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Lucrèce: Pièté et Religion

Publié le 23/03/2005

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religion
La piété, ce n'est pas se montrer à tout instant couvert d'un voile et tourné vers une pierre, et s'approcher de tous les autels ; ce n'est pas se pencher jusqu'à terre en se prosternant, et tenir la paume de ses mains ouvertes en face des sanctuaires divins ; ce n'est point inonder les autels du sang des animaux, ou lier sans cesse des voeux à d'autres voeux ; mais c'est plutôt pouvoir tout regarder d'un esprit que rien ne trouble. Car lorsque, levant la tête, nous contemplons les espaces célestes de ce vaste monde, et les étoiles scintillantes fixées dans les hauteurs de l'éther, et que notre pensée se porte sur les cours du soleil et de la lune, alors une angoisse, jusque-là étouffée en notre coeur sous d'autres maux, s'éveille et commence à relever la tête : n'y aurait-il pas en face de nous des dieux dont la puissance infinie entraîne d'un mouvement varié les astres à la blanche lumière ? Livré au doute par l'ignorance des causes, l'esprit se demande s'il y a eu vraiment un commencement, une naissance du monde, s'il doit y avoir une fin, et jusqu'à quand les remparts du monde pourront supporter la fatigue de ce mouvement inquiet ; ou bien si, doués par les dieux d'une existence éternelle, ils pourront prolonger leur course dans l'infini du temps et braver les forces puissantes de l'éternité ? Lucrèce

La possibilité de la mortalité des mondes pourrait éventuellement nous libérer de la crainte des dieux, et donc de la superstition. Il faut pour cela élaborer une connaissance de la nature. D'où le titre du traité de Lucrèce, dont le texte est tiré : De la nature. L'intérêt philosophique de ce texte tient sans doute à ce qu'il dévoile progressivement les ressorts de la croyance humaine en l'influence divine. L'angoisse est telle qu'elle nous jette dans les bras de la superstition. Elle renverse l'attitude sereine par laquelle nous pourrions prendre conscience de notre ignorance des causes naturelles. D'une certaine façon, nous avons affaire à un cercle vicieux : la sérénité est nécessaire à l'aveu de l'ignorance, mais la sérénité n'est atteinte que par qui a pu échapper à l'ignorance responsable de l'angoisse.

 

religion

« culte et croyance authentique ne s'impliquent pas mutuellement. C.

La vraie piétéLa vraie piété se définissant par une sérénité de l'esprit, elle peut se passer de tous ces signes.

Le sentimentreligieux ne réside pas dans ses manifestations extérieures.

Il se définit donc par opposition à elles.

Or celles-ci secaractérisent par l'agitation.

Cette agitation est physique, elle se lit dans l'apposition des verbes qui suggèrent desmouvements du corps fébrilement répétés.Cette agitation physique est synonyme d'une agitation de l'esprit.

La dernière forme de superstition nous le montre :ajouter des voeux aux voeux n'est certes pas une agitation corporelle.

Mais si nous nous agitons ainsi fébrilement,c'est parce que nous voulons conjurer le sort que les dieux nous réservent, infléchir leurs volontés, modifier lerapport établi entre eux et nous.

Nous cherchons par ces gestes à amadouer les dieux, et ce souhait (ce voeu) estle motif, toujours renouvelé, du culte.Autrement dit, les rituels, les gestes, le culte ont pour origine le souci de nous concilier les dieux.

La superstition apour origine profonde un souci, un « trouble », une agitation de l'esprit.

Par opposition, le sentiment religieuxconsistera à échapper à ce souci, à « tout regarder d'un esprit que rien ne trouble », à supprimer l'agitation.La racine de la superstition est une agitation de l'esprit.

Cette agitation, cette inquiétude, doit avoir une premièrecause, qu'il s'agit à présent de déceler. 2.

L'inquiétude a pour cause la passion que suscite en nous l'éventualité d'une présence du divin A.

La passion d'angoisseLa deuxième partie du texte indique une première cause de cette inquiétude ; elle consiste dans une passion :l'angoisse.

Il ne s'agit pas d'une simple peur mais d'une passion plus radicale, qui porte sur l'origine de notre être.

Lapeur est toujours peur d'un objet que l'on peut s'efforcer de fuir ou de détruire.

Nous ne saurions par contre détruirel'objet de l'angoisse, ou le fuir.II faut bien préciser l'objet de cette angoisse.

II ne s'agit pas d'un simple vertige lié à l'immensité de la nature nid'une inquiétude face à la faiblesse de notre pensée.

Ces deux éléments ont simplement un rôle d'occasion et derévélateur ; ils ne font que révéler l'angoisse, qui a un autre objet : l'existence éventuelle de dieux qui répondraientdu fonctionnement de l'univers. B.

Le motif de l'angoissePourquoi cette angoisse ? Si des dieux répondent du cours des astres, ils répondent également des choses quiexistent, au nombre desquellesnous sommes.

Si les dieux sont à l'origine de notre être, sans doute attendent-ils de nous quelque chose, du moinsdevons-nous répondre devant eux de ce que nous faisons de nous-mêmes.

Aussi l'angoisse tient-elle à ce que,découvrant éventuellement notre origine, nous découvririons également l'étendue de notre soumission et nos devoirsà l'égard de la « puissance infinie » des dieux.

Nous découvrons que nous avons des comptes à rendre à ceux quisont à l'origine de notre être, et qui peuvent détruire ce qu'ils ont produit. C.

Angoisse et fuite de l'ignoranceNous supposons que des dieux président au cours régulier des astres.

Cela provient de ce que nous prononçons unjugement sur leur existence alors que nous sommes plongés dans l'ignorance des causes des révolutions sidérales,et que nous ne voyons pas ce qui, en dehors des divinités, pourrait expliquer ce cours des astres.

Noustransformons subitement notre ignorance en croyance, et cette croyance en angoisse. 3.

L'angoisse implique l'ignorance des causes qui répondent du spectacle de la nature A.

La précipitation du jugementL'angoisse provient de l'éventualité d'une présence divine, à qui nous devrions rendre des comptes sur notreexistence.

Cette angoisse est la première forme de l'agitation de l'esprit : la superstition provient de la peur desdieux.Mais si l'on examine plus attentivement la situation, nous voyons que rien ne nous oblige à affirmer que des dieuxprésident bien aux destinées des hommes.

Nous sommes seulement ignorants des causes.

Simplement, face àl'hypothèse de la présence divine, il est difficile de garder son calme et d'avouer que nous ne savons pas si la natureest le fruit d'une action divine ou non. B.

Ignorance et sérénitéL'angoisse recouvre le doute, mais supporter le doute est le premier moment de la mise en échec de l'angoisse.

Enrefusant que l'angoisse ne décide du crédit que nous devrions apporter à l'hypothèse d'une présence divine, l'auteurrestitue la situation antérieure, celle de l'ignorance.

Cette façon de faire suppose qu'on triomphe déjà quelque peude l'agitation que suscite en nous l'hypothèse en question.Le doute est relatif à deux possibilités, à une alternative dans l'explication des phénomènes : il marque uneprogression vers la connaissance, ce que la passion d'angoisse ne permettait pas.

Celle-ci enferme une ignorancequi ne veut pas s'avouer, et a immédiatement recours à la croyance.

La première cause de la superstition estl'ignorance, et reconnaître l'ignorance c'est commencer à regarder les choses sereinement, donc être pieux. C.

Deux hypothèses pour expliquer l'universLes deux hypothèses en présence sont donc la mortalité ou l'éternité des mondes.

L'éternité des mondes impliqueraitl'origine et la présence divines, tandis que l'hypothèse d'un monde emporté dans le mouvement du changement. »

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