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"La littérature ne nous offre peut-être que l'illusion d'ouvrir une porte derrière laquelle il y a une autre porte. Pourtant, cela aussi c'est la force de la littérature: la force de l'illusion, la force du rêve." Antonio TABUCCHI.

Publié le 29/09/2010

Extrait du document

illusion

I. La littérature est une illusion, mais c'est sa force

  1. La pratique de la lecture

  2. Les sujets et les thèmes

  3. La force du rêve

II. Le réalisme : critique du monde clos

  1. La critique du caractère illusoire

  2. La littérature engagée

  3. L'illusion de la littérature autonome

III. L'idéalisme : révélation de la réalité par l'illusion

  1. La vérité sur le monde d'un auteur

  2. Le lecteur trouve les clefs du réel

  3. L'aller retour entre rêve et réalité

 

illusion

« artificielle, qu'il est obligé de mener à Rome.

Ce sonnet* signale moins une région de France où il serait simple deretourner que le rôle de la poésie de transporter par la magie des mots dans l'existence que le poète choisit.

Sapratique de l'écriture se fonde sur une nostalgie profonde et un désir d'évasion.

Les pièces de théâtre recomposentaussi à leur manière une micro-société dont les règles sont sans commune mesure avec les lois en vigueur : c'esttout particulièrement évident dans la tragédie classique qui suit le principe des trois unités, unités de temps, de lieuet d'action, et concentre ainsi tous les événements qui la constituent de façon artificielle par principe.

Lespectateur de Bérénice de Racine se retrouve dans un Orient qui n'a jamais existé et qui sert uniquement de prétexte à une étude des personnages et des passions.

Le dramaturge s'oppose d'autant plus délibérément à laréalité, présente ou passée, qu'à l'origine les acteurs portaient pour jouer les vêtements de leur temps, sans sesoucier des habitudes romaines. Quel que soit le genre littéraire en cause, il semble donc clair que la littérature contribue à nourrir les rêves dulecteur : elle éveille surtout les forces de son imaginaire et répond à son désir de s'échapper du monde matériel.

Ellel'élève au-dessus des contingences et le place dans un temps et un espace improbables, celui des mots.

Ce pouvoirde la littérature, qui nous saisit et nous arrache à nous-mêmes, a quelque chose de magique.

Les livres savent créerun monde sans rapport avec le nôtre, un monde tel que nous le rêvons, où les héros sont des héros véritables(l'Achille homérique en est le meilleur exemple), où la beauté existe ; à chaque fois, l'auteur pose au préalable lesrègles qu'il va suivre, soit qu'il s'inscrive dans un genre littéraire particulier qui lui impose certaines contraintes, soitqu'il ait une pleine liberté de composition, si bien que le lecteur a la satisfaction de trouver un sens, pourvu qu'il necherche pas de rapport avec la réalité qu'il vit. *** Mais est-il vrai qu'il ne faille voir dans la littérature qu'un ? N'est-il pas cependant un peu trop restrictif de définir lemonde des livres comme un monde autonome, sans rapport avec la réalité, et seulement destiné à apporter du rêve,de l'évasion, l'oubli en somme? De fait, même si les person nages ne correspondent pas exactement à des individus que l'on peut rencontrer dans une expérience commune, ils procèdent cependant d'une analyse de l'auteur, qu'ilreprenne exactement les traits d'une personne qu'il a personnellement connue ou qu'il fabrique une entité à partir deplusieurs êtres réels : le per sonnage du narrateur dans A la recherche du temps perdu de Marcel Proust représente assez directement l'auteur, comme le prouve la première personne qu'il emploie.

A l'inverse, la figure du peintre dans L'Œuvre de Zola s'inspire de Cézanne certes, mais concentre encore toutes les idées que le romancier se fait d'un certain type de créateurs, qu'il critique.

De même, les situations même les plus romanesques proviennent toujoursd'une observation vécue, d'un exemple que l'auteur a pu lire ou d'un fait historique. Le monde de la littérature est donc de toute évidence le même que celui que nous vivons, en ce qu'il ne parle quede ce monde-ci.

On a pu dire que le roman balzacien, quoique les personnages fussent fictifs, décrivait la sociétéfrançaise de la première moitié du >axe siècle avec plus de force réaliste que n'importe quel livre d'histoire àvocation scientifique et objective: La Comédie humaine, de Balzac, donne véritablement des clefs pour comprendre la progression de la bourgeoisie, l'importance croissante laissée à l'argent et la manière dont se constituaient lesfamilles au lendemain de l'épopée napoléonienne. S'agissant d'un texte poétique, la constatation s'impose qu'il ne pose pas un monde en dehors du monde, même s'illaisse une très grande part à l'imaginaire et que sa forme, très travaillée, ne ressemble en rien à la pratique utilitairede la langue quotidienne.

Le poème est une sensibilité qui décrit des émois, des passions, des souffrances.

La poésiede Vigny est tout entière tournée vers le monde, et énonce une véritable sagesse.

Le poète ne manque pas dedépeindre la difficulté qu'il y a à exister et la nécessité qui en découle d'adopter une position stoïque pour garderson honneur et sa dignité d'homme : quand, à la fin de « La Mort du loup », il se sert du procédé de la prosopopée*pour conseiller un art de vivre (« Souffre et meurs sans parler »), il ne s'agit vraiment pas de créer un monded'illusion, mais au contraire la poésie est un moyen pour instruire le lecteur et lui donner une morale. Antonio Tabucchi semble en outre négliger qu'il existe une littérature engagée : pour des auteurs comme AlbertCamus, le livre ne doit surtout pas distiller l'oubli : la littérature n'est pas du divertissement, un plaisir à consommer,mais le lieu où s'élabore une réflexion tournée vers l'action.

Loin du modèle d'une pièce de théâtre qui apporterait unpur délassement, capable de provoquer l'évasion mais paraîtrait assez stérile en profondeur humaine et sociale, Les justes organisent une réflexion sur l'attentat terroriste et la violence, modernisant d'une manière très stimulante le débat ancien sur le rapport politique entre la fin et les moyens et analysant l'éternelle lutte entre la pureté et lacorruption.

Mais le propos n'est pas seulement d'expliquer au spectateur ce qu'il faut penser, mais surtout de luiprésenter les faits de manière assez mesurée pour qu'il forme lui-même son jugement et apprenne ensuite àl'appliquer dans la vie réelle. Il n'en est pas autrement des Châtiments de Victor Hugo qui, fulminant contre Napoléon III parce qu'il a accédé au pouvoir par un coup d'État, appellent le peuple trahi à se soulever contre le tyran et à instaurer un régime de libertéet de démocratie.

On peut encore citer Agrippa d'Aubigné dont Les Tragiques sont parfois de véritables insurrections verbales contre les catholiques assimilés à des forces sataniques pour avoir lancé les guerres deReligion.

Il importe en fait assez peu que l'action se déroule à l'époque contemporaine ou que l'auteur choisisse de laplacer dans un autre contexte historique, car l'exotisme ou le décalage chronologique sont le plus souvent destravestissements qui permettent de parler plus directement de l'époque présente.

Quand Jean Giraudoux, en 1938,écrit La guerre de Troie n'aura pas lieu, il est sûr qu'il s'intéresse moins à l'histoire antique qu'à l'imminence de la guerre qui menaçait l'Europe.

L'évasion ramène donc toujours à la réalité, « comme un miroir », pour reprendre. »

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