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LEIBNIZ: Le point de vue d'autrui dans le jugement.

Publié le 21/03/2009

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Mettez-vous à la place d'autrui, et vous serez dans le vrai point de vue pour juger ce qui est juste ou non. On a fait quelques objections contre cette grande règle, mais elles viennent de ce qu'on ne l'applique point partout. On objecte par exemple qu'un criminel peut prétendre, en vertu de cette maxime, d'être pardonné par le juge souverain, parce que le juge souhaiterait la même chose, s'il était en pareille posture. La réponse est aisée. Il faut que le juge ne se mette pas seulement dans la place du criminel, mais encore dans celle des autres qui sont intéressés que le crime soit puni. (...) Il en est de même de cette objection que la justice distributive demande une inégalité entre les hommes, que dans une société on doit partager le gain à proportion de ce que chacun a conféré *, et qu'on doit avoir égard au mérite et au démérite. La réponse est encore aisée. Mettez-vous à la place de tous et supposez qu'ils soient bien informés et bien éclairés. Vous recueillerez de leurs suffrages cette conclusion qu'ils jugent convenable à leur propre intérêt qu'on distingue les uns des autres. Par exemple, si dans une société de commerce le gain n'était point partagé à proportion, l'on n'y entrerait point ou l'on en sortirait bientôt, ce qui est contre l'intérêt de toute la société. LEIBNIZ

 LA MONADE CHEZ LEIBNIZ

Ce terme renvoie à l'unité spirituelle élémentaire dont tout ce qui existe est composé. La monade est à la métaphysique ce que le point est à la géométrie à la fois unique et en nombre infini. Il n'y a pas chez Leibniz de dualisme (d'un côté l'âme et de l'autre l'esprit). Mêmes les minéraux ou les végétaux possèdent une dimension spirituelle ! Il y a des monades douées de mémoire chez les animaux, des monades douées de raison comme chez les hommes. Aucune monade ne ressemble à une autre. Chacune d'elles représente le monde de manière toujours particulière et plus ou moins claire, à la manière de miroirs plus ou moins bien polis. A la faveur de la bonté et de l'omniscience divines, toutes les monades constituent un tout harmonieux, car chacune est comme un monde fermé, sans portes ni fenêtres, cad sans communication.

► Plan du texte :

- lignes 1 et 2 : énoncé de la thèse; - lignes 3 et 4: annonce des objections et de la réponse; - lignes 4 à 9 : première objection et réponse (le jugement du criminel); - lignes 9 à 15: seconde objection et réponse (le partage du gain).

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« IntroductionI.

L'énoncé de la maxime.1.

Le point de vue d'autrui dans le jugement.2.

La défense de l'universalité de la maxime. II.

Le criminel et son juge.1.

L'opinion du criminel et celle de la victime.2.

Le bon juge. III.

La distribution du gain.1.

La justice distributive, une injustice ?2.

Les intérêts particuliers et l'intérêt commun. Conclusion Ouvertures On pourra lire, sur l'équivalent chez Kant de la règle leibnizienne, le § 40 de la Critique de la faculté de juger, le § 7de l'introduction de la Logique et la remarque par laquelle s'achève le livre II de l'Anthropologie du point de vuepragmatique.

On lira aussi, sur la question de la légitimité du châtiment, le chapitre V (“ Du droit de vie et de mort ”) du livre IIdu Contrat social de Rousseau et, dans la Métaphysique des mœurs de Kant (Doctrine du droit, IIe partie), laremarque générale sur les effets juridiques qui découlent de la nature de l'union civile “ Du droit de punir et degrâcier ”.

Enfin, une autre conciliation possible des égoïsmes individuels dans la société est présente dans le premiersupplément du Projet de paix perpétuelle de Kant. Introduction La justice a les yeux bandés sans pour autant être aveugle.

Le paradoxe se résout aisément : ce n'est pas de sespropres yeux que le juge doit estimer le bien et le mal qui lui sont soumis, ce n'est pas en fonction de ses opinionspolitiques, de ses croyances religieuses, de ses convictions philosophiques qu'il doit dire la justice, mais il doit tenircompte des avis de toutes les parties afin que prévale une décision conforme à l'intérêt général.

En d'autres termes,le juge doit pouvoir se mettre à la place d'autrui pour pouvoir juger en connaissance de cause et rendre ainsi unjuste jugement.

Ce qui vaut pour le magistrat vaut pour tout juge en général, dès qu'il s'agit de faire la part entreun mien et un tien contesté, une récompense et une punition à attribuer, dès qu'il s'agit de régler un conflit.

On voittout de suite le problème à résoudre, qui semble aporétique, sans issue : comment la règle qui consiste à ce que l'onse mette à la place d'autrui pour bien juger peut-elle valoir lorsque les intérêts en cause divergent au point desembler inconciliables ? À ce problème exposé après l'énoncé de la maxime, Leibniz donne une réponse qui sembleraparadoxale : il faut non pas restreindre le champ de la maxime, mais l'élargir.

On ne tire pas toutes les conséquencesde cette maxime ; aussi ne comprend-on pas qu'un juge doive se mettre à la fois à la place du coupable et de lavictime ; de même on n'admet pas facilement qu'il suffit de prendre la place de chacun des associés d'une entreprisecommerciale pour comprendre qu'une répartition inégale des gains profite en fait à tous. I.

L'énoncé de la maxime 1.

Le point de vue d'autrui dans le jugementAvant d'examiner les limites possibles de la maxime formulée par Leibniz, il faut préciser sa signification, même sicelle-ci peut sembler claire.

Pour bien juger, il faut, écrit Leibniz, se mettre “ à la place d'autrui ”, autrement ditprendre la position d'autrui en général, ou de tel homme en particulier lorsque j'ai à juger à son sujet.

Le propos deLeibniz est double : il s'agit à la fois d'établir une possible universalité du jugement en me privant de tout ce qui enmoi n'exprime pas un point de vue universel (en me mettant à la place d'autrui en général) mais aussi de comprendreles points de vue particuliers d'individus particuliers que j'aurais à juger (en me mettant “ dans leur peau ”).

Il fautajouter par ailleurs que ce que me procure ce changement de point de vue, c'est la faculté de juger justement.

Ce “vrai point de vue pour juger de ce qui est juste ou non ” ne m'est pas nécessaire pour accéder à une véritéscientifique ou mathématique : mon simple point de vue me suffit pour cela (son universalité en ces domaines va desoi) ; mais la prise en compte du point de vue d'autrui me permet de porter un jugement fondé dans les affaireshumaines au sens le plus large du terme.

Me mettre à la place d'autrui me permet de porter des jugementspsychologiques, moraux, politiques, etc., pour autant que ces domaines n'offrent pas de certitude apodictique(nécessaire a priori ), pour autant qu'ils sont le règne de la simple vraisemblance.

En cela la maxime leibnizienne estde portée moindre que la seconde maxime kantienne du sens commun : “ Penser en se mettant à la place de toutautre ”, qui vaut comme principe de toute pensée en général, qui s'applique à l'entendement sans considération deson objet.

Nous devons, dit Leibniz, nous mettre à la place d'autrui pour bien juger, parce que l'appréciation de lajustice, du juste rapport entre les hommes est tout entière affaire de perspective : le vocabulaire du texte estrévélateur de cette importance du lieu d'où l'on aperçoit les choses, comme en témoignent les termes de “ place ”, “point de vue ” ou “ posture ”.

La philosophie de Leibniz, pour qui l'univers est un ensemble d'éléments premiers, lesmonades, en correspondance les uns avec les autres, invite à une telle conception du jugement juste en termes dejuste point de vue.. »

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