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La diversité des langues est-elle un obstacle à l'entente entre les hommes ?

Publié le 04/02/2004

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Evidence de la diversité

La langue sert d'abord à communiquer, et c'est sans doute pourquoi, lorsque la communication devient impossible parce qu'un interlocuteur potentiel parle une langue différente, le sentiment de déception ou de frustration peut être intense : brutalement s'impose l'impression d'être réduit à l'impuissance. Si toutefois cette impression peut être ressentie dans des rapports entre individus, on constate qu'elle est purement hypothétique si l'on s'intéresse à des relations entre peuples. Il est clair en effet que, quelles que soient leurs langues, les peuples parviennent toujours à se comprendre. Faute de quoi on serait obligé de penser que, par exemple, des conflits sérieux, des guerres, peuvent être provoqués par de simples différences de langues, ce qui semble, par chance, ne jamais avoir eu lieu dans l'histoire de l'humanité...La différence des langues n'est en effet qu'un élément parmi bien d'autres dans ce qui fait la différence des peuples, et cet élément n'est pas forcément le plus important (ou le plus lourd de conséquences), même s'il peut sembler le plus immédiatement perceptible. On doit aussi tenir compte des différences des moeurs, des religions, des coutumes, des organisations politiques, des idéologies et des mentalités - pourquoi pas, à un niveau plus anecdotique, de la différence des cuisines, des vêtements, des formes de politesse ? En d'autres termes, la différence des langues fait partie d'une différence plus générale, qui est celle des cultures.C'est bien pourquoi il semble difficile d'admettre que, sous prétexte de favoriser l'entente entre les peuples, on devrait élaborer une « langue universelle «. Celle-ci, d'une part, ne ferait que favoriser une communication qui s'opère même en son absence, et d'autre part, ce qui est plus sérieux, elle briserait la relation existant entre langue et culture, faisant des peuples les utilisateurs d'une langue sans racines, utilisée à de seules fins de communication fonctionnelle mais incapable de véhiculer la « mémoire « de chaque peuple et entraînant de la sorte une perte d'identité collective. Cette perte risquerait elle-même de mener à des réactions agressives, et l'on constate que, sous prétexte de faciliter l'entente comme communication, on empêcherait l'entente comme concorde entre tous les peuples.

problème La fraternité universelle, ou même la paix perpétuelle, est-elle entravée par le fait que tous les humains n'usent pas du même code pour communiquer? présupposé La diversité des langues est un fait et peut-être un fait irréductible. En outre, ce fait a des conséquences politiques et diplomatiques.

« [III.

Langage et « entente »] C'est pourquoi toute langue, dès qu'elle est perçue – et peut-être est-elle d'autant mieux perçue qu'elle apparaîtétrangère –, est l'indice de l'humanité.

Évoquer une «entente entre les peuples », si l'on prend l'expression ausérieux, c'est désigner ce qui, par-delà les différences qui existent entre ces mêmes peuples, peut leur permettred'accéder à l'idée qu'ils font tous partie d'un même ensemble.

Cet ensemble, c'est évidemment ce qu'évoque leterme « humanité ».Celle-ci se manifeste, à travers des peuples qui parlent des langues différentes, précisément en ce qu'ils parlent.

Laparole humaine, quelles qu'en soient les formes sonores, témoigne de la présence de la pensée, qui est elle aussi «le propre de l'homme » – indépendamment de sa race, de son apparence, de sa culture, etc.

Cela n'a pas toujoursété reconnu : lorsque les Grecs traitaient les non-Grecs de «barbares », ils niaient leur capacité à parler ou à penseren assimilant leurs articulations à de simples cris d'oiseaux – négation de l'humanité d'autres peuples qui a pu servirde « justification » à l'esclavage, doté d'un pouvoir formateur pour les esclaves eux-mêmes puisqu'il leur permettaitd'accéder à l'humanité véritable en parlant un peu grec...

Il est donc possible que dans l'Antiquité – et peut-être àd'autres moments de l'histoire de l'Occident–, la différence des langues ait en effet nui à l'entente entre certainspeuples.

Mais les Grecs reconnaissaient à leur propre langue une relation d'exception avec l'être même des choseset avec la vérité que nous ne pouvons plus admettre aujourd'hui.Peut-être devons-nous même penser que l'entente est possible, non seulement malgré la diversité des peuples, maisbien plutôt à cause d'elle.

Car cette diversité nous informe que l'humanité est précisément faite de différences, etque ces dernières sont une source d'enrichissements réciproques.

En d'autres termes, un peuple qui ne connaîtraitpas l'existence de peuples différents ne serait-il pas condamné à stagner, à se satisfaire de la stricte répétition dece qu'il a déjà vécu, et ainsi à s'étioler ? L'histoire résulte des contacts entre peuples, de leurs échanges.

Sansdoute n'ont-ils pas toujours lieu de manière pacifique, mais on peut être sûr qu'en leur absence, l'histoire n'existeraitpas : c'est pourtant à travers elle que se constitue l'humanité. [Conclusion] Pour les anthropologues, l'échange des messages fait bien partie des formes fondamentales de l'échange quifavorisent l'expansion de l'idée d'humanité, en permettant de reconnaître dans ce que prononce l'autre (même si jene le comprends pas au sens strict) l'indice de son appartenance à la même humanité que moi.

C'est bien pourquoila diversité des langues n'est qu'un phénomène d'importance secondaire : plus fondamentale est l'existence, danstous les peuples, du langage comme capacité à parler, à faire signe à l'autre et à en attendre une réponse.

On nes'« entend» ou ne s'accorde en fait qu'avec du différent, et l'entente entre les peuples peut être conçue comme unaccord musical : pas plus que les notes, ils ne sauraient être semblables.. »

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