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La lutte à mort pour la reconnaissance d'autrui ?

Publié le 15/02/2004

Extrait du document

Pour que je me comprenne comme conscience de soi, autre chose qu'un simple animal, il faudra que mon désir porte sur autre chose qu'un simple vivant naturel : il faudra que mon désir porte sur un autre  désir, sur un homme.Il faudra que je prouve que je dépasse le simple stade vital, que je ne suis pas un simple vivant, donc que je coure le risque de ma mort, pour prouver mon indépendance à l'égard de la vie. Il sera donc nécessaire que je montre à moi-même et à l'autre que je ne me confonds pas avec l'animalité, le souci de la vie.La conscience d'être homme ne se prouve et ne s'éprouve que face à  un autre homme, dans le rapport entre deux consciences.Reste à comprendre pourquoi cette reconnaissance prend la forme d'une lutte à mort.D'une part la différence entre l'animalité et  l'humanité, je ne peux la faire qu'en prenant un autre à témoin, qu'en montrant ma liberté face à la vie.Or, on ne connaît pas autrui par science immédiate. Autrui  surgit face à moi, si l'on peut dire, comme un objet : les deux êtres qui surgissent face à face sont sûrs de leur conscience, mais non de celle  de l'autre. Il faut donc prouver à l'autre mon caractère de conscience : je dois mettre ma vie en jeu.« Chacune [des deux consciences] est bien certaine de soi-même, mais non de l'autre, et  ainsi sa propre certitude de soi n'a aucune vérité [.

« Mais, par le travail, l'Esclave transforme le monde, lui donne la form e de son activité.

Il peut se reconnaître dans ce m onde effectivementtransformé par lui et qui porte la m arque de son intériorité.

Il peut ainsi jouir de lui-m ême com me d'une réalité extérieure et accéder à unecertaine reconnaissance de soi et à la dignité.

Il se libère aussi de sa propre nature, en particulier de son angoisse de la m ort qui le liaitau monde sensible.

Tandis que le Maître qui ne travaille pas dépend de l'Esclave et ne produit rien en dehors de lui.

Sa jouissancen'intéresse personne, elle reste purem ent subjective, elle est privée de vérité objective.

Certes, il est reconnu par l'Esclave, m ais il nepeut être satisfait par une telle reconnaissance, car l'Esclave n'est qu'une chose. En libérant l'Esclave du monde sensible, le travail l'a libéré de lui-m ême, de sa propre nature d'Esclave.

Il lui suffit de se faire reconnaîtrepar le Maître pour que s'établisse la reconnaissance m utuelle : « Ils se reconnaissent comme se reconnaissant m utuellement ». Cette dialectique hégélienne du conflit des consciences qui se trouve dans « La phénoménologie de l'esprit » et dans « Propédeutique philosophique », a été popularisée par Kojève et est devenue célèbre.

Elle signifie que toute conscience ne peut se poser qu'en s'opposant à ce qui n'est pas elle, m ais que le conflit n'est qu'un moment qui, com me tel, est destiné à être dépassé.

Iln'y a de véritable reconnaissance de soi que lorsque les consciences se reconnaissent m utuellement et réciproquem ent comme libres etautonom es. « Pour se faire valoir et être reconnue comme libre, il faut que la conscience de soi se représente pour une autrecomme libérée de la réalité naturelle présente.

Ce moment n'est pas moins nécessaire que celui qui correspond à laliberté de la conscience de soi en elle-même.

L'égalité absolue du Je par rapport à lui-même n'est pas une égalitéessentiellement immédiate, mais une égalité qui se constitue en supprimant l'immédiateté sensible et qui, de la sorte,s'impose aussi à un autre Je comme libre et indépendante du sensible.

Ainsi la conscience de soi se révèle conformeà son concept et, puisqu'elle donne réalité au Je, il est impossible qu'elle ne soit pas reconnue. Mais l'autonomie est moins la liberté qui sort de la présence sensible immédiate et qui se détache d'elle que, bien plutôt, la liberté au sein de cette présence.

Ce moment est aussi nécessaire que l'autre, mais ils ne sont pas d'égalevaleur.

Par suite de l'inégalité qui tient à ce que, pour l'une des deux consciences de soi, la liberté a plus de valeur que laréalité sensible présente, tandis que, pour l'autre, cette présence assume, au regard de la liberté, valeur de réalitéessentielle, c'est alors que s'établit entre elles, avec l'obligation réciproque d'être reconnues dans la réalité effective etdéterminée, la relation maîtrise-servitude, ou, absolument parlant, servitude-obéissance dans la mesure où cettedifférence d'autonomie est donnée par le rapport naturel immédiat. Puisqu'il est nécessaire que chacune des deux consciences de soi, qui s'opposent l'une à l'autre, s'efforce de se manifester et de s'affirmer, devant l'autre et pour l'autre, comme un être-pour-soi absolu, par là même celle qui a préféréla vie à la liberté, et qui se révèle impuissante à faire, par elle-même et pour assurer son indépendance, abstraction de saréalité sensible présente, entre ainsi dans le rapport de servitude.

» Hegel , « Propédeutique philosophique ». C'est dans l'un des plus fameux passages de la « Phénoménologie de l'esprit », qui décrit la lutte à mort pour la reconnaissance avant que d'aborder la dialectique du maître et de l'esclave, que Hegel déclare : « C'est seulement par le risque de sa vie que l'on conserve la liberté. » Hegel entend montrer que la rencontre avec autrui prend logiquement la forme d'un conflit, d'une lutte, dont le risque est la mort et l'enjeu la reconnaissance par l'autre de mon humanité. Pour ne pas méconnaître l'enjeu de la « lutte à mort pour la reconnaissance », il faut savoir que la « Phénoménologie » envisage de décrire le mouvement logique du développement de la conscience, cad les expériences, le mouvement par lequel la conscience s'éduque. Il est donc toujours dangereux d'isoler un chapitre du texte, puisque « le vrai est le tout », que chaque étape n'est qu'un moment dont la compréhension exigerait la connaissance de l'ensemble du processus.

Il faut d'autre part prévenir unautre contresens possible.

Hegel n'entend pas décrire un épisode réel de l'histoire humaine, et il ne faut pas s'imaginer deux individus surgissant face à face et engageant une lutte.

Il s'agit bien plutôt d'une genèse logique de la rencontreavec autrui. Hegel souhaite montrer que, dans la mesure où l'homme accepte de risquer sa vie pour quelque chose, il pose qu'il n'est pas seulement un simple être vivant, sensible, fini.

Il pose que l'homme ne se réduit pas à la simple animalité et ausouci de la conservation de soi.

En quelque sorte le risque de la mort est la pierre de touche de nos valeurs, car enrisquant sa vie, l'homme montre que ce pourquoi il la risque a plus de valeur qu'elle, et qu'il se définit et s'éprouve commeautre chose qu'un simple vivant. Plus précisément, l'idée maîtresse de Hegel dans ce passage est la suivante : l'homme n'accède à la véritable consciente de son humanité que lorsqu'elle est reconnue par un autre.

L'homme doit faire la preuve de son humanité, et ilne peut la faire qu'en engageant une lutte à mort avec un autre homme.

C'est en acceptant le risque de sa mort qu'ilprouve que sa reconnaissance comme conscience, comme autre chose qu'un simple animal, vaut plus que par sa simplesurvie.

Etre homme, c'est donc pouvoir mettre en jeu sa propre vie pour prouver la valeur même de son existence, c'estpourquoi cette lutte est à la fois nécessaire et absurde.

L'essentiel est que la conscience de soi véritable requière lamédiation d'un autre homme : être conscient de soi-même comme être humain, c'est être reconnu comme homme par un. »

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