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Merleau-Ponty: Cinq sens

Publié le 28/03/2005

Extrait du document

merleau
C'est un lieu commun de dire que nous avons cinq sens et, à première vue, chacun d'eux est comme un monde sans communication avec les autres. La lumière ou les couleurs qui agissent sur l'oeil n'agissent pas sur les oreilles ni sur le toucher. Et cependant on sait depuis longtemps que certains aveugles arrivent à se représenter les couleurs qu'ils ne voient pas par le moyen des sons qu'ils entendent. Par exemple un aveugle disait que le rouge devait être quelque chose comme un coup de trompette. Mais on a longtemps pensé qu'il s'agissait là de phénomènes exceptionnels. En réalité le phénomène est général. Dans l'intoxication par la mescaline, les sons sont régulièrement accompagnés par des taches de couleur dont la nuance, la forme et la hauteur varient avec le timbre, l'intensité et la hauteur des sons. Même les sujets normaux parlent de couleurs chaudes, froides, criardes ou dures, de sons clairs, aigus, éclatants, rugueux ou moelleux, de bruits mous, de parfums pénétrants. Cézanne disait qu'on voit le velouté, la dureté, la mollesse, et même l'odeur des objets. Ma perception n'est donc pas une somme de données visuelles, tactiles, auditives, je perçois d'une manière indivise avec mon être total, je saisis une structure unique de la chose, une unique manière d'exister qui parle à la fois à tous mes sens. Merleau-Ponty
  • Quelle est l'idée directrice du texte ? La perception désigne une saisie unitaire de la chose, non point une addition de données séparées : c'est une forme organisée et une structure globale.
  • Le problème soulevé par ce texte est, en filigrane, celui de savoir si la structure perceptive se rapporte à l'intelligence, si elle est construite par cette dernière ou bien si je saisis immédiatement, grâce à mon corps, un ensemble sensoriel.
merleau

« 1.

b) Quels sont ses arguments? Maurice Merleau-Ponty note que le caractère structural de la perception correspond à une expériencefondamentale.

C'est aux données empiriques qu'il fait appel.

Un son, lors de troubles hallucinatoires,s'accompagne de taches de couleur.

Ceci représente une donnée quasi pathologique.

Mais l'expérience dusujet normal ou plutôt en situation normale est, elle aussi, une expérience de communication : une couleurcriarde, dit-on, un bruit mou.

Donc, les données, pathologiques ou quotidiennes et normales, signalent lavérité d'une conception gestaltiste, c'est-à-dire se référant à des structures globales et non point à deséléments séparés.Merleau-Ponty s'appuie ensuite sur des données artistiques et fait référence au peintre Cézanne, auquel il ad'ailleurs consacré un article, dans Sens et non-sens (« Le doute de Cézanne »).Ayant fait référence à l'expérience, Merleau-Ponty peut alors conclure d'un point de vue plus théorique: sesarguments, d'abord empiriques, deviennent plus abstraits : il note que la perception est saisie structurale dela chose.

À vrai dire, nous ne sommes plus réellement dans la sphère de l'argumentation, mais dans celle dela conclusion. 2.

a) Expliquez: chacun (des cinq sens) est comme un monde sans communication avec les autres. Cette phrase n'exprime nullement le point de vue de Merleau-Ponty, mais bel et bien le point de vue du senscommun ou de la psychologie classique, pour lesquels chaque sens - vue, odorat, ouïe, toucher et goût -est privé de tout rapport avec les autres sens.

Qu'est-ce que communiquer? C'est être en liaison, enrapport, en échange avec.

Toute communication implique un établissement de relations et une transmissionde signes ou de messages, une circulation.

Pour le sens commun, le son désigne un monde sans relation nidialogue avec la vue; l'odeur représenterait également un univers spécifique, séparé, irréductible en quelquesorte.

Bien entendu, tout ceci est rigoureusement inexact, et Charles Baudelaire, à l'opposé du senscommun, nous le disait: les parfums, les couleurs et les sons se répondent. 2.

b) En vous appuyant sur des exemples présents dans le texte, expliquez : une unique manièred'exister qui parle à la fois a tout nos sens. Je perçois à travers un seul mode de surgissement dans le monde où toutes mes fonctions sensoriellescommuniquent et dialoguent: ainsi le rouge est « un coup de trompette ».

Donc un seul mode d'exister -unifié par couleur et son - se manifeste.

De même, dans l'intoxication hallucinatoire, c'est un seul mode devie ou d'exister qui est présent, avec sons et taches de couleurs se mêlant.

Ce qui signifie que lephénomène perceptif engendre une totalité unique; une saisie existentielle unique engage la totalité de nosfonctions sensorielles: je vois l'odeur des objets.

Si un parfum délicat m'enveloppe, je le saisis comme bleu,fin et ténu.

Telle tache de couleur s'entremêle avec un son qu'elle engendre pour donner vie à un uniquemode de surgissement dans le monde. 3.

Ma perception est-elle une somme de sensations? C'est ici le terme somme qui est important.

Une somme est un ensemble de choses qui s'ajoutent les unesaux autres, une quantité formée de quantités additionnées.

Qu'est-ce, d'autre part, traditionnellement, quela sensation? Elle désignerait une donnée élémentaire provoquée par la modification d'un sens, un contenuprimitif et original de la conscience, antérieur à la perception, qui serait une somme de contenus originels.Percevoir, ce serait recevoir des sensations, les additionner et les construire.Tout ceci est faux: la perception n'est pas une addition de sensations, mais, comme l'a bien montréMerleau-Ponty, un ancrage dans le monde selon la situation que notre corps y assume.

Si la perception estclassiquement définie comme l'acte par lequel un individu organise et additionne des sensations présentes,cette définition, pour habituelle qu'elle soit, est fausse : elle a le tort de s'appuyer sur la distinction de lasensation et de la perception.

Le rouge, le vert, l'acide représenteraient autant de données élémentaires etla perception rassemblerait dans son unité les multiples facettes du sentir.En réalité, ma perception ne peut pas être une somme de sensations parce que le contenu, apparemmentoriginel et primitif, de la sensation est, en vérité, très élaboré : il recèle un ensemble très complexe designifications.

La sensation pure est un véritable mythe.

Elle est impensable comme moment de laperception.Loin d'être somme de sensations, la perception découvre, dans le monde, des ensembles structurels, et nonpas des éléments.

Ces ensembles structurels s'organisent selon le vécu de mon enracinement corporel.

C'estdans mon corps que se forme et se nourrit ma perception globale.

Loin d'être accumulation de sensations, laperception est découverte globale du monde grâce à mon corps, champ primordial conditionnant touteexpérience.

« Le corps propre est dans le monde comme le coeur dans l'organisme: il maintientcontinuellement en vie le spectacle visible, il l'anime et le nourrit intérieurement, il forme avec lui un système» (Phénoménologie de la perception).En fait, chaque prétendue sensation - celle du rouge, celle de couleur, celle de son - est insérée dans uneconduite corporelle, qui structure et organise l'expérience. 4.

Conclusion. »

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