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N'y a-t-il aucune vérité dans le mensonge ?

Publié le 04/01/2004

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mensonge

N'existe-t-il aucune adéquation du jugement et du réel au sein de l'assertion faite dans l'intention de tromper ? La pratique de la fausseté et de l'artifice, l'assertion voulant tromper produisent-elles seulement du non-être et de l'illusion ? Mais la réalité et Villusion ne se confondent-elles pas ? Ne serait-ce pas le langage qui, démiurgique et producteur d'illusions, formerait l'accès au réel ? Le problème est, en définitive, de savoir si le langage n'est pas aussi pouvoir.

La vérité, c'est énoncer le vrai. Le mensonge, c'est énoncer le faux en sachant ce qui est vrai. Vérité et mensonge sont antithétiques. Mais au-delà du mensonge, et peut-être dans le mensonge même, n'y a-t-il pas la persistance d'une vérité puisque le mensonge n'a de sens que par rapport à la vérité ?

Au sein du mensonge, discours fait dans l'intention de tromper, assertion sciemment contraire à la vérité, n'existe-t-il aucune adéquation du jugement et du réel ? Quand je trompe mon interlocuteur, est-ce que mon discours se meut en dehors du jugement authentique ?  L'assertion mensongère ne produit-elle que du non-être ? de l'illusion ? Et si l'illusion et le réel se confondaient ? D'ailleurs le langage ne possède-t-il pas ici un rôle de démiurge ? N'est-il pas pouvoir suprême ? Tel est le problème. Quant à l'enjeu, ne se situe-t-il pas du côté de la pratique ? Ne devons-nous pas devenir grands maîtres ès illusion ?

mensonge

« B.

Le mensonge et le champ de l'« illusion-vérité » (antithèse) N'y a-t-il aucune vérité dans le mensonge ? À l'évidence, toute fiction mensongère crée un type de vérité, une «illusion-vérité », tout aussi puissante que la vérité proprement dite.Déjà, le simple mensonge de la vie quotidienne crée un type de réalité et de vérité.

Si je m'affirme plus riche et pluspuissant que je ne suis, j'introduis mon interlocuteur dans un champ de réalité auquel il est bien obligé de sesoumettre.

Il y a une positivité du mensonge, qui est vérité.

Dans la pièce de Molière, Tartuffe, l'imposteur engendreun univers où chacun se trouve finalement déplacé, entraîné dans un mouvement qui déborde l'imaginaire.

Le diremensonger est donc maître de vérité.

L'assertion sciemment contraire à la vérité n'engendre pas seulement du non-être, mais de l'être : elle fait vivre le non-être ! Quelle énigme que ce discours où l'on commence à débiter sonmensonge en tremblant et où, finalement, s'édifie quelque chose de vrai et de réel...

Mais il en est de même dans le« mensonge » artistique où la fiction invente un univers si vrai que le réel imite finalement la fiction.

L; art - cemensonge plus vrai que nature - projette des formes plus réelles que celles de la vie, de grands archétypesqu'imitent les choses existantes.

Ô vérité de l'art, car la vie humaine veut reproduire les merveilles de l'Art, lessouffrances de René ou de Werther...

Ici le mensonge de la fiction est si vrai que le héros artistique est en avancesur la vérité de la vie.

Le protagoniste de la tragédie ou du roman est la vérité etbeaucoup plus profondément que le réel.

Madame Bovary est infiniment plus véridique que les pâles humains quinous entourent.

Julien Sorel est là, présent, dans son immense orgueil d'humilié irréductible à toute ambition, dansson destin de petit prêtre promis à de hauts pouvoirs.

Mais Rastignac aussi est auprès de nous, des tristeschambres du début jusqu'à l'ascension sociale, où il devient Pair de France.Ainsi la vraie vie, la vérité authentique trouvent leur origine dans ce mensonge qu'est la création artistique : lafiction mensongère est la vie. Transition Toutefois, ne faut-il pas mieux comprendre, en profondeur, cette étrange « illusion-vérité » du discours mensonger ?Qu'il s'agisse des mots du roman ou des mots de la vie, pourquoi introduisent-ils au vrai ? C.

Le langage, champ de création totale, où s'unifient néant et être (synthèse) La vérité du mensonge serait incompréhensible sans la référence au pouvoir démiurgique du langage et des mots.Les mots inventent la réalité et la vérité, en eux s'unifient être et non-être.

Dire, c'est faire montre justement lephilosophe anglais Austin.

Il y a une vérité du mensonge parce que le discours détient une puissancethaumaturgique.

Il est magie, ensorcellement et envoûtement.

Quand je mens, quand je calomnie quelqu'un,attaquant sa réputation par des mensonges, mes mots créent paradoxalement le vrai.

Ils inventent le vrai etdéfigurent réellement.

Les mots envoûtent l'auditeur.

Ainsi mentir, c'est faire surgir une réalité nouvelle, faire jaillirun univers vrai.

Le langage mensonger crée la vérité et véhicule le vrai.

Quand un journaliste ment sur un fait, ilenvoûte parfois les foules et crée un nouvel univers, mixte d'être et de non-être.

C'est bien ce que, dans l'Antiquitégrecque, avaient compris les sophistes:« Le Discours est un grand tyran qui porte à leur achèvement les actions divines en de microscopiques élémentsmatériels qui sont perceptibles.

Il a la force de mettre un terme à la peur, d'apaiser la douleur, de produire la liesse,et d'inciter à la pitié.

[...] Les incantations enthousiastes, par le seul moyen de paroles, introduisent en nos âmes leplaisir, et en chassent la peine.

Car, en se mêlant à l'opinion dans l'âme, la force de l'incantation l'a charmée,persuadée et transportée par sa magie.

Deux arts de magie et de sorcellerie ont été inventés, qui sont les erreursde l'âme et les faux semblants de l'opinion.

» (Gorgias, Éloge d'Hélène, in J.-P.

Dumont, Les Sophistes, PUF). 3) Conclusion Le langage est le plus grand des pouvoirs, il peut; il est puissance et c'est la raison qui explique que le mensongepuisse être vérité.

Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose... Analyse du sujet Un sujet digne d'intérêt, à plus d'un titre, car il se situe au croisement de ces champs où quelque chosed'énigmatique se donne à nous : réel et imaginaire, illusion et vérité, être et non-être, etc.

Le candidat sera doncsensible à l'évocation d'un thème gros de richesses existentielles et concrètes.

En outre, la vérité est au programme. »

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