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MALEBRANCHE et l'amitié

Publié le 18/04/2009

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malebranche
Lorsqu'on est riche et puissant, on n'en est pas plus aimable, si pour cela on n'en devient pas meilleur à l'égard des autres par ses libéralités, et par la protection dont on les couvre. Car rien n'est bon, rien n'est aimé comme tel, que ce qui fait du bien, que ce qui rend heureux. Encore ne sais-je si on aime véritablement les riches libéraux, et les puissants protecteurs. Car enfin ce n'est point ordinairement aux riches qu'on fait la cour, c'est à leurs richesses. Ce n'est point les grands qu'on estime, c'est leur grandeur ; ou plutôt c'est sa propre gloire qu'on recherche, c'est son appui, son repos, ses plaisirs. Les ivrognes n'aiment point le vin, mais le plaisir de s'enivrer. Cela est clair : car s'il arrive que le vin leur paraisse amer, ou les dégoûte, ils n'en veulent plus. Dès qu'un débauché a contenté sa passion, il n'a plus que de l'horreur pour l'objet qui l'a excité ; et s'il continue de l'aimer, c'est que sa passion vit encore. Tout cela, c'est que les biens périssables ne peuvent servir de lien pour unir étroitement les coeurs. On ne peut former des amitiés durables sur des biens passagers, par des passions qui dépendent d'une chose aussi inconstante qu'est la circulation des humeurs et du sang ; ce n'est que par une mutuelle possession du bien commun, la Raison. Il n'y a que ce bien universel et inépuisable, par la jouissance duquel on fasse des amitiés constantes et paisibles. Il n'y a que ce bien qu'on puisse posséder sans envie, et communiquer sans se faire tort. MALEBRANCHE

Pour l'auteur "lorsqu'on est riche et puissant on n'en est pas plus aimable". Par cela, il veut dire que le coeur d'un homme ne s'emballe pas à la simple vue d'un millionnaire si par ailleurs il n'apprécie pas ce qu'il est. A cette affirmation l'auteur apporte une première explication. Il ajoute effectivement une condition à sa thèse. Il dit donc que les qualités individuelles (la richesse, la beauté, la puissance, la jeunesse... ) d'un homme ou d'un objet ne le rende pas plus à même à être aimé, "si pour cela [il] n'en devient pas meilleur à l'égard des autres par ses libéralités, et par la protection dont [il] les couvre.". Ainsi, selon lui, les qualités individuelles si elles n'apportent pas plus de bonheur au groupe, à la collectivité, ne peuvent être source d'amour au sein du collectif.    Supposons, que je sois un homme politique ayant un poste important au sein de la gouvernance de l'Etat. Je suis puissant et riche (au moins par rapport à la majorité des citoyens). Si, au lieu de financer la construction d'écoles, de biens directement liés aux citoyens, je préfère financer des activités aérospatiales, je risque de ne pas être très apprécié. Peut-être le serais-je encore moins que si j'étais plombier, que si j'avais un revenu dix fois moins élevé, et que si mon pouvoir était presque inexistant. Ceci peut paraître paradoxal mais c'est la vérité, au moins proportionnellement. En effet, le plombier nous apporte plus de bonheur que l'homme politique. C'est ce qu'explique l'auteur quand il ajoute à la suite du premier argument dont nous avons déjà parlé, "car rien est bon, rien est aimé comme tel, que ce qui fait du bien, que ce qui rend heureux.". "Comme tel" renvoie à l'amour de l'être, du sujet et non pas à ses qualités superficielles et définies. Par ce raisonnement, on comprend aisément que le plombier soit plus aimé proportionnellement. Par rapport à l'homme politique dont la vie est rythmée, entraînée, par la soif de pouvoir, celle du plombier est davantage axée sur des connaissances saines des objets et des personnes qui l'entourent. Les relations qu'il entretient sont sincères, comme libérées des perversions causées par l'envie par exemple. L'homme politique est plus à même à avoir ce genre de relations perverties puisqu'elles sont, pour la plupart, toutes liées à cette soif de pouvoir.  

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