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Le Livre De Ma Mère D'Albert Cohen, Extrait "Ô Mon Passé"

Publié le 12/09/2006

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Depuis Montaigne et ses Essais, de nombreux auteurs se sont essayés à l'écriture autobiographique. C'est ici le cas, dans l'extrait du Livre de ma mère d'Albert Cohen. Ce livre, publié en 1954 est, bien évidemment, une autobiographie, mais également une ode émouvante à sa mère, à laquelle il vouait un amour inconditionnel. Quand à l'extrait étudié, il dresse la liste de tout ce que l'auteur associe à son enfance, qu'il regrette. Nous pouvons donc nous interroger sur ce qui fait de ses premières années un tel enchantement. Pour cela, nous étudierons dans un premier temps l'épanouissement de l'auteur puis dans un second temps, le regret dû à la perte des plaisirs de sa jeunesse. Tout d'abord, ce qui prévaut dans ce texte est l'apparent désordre des souvenirs qui semblent couchés sur le papier au fur et à mesure des réminiscences de l'auteur, mais également - et surtout - l'effervescence des sens. Nous pouvons par exemple relever quelques références au sens olfactif telles que :"odeurs, naphtalines" ligne 4, ainsi que de nombreux recours au goût : "confitures, tisanes" ligne 2 ; "sirop d'orgeat" ligne 9 ; "gelées de coings" ligne 7 ; "dindes de Noel" ligne 9 ; "bonbons à fleurettes" ligne 10 ; "goûters de pain et de chocolat" ligne 16. Les souvenirs gais qu'Albert Cohen conserve de son enfance sont donc liés aux sensations agréables qu'il a ressenties. Puis, l'ambiance quelque peu festive du texte est donné par un vocabulaire approprié : "bougies roses" ligne7 ; "anniversaires" ligne 8 ; "lettres du Nouvel An" ligne 9 ; "dindes de Noel" ligne 9 ; "balançoires des foires" ligne 12 ; "cirque Alexandre" ligne 13, et l'impression de confort se dégage des expressions suivantes : "conforts" ligne 2 ; "petits chats rassurants" ligne 2 ; "veilleuse de porcelaine" ligne 4 ; "convalescences chéries" ligne 8. De plus, l'énumération à la ligne 2 : "tisanes, pâtes pectorales, arnica" montre bien qu'il s'agit d'un enfant choyé, habitué à être soigné. Enfin, le vocabulaire bienveillant et affectueux qu'utilise l'auteur pour qualifier certains de ses souvenirs prouve qu'il fut épanoui : "ma petite enfance" ligne 1 ; "ô chambrette" ligne 1 ; "petites baisers" ligne 5 ; "mon ami un écureuil" ligne 7 ; "roses" ligne 7 ; "ours en peluche" ligne 8 ; "chéries" ligne 8 ; "petites mains" ligne 11. En outre, l'anaphore de "petit" à la ligne 19 : "petites paix, petits bonheurs" accentue cette impression de cocon. Albert Cohen était donc très heureux étant enfant, comme le prouvent ces qualificatifs affectueux. Mais ce n'est pas là tout ce qui rattache l'auteur à son enfance et qui le conduit à la nostalgie. En effet, les rituels enfantins décrits dans ce texte rendent plus compréhensible le regret qu'il éprouve, puisque toutes ces petites habitudes : "journaux illustrés du jeudi" ligne 8 ; "attente des vacances" ligne 11 ; "j'arrachais toujours la croûte trop tôt" ligne 12 ; "cahiers neufs de la rentrée" ligne 14, dont certaines liées à sa mère : "baisers de Maman" ligne 5 ; "chansons de Maman" ligne 18 ; "gâteaux de Maman, sourires de Maman" ligne 20 ; "après avoir bordé mon lit" ligne 5-6 ; "cirque Alexandre où elle me menait une fois par an" ligne 13 ; "leçons qu'elle me faisait repasser le matin" ligne 18 ; "heures passées à la regarder cuisiner avec importance" ligne 19 sont autant de plaisirs que l'on rechigne à quitter lorsqu'on sort de l'enfance. C'est donc ce regret qui est exprimé dans l'extrait, que l'on pourrait par ailleurs qualifier d'ode. C'est en premier lieu les apostrophes qui permettent ce rapprochement : "ô mon passé" ligne 1 ; "ô chambrette" ligne 1 ; "ô mon enfance" ligne 7 ; "ô tout ce que je n'aurai plus, ô charmes, ô sons morts du passé" lignes 20-21. L'auteur interpelle son enfance, et se lamente. Le registre lyrique est en outre renforcé par un champ lexical funèbre : "ô sons morts du passé" ligne 21 ; "fumées enfouies et dissoutes saisons" ligne 21 ; "ma mort approche" ligne 22. Albert Cohen aurait voulu rester enfant, pour les joies et le réconfort qu'apporte cette période. Et enfin, ce texte est évidemment une autobiographie. La présence du "je" de l'enfant et indéniable : "j'allais faire mon petit voyage" ligne 6 ; "j'arrachais la croûte" ligne 18. De plus, l'imparfait itératif et la liste des habitudes viennent renforcer l'évocation du passé. Mais ce qui trouble est ce retour brusque, abrupt même et froid au "moi" de l'adulte lorsqu'il écrit : "ma mort approche" ligne 22. C'est un retour dans la réalité qui fait naître le regret chez le lecteur, pour qui s'interrompt ce charmant inventaire. En effet, après le récit enchanteur d'une enfance barriolée, il ne peut qu'être déstabilisé et comprend alors la tristesse qu'Albert Cohen ressent. Après l'étude de ce texte, nous pouvons conclure que l'auteur a voulu rendre hommage à sa mère qui a contribué à la création d'un environnement innocent et heureux autour de son fils, et dont nous pouvons lire ici le récit. Cependant, Albert Cohen traduit également le désespoir qui l'étreint lorsque, se remémorant ces moments, il se lamente du temps joyeux et sans souci, qui s'éloigne. L'inéluctabilité de la mort, et par conséquent le départ de l'enfance l'attristent. Mais ce texte diffuse nonobstant une impression de chaleur, agréable et douce, comme celle insufflée par Colette dans le livre qu'elle a également dédié à sa mère : Sido.

 

 

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