il y a bien des arts, littérature, poésie, qui emploient le langage : donc le langage peut lui aussi permettre de voir la réalité et donc de penser.

La question se présente là aussi enapparence sous forme de paradoxe : le rôle de l'écrivain consiste « à nous faire oublier qu'il emploie des mots ». Ecrirait-on malgré les mots ? C'est qu'il y a dans le mot quelque chose qui transcende virtuellement l'usage quenous en faisons habituellement : c'est ce que Bergson appelle sa mobilité, c'est-à-dire son adaptivité à la chose. On peut comprendre cela de deux manières : Ø D'abord en ce que chaque mot transcende le précédent : c'est la multiplicité des mots et des qualifications qui finit ici par rattraper la mobilité de la chose. Ø En un second sens, c'est la métaphore juste qui permet au mot de se débarrasser de son rôle habitueld'attributeur de genres.

L'écrivain est celui qui est capable de faire dire aux mots les spécificités de ce àquoi le mot renvoie.

Il n'est sans doute pas anodin de remarquer ici que cette théorie de la substitutionau « concept rigide » d'un concept « fluide » capable de dire la ré alité, intervient au moment où le roman se révolutionne, et commence à vouloir épouser la mobilité de ce flux intérieur qu'est le flux de laconscience ( Dostoievski , Proust , et bientôt Gide et Joyce ). Il va de soi que ces résultats concernent aussi la philosophie : un tel art d'écrire mis au service de la philosophie (etpar Bergson lui-même, qui s'attribue volontiers les qualités de l'écrivain) permettra de redresser les erreurs philosophiques que le langage et les concepts rigides ont sur la conscience.

Une conversion de l'attention (le bonusage de la liberté) et l'exigence de précision (l'art d'écrire) permettent de substituer au « concept rigide » un « concept fluide » capable de dire la réalité, c'est-à-dire au fond capable de servir et d'exprimer la pensée. Chez Bergson donc, le langage apparaît vis-à-vis de la pensée comme pris dans un double rapport : non seulement le langage, comme tout le système d'habitudes dont il dépend, jette un voile sur la vraie réalité, qui est durée et nepeut donc faire l'objet que d'une intuition, mais encore il renforce en le développant cet aveuglement inscrit dans lesbesoins de la vie, et nous empêche donc littéralement de penser : c'est le sens de la critique des idées générales,et de la définition du mot comme « embryon de concept ».

Bergson ira même plus loin en liant le langage aux erreurs de la philosophie traditionnelle, notamment du scientisme, défini par lui comme un « verbalisme » : il faut sortir de notre langage habituel (et du langage philosophique qui n'échappe pas à la critique) pour considérer ànouveau la réalité avec précision. C'est donc que le langage est capable de servir une autre approche de la réalité : au « concept rigide », un effort, une conversion de l'attention permettent de substituer le « concept fluide », qui s'approche de la chose dans la mesure où il est doué de la même mobilité qu'elle.

Quoi qu'il en soit, et malgré ces concessions, on ne peut pourBergson penser que malgré les mots, quand toutefois on arrive à s'arracher de l'habitude solidifiée que représente notre système linguistique. Le présupposé de l'ensemble de cette analyse est très clair : la pensée, qui ne relève aucunement du même ordreque le langage, le subit au point de vouloir peut-être parfois s'en affranchir.

Bien souvent, quand nous éprouvons unétat d'une inhabituelle intensité, nous arguons de cette inadéquation du langage : « il n'y a pas de mots pour dire ce que je ressens ».

Cette idée d'un au-delà des mots, ou plutôt d'un en-deçà, de cette fraction de la pensée qui échapperait au langage en voulant s'en préserver, est une idée bergsonienne : c'est l'idée qu'il y a de l'ineffable,l'idée que la part la plus précieuse, la plus intime de notre pensée se galvauderait si on tentait de l'exprimer par desmots.

C'est là postuler que la pensée repose par essence sur quelque chose d'antérieur au langage et àl'intelligence, et qui est de l'ordre de l'intuition, et donner le plus grand prix à ces éléments de pensée antérieurs ourebelles au langage, c'est-à-dire à l'ineffable.

Et c'est là précisément, on va le voir, l'idée à laquelle l'exigeanteconception de Hegel s'opposait fermement. (B) Il existe un ineffable Il est des réalités intraduisibles par le langage: A) D'abord, dans le domaine psychologique.

Puisque le langage est essentiellement social, la penséeautistique, celle qui demeure sans contact avec la réalité extérieure et avec autrui est donc incommunicable: chezles schizophrènes, l'aphasie n'a pas d'autre cause.

sans descendre jusque-là, il est certain qu'il existe dans la vieaffective (émotions, sentiments, passions) bien des nuances individuelles que le langage ne traduit que fortimparfaitement.

Bien des auteurs, et des plus classiques, ont fait allusion à ce "je-ne-sais-quoi" que le langage ne parvient pas à exprimer.

C'est surtout dans la communication des consciences entre elles que cette insuffisance dulangage s'affirme.

Bergson l'avait signalé: "Le mot aux contours bien arrêtés, le mot brutal qui emmagasine ce. »

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