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LEIBNIZ: La raison suffisante

Publié le 31/03/2005

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Pour moi, j'avoue que je ne saurais être du sentiment de ceux qui soutiennent qu'une vérité peut souffrir des objections invincibles ; car une objection est-elle autre chose qu'un argument dont la conclusion contredit à notre thèse ? Et un argument invincible n'est-il pas une démonstration ? Et comment peut-on connaître la certitude des démonstrations, qu'en examinant l'argument en détail, la forme et la matière, afin de voir si la forme est bonne, et puis si chaque prémisse est ou reconnue, ou prouvée par un autre argument de pareille force jusqu'à ce qu'on n'ait besoin que de prémisses reconnues ? Or, s'il y a une telle objection contre notre thèse, il faut dire que la fausseté de cette thèse est démontrée, et il est impossible que nous puissions avoir des raisons suffisantes pour la prouver ; autrement deux contradictoires seraient véritables tout à la fois. Il faut toujours céder aux démonstrations, soit qu'elles soient proposées pour affirmer, soit qu'on les avance en forme d'objections. Et il est injuste et inutile de vouloir affaiblir les preuves des adversaires, sous prétexte que ce ne sont que des objections ; puisque l'adversaire a le même droit, et peut renverser les dénominations, en honorant ses arguments du nom de preuves, et abaissant les nôtres par le nom flétrissant d'objections. LEIBNIZ
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« Pour qu'il v ait démonstration véritable, il faut qu'il y ait d'une part des vérités premières, des prémisses à partir(lesquelles démontrer : et, d'autre part, des règles selon lesquelles démontrer. En effet, démontrer une vérité, c'est montrer qu'elle découle nécessairement d'une autre vérité.

Il faut donc partird'une ou plusieurs vérités premières, simplement admises ou « reconnues ».

sans quoi le processus (le démonstrationn'aurait rien sur quoi s'exercer et ne pourrait même pas commencer. L'« invincibilité » d'une démonstration dépend donc de l'« invincibilité » des prémisses sur lesquelles elle repose, deleur caractère « reconnu » ou admis par tous, de leur universalité.

Et en particulier, l'objection que me faitl'adversaire devra être considérée comme incontournable, irréfutable, si elle repose en dernière analyse sur lesmêmes vérités reconnues sur lesquelles repose me propre thèse.L'autre condition pour que la démonstration que l'on m'oppose soit réellement « invincible », c'est que la forme duraisonnement soit irréprochable, c'est-à-dire que l'enchaînement des propositions soit véritablement nécessaire.« S'il y a une telle objection » – c'est-à-dire une objection invincible – « contre notre thèse, il faut dire que lafausseté de cette thèse est démontrée.

» Leibniz applique ici le principe (le contradiction, qui est l'un des principesfondamentaux de toute la logique.

« Il ne peut se faire, écrit-il, qu'il y ait une objection invincible contre la vérité.

»L'admettre, ce serait en effet admettre qu'une même proposition puisse être vraie et fausse à la fois, que la raisonpuisse démontrer à la fois sa vérité et sa fausseté.

Il est impossible que la raison se contredise elle-même.Admettre en effet une seule exception au principe de contradiction, accepter qu'il y ait un domaine, ou mêmeseulement une vérité, auxquels il ne s'applique pas, ce serait le ruiner définitivement, s'interdire désormais derecourir, jamais, à la raison.

Celui qui annonce qu'il persistera à tenir pour vraie une thèse tout en reconnaissant lui-même que la raison permet de démontrer de façon « invincible » qu'elle est fausse, celui-là s'interdit désormaisd'user en quoi que ce soit du raisonnement.

Il ne dispose plus, dès lors, d'aucun critère lui permettant de distinguerle vrai du faux, ni d'aucun moyen d'entrer en communication avec autrui pour le convaincre.

Vouloir ménager une «exception » à la raison, c'est la récuser purement et simplement.

La raison règne sur tout ou elle ne règne sur rien. User de la raison, c'est s'élever au point de vue universel qui rend possible la compréhension entre les hommes.

Userde la raison.

c'est comprendre que la valeur logique et la force d'un argument n'ont rien à voir avec la question desavoir si c'est l'un ou si c'est l'autre qui l'utilise, s'il est employé à titre de démonstration ou d'objection à l'égard demes propres thèses.

La raison n'est pas, comme le pensaient les sophistes, un instrument permettant de faireprévaloir mes propres vues.

User de la raison oblige : la raison est exigence de rigueur, de cohérence etd'impartialité.

On ne peut l'employer à des fins polémiques afin de soutenir ses thèses, pour aussitôt après la récuserpour préserver des croyances qui seraient, elles, irrationnelles.

Mais dire que la raison règne sur tout ne veut pasdire qu'elle ait ni.

qu'elle donne accès à tout, qu'elle permette de tout comprendre, qu'elle n'admette pas de limite,ni qu'elle soit notre seul mode d'accès au réel et l'unique moyen de notre appréhension du monde.

Cela signifieseulement qu'aucune affirmation ne peut, en se soustrayant au libre examen des principes qui gouvernent la raison,prétendre au nom de vérité.

LEIBNIZ (Gottfried Wilhelm). Né à Leipzig en 1646, mort à Hanovre en 1716. Il étudia les mathématiques à Iéna, la jurisprudence à Altdorf et la chimie à Nuremberg.

En 1667, il rencontra lebaron Jean-Christian de Boinebourg, et commença de s'intéresser à la politique et aux hautes mathématiques.

En1672, il fut chargé d'une mission auprès de Louis XIV, pour engager celui-ci à conquérir l'Egypte.

Il fit un voyage àLondres et commença d'entretenir une correspondance suivie avec les plus grands esprits de son temps.

Il tenta,dans ses lettres à Bossuet, d'aboutir à la réunion des Eglises chrétiennes.

Au terme de longs travaux, il constitua lecalcul intégral (29 octobre 1675) et le calcul différentiel (1er novembre 1675).

En 1676, il quitta Paris pour Hanovre,où il devint bibliothécaire du duc de Brunswick-Lunebourg.

Il soutint les droits des princes allemands dans l'Empire en1678, préconisa un plan qui permît à Pierre le Grand de faire bénéficier ses peuples de la civilisation occidentale, etpublia un recueil de droit des gens.

Il mourut en novembre 1716, et n'eut que son secrétaire pour accompagner aucimetière sa dépouille mortelle.

En relations avec l'Europe entière, homme d'une culture universelle, Leibniz futmathématicien, philosophe, juriste, historien et fondateur de la critique historique, géologue, ingénieur et théologien.Il institua l'Académie de Berlin.

— Il se révéla, d'abord, disciple de Descartes.

Puis, ses réflexions sur le dogmeluthérien de la présence réelle et sur la transsubstantiation de la doctrine catholique l'incitèrent à chercher unenouvelle théorie de la substance.

Ce n'est pas l'étendue, c'est la force, qui constitue l'essence des corps.

Il fautfaire l'inventaire des faits scientifiques, s'attacher à leur « définition nominale », s'attacher plus à l'apparence qu'àl'essence.

La « définition réelle » démontre la possibilité de l'essence et permet de distinguer possibilité logique etpossibilité d'existence.

— Leibniz pose le principe de contradiction et le principe de raison suffisante : rien n'a lieusans raison.

Le but final de cette recherche est d'atteindre l'absolu.

La raison est la source des possibles.

UneVolonté choisit parmi ceux-ci : c'est Dieu, « dont l'entendement est la source des essences et la volonté l'origine. »

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