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Est-il légitime de revendiquer ses droits par la force ?

Publié le 08/02/2004

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Car, ce qui plaît aux faibles, c'est d'avoir l'air d'être égaux à de tels hommes, alors qu'ils leur sont inférieurs.Et quand on dit qu'il est injuste, qu'il est vilain, de vouloir avoir plus que la plupart des gens, on s'exprime en se référant à la loi. Or, au contraire, il est évident, selon moi, que la justice consiste en ce que le meilleur ait plus que le moins bon et le plus fort plus que le moins fort. Partout il en est ainsi, c'est ce que la nature enseigne, chez toutes les espèces animales, chez toutes les races humaines et dans toutes les cités !Si le plus fort domine le moins fort et s'il est supérieur à lui, c'est là le signe que c'est juste.De quelle justice Xerxès s'est-il servi lorsque avec son armée il attaqua la Grèce (1), ou son père quand il fit la guerre aux Scythes ? Et encore, ce sont là deux cas parmi des milliers d'autres à citer ! Eh bien, Xerxès et son père ont agi, j'en suis sûr, conformément à la nature du droit - c'est-à-dire conformément à la loi, oui, par Zeus, à la loi de la nature -, mais ils n'ont certainement pas agi en respectant la loi que nous établissons, nous !Chez nous, les êtres les meilleurs et les plus forts, nous commençons à les façonner, dès leur plus jeune âge, comme on fait pour dompter les lions ; avec nos formules magiques et nos tours de passe-passe, nous en faisons des esclaves, en leur répétant qu'il faut être égal aux autres et que l'égalité est ce qui est beau et juste. Mais, j'en suis sûr, s'il arrivait qu'un homme eût la nature qu'il faut pour secouer tout ce fatras, le réduire en miettes et s'en délivrer, si cet homme pouvait fouler aux pieds nos grimoires, nos tours de magie, nos enchantements, et aussi toutes nos lois qui sont contraires à la nature - si cet homme, qui était un esclave, se redressait et nous apparaissait comme un maître, alors, à ce moment-là, le droit de la nature brillerait de tout son éclat."PLATON, Gorgias, 483b-484a, trad. Canto, Garnier-Flammarion, 1987, pp. 212-213.

Existe-t-il d'autres moyens légitimes que la revendication pour faire valoir ses droits ? Y a-t-il un temps où il ne suffit plus de revendiquer et où il devient juste d'obtenir sont dû par la force ?

« L'État de la domination d'une classe sociale chez Marx « Au fur et à mesure que le progrès de l'industrie moderne développait,élargissait, intensifiait l'antagonisme de classe entre le capital et letravail, le pouvoir d'État prenait de plus en plus le caractère d'un pouvoirpublic organisé aux fins d'asservissement social d'un appareil dedomination d'une classe.

Après chaque révolution, qui marque un progrèsde la lutte des classes, le caractère purement répressif du pouvoir d'Étatapparaît de façon de plus en plus ouverte» [La Guerre civile en France,p.

60-61].

La conception marxiste de l'État est ici résumée dans sonprincipe essentiel : l'État capitaliste est l'appareil de domination de laclasse ouvrière par la bourgeoisie, y compris par la violence comme cefut le cas, par exemple, durant les journées de juin 1848.

Durant celles-ci, la république bourgeoise avait montré le despotisme absolu d'uneclasse sur les autres classes.Ainsi, l'État n'est pas extérieur ou au-dessus de la société.

« Il est bienplutôt un produit de la société à un stade déterminé de sondéveloppement ; il est l'aveu que cette société s'empêtre dans uneinsoluble contradiction avec elle-même, s'étant scindée en oppositionsinconciliables qu'elle est impuissante à conjurer.

Mais pour que lesantagonistes, les classes aux intérêts économiques opposés, ne seconsument pas — elles et la société — en une lutte stérile, le besoin s'impose d'un pouvoir qui, placé en apparence au-dessus de la société, doit estomper le conflit, le maintenirdans les limites de l'"ordre" ; et ce pouvoir, né de la société, mais qui se place au-dessus d'elle et lui devientde plus en plus étranger, c'est l'État» [L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'État, p.

156].Si l'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire des luttes des classes, pour les mêmesraisons, l'État ou les différents États qui se sont succédé dans l'histoire ont toujours été ceux de la dominationd'une classe sur les autres, dans le but de maintenir — souvent par la violence [Anti-Dühring, p.

208 sq.] —l'ordre social.

D'où l'idée d'une disparition de l'État dans une société sans classe, le communisme, avecquelques difficultés sur les moyens d'y parvenir. 2.

Revendiquer, unique manière légitime de faire valoir le droit Le droit n'est-il vraiment que la poursuite, sous d'autres formes, d'un rapport de forces ? L'État n'est-il qu'uneinstance contraignante ? Nous voudrions montrer à présent qu'il est possible de voir dans l'État démocratique un lieuoù la revendication se substitue à la force, où l'on s'affronte encore, certes, mais par l'intermédiaire de raisons etd'arguments.

Le droit apparaît alors comme la tentative d'élaborer rationnellement les conflits, ce qui ne les résoutpas forcément mais les rend compatibles avec la vie sociale. A.

Nature démocratique de la revendicationSi les origines de notre droit écrit, de nos codes sont plutôt latines, l'idée même du droit, très proche de celle dejustice, remonte à l'invention grecque de la démocratie (dès la fin du vie siècle).

La cité démocratique grecque sefonde sur un ordre politique fixé par la volonté commune de ses membres.

Les hommes, plus précisément lescitoyens de chaque cité, prennent collectivement leur destin en main ; ils s'émancipent des tutelles religieuses ettraditionnelles en s'appuyant sur la seule raison (logos) dans leurs délibérations communes.

Dans ce contextedémocratique, la justice est à produire, à élaborer dans le débat, dans la confrontation des revendications et desobjections qu'elles suscitent.

Revendiquer, dans l'espace de la délibération démocratique, c'est faire valoir un droitauprès de la communauté qui seule est habilitée à le fonder et à le garantir. B.

La revendication comme critère de justiceSur quoi peut-on bâtir la justice sociale, si ce n'est sur la justice que les hommes revendiquent ? Si l'égalité est unprincipe fondamental du droit, c'est précisément qu'une distribution égale ne peut pas susciter de contestation.L'objet de la revendication consiste toujours en une inégalité à corriger.

Que peut-on demander aux autres si cen'est d'être traités selon les mêmes principes qu'eux ? Comment pourraient-ils rester sourds à cette exigence dejustice, s'ils se déterminent d'après leur raison et non d'après une quelconque idée préconçue de la justice ? Le droitne cherche pas seulement à répondre aux revendications qui se font historiquement jour dans la société, à telle outelle période de crise.

Il est dans sa logique d'essayer d'anticiper, de prévenir les réclamations en respectanttoujours un principe d'égalité, aussi bien au plan constitutionnel, dans la distribution à chaque citoyen des droits etdes devoirs, qu'à celui du règlement judiciaire des conflits. C.

La force de la revendicationMais la revendication ne consiste pas forcément en une exigence d'égalité, en une dénonciation d'injustice revenantà réclamer son dû.

Elle peut mettre au jour une aspiration sociale nouvelle, une volonté de réforme profonde del'ordre en place.

La revendication des femmes à ne plus forcément subir leur grossesse, à pouvoir l'interrompre danscertaines circonstances n'est pas à proprement parler une exigence égalitaire.

Le droit à l'interruption volontaire degrossesse est seulement l'effet conjugué d'une avancée médicale et d'une demande sociale de plus en plus massive.. »

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