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Merleau-Ponty: Dialogue et perception d'autrui

Publié le 29/03/2005

Extrait du document

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Il y a un objet culturel qui va jouer un rôle essentiel dans la perception d'autrui : c'est le langage. Dans l'expérience du dialogue, il se constitue entre autrui et moi un terrain commun, ma pensée et la sienne ne font qu'un seul tissu, mes propos et ceux de l'interlocuteur sont appelés par l'état de la discussion, ils s'insèrent dans une opération commune dont aucun de nous n'est le créateur. [...] Nous sommes l'un pour l'autre collaborateurs dans une réciprocité parfaite, nos perspectives glissent l'une dans l'autre, nous coexistons à travers un même monde. Dans le dialogue présent, je suis libéré de moi-même, les pensées d'autrui sont bien des pensées siennes, ce n'est pas moi qui les forme, bien que je les saisisse aussitôt nées ou que je les devance, et même, l'objection que me fait l'interlocuteur m'arrache des pensées que je ne savais pas posséder, de sorte que si je lui prête des pensées, il me fait penser en retour. Merleau-Ponty

Dans l'expérience malheureuse du « dialogue de sourds «, deux personnes qui se parlent semblent pourtant demeurer enfermées dans leur point de vue propre qui demeure imperméable à celui de l'autre. Certains penseurs ont cru pouvoir étendre cette situation à toutes nos relations avec autrui pour donner l'image d'une incommunicabilité générale.  Merleau-Ponty nous propose au contraire une évocation du dialogue comme expérience essentielle de la réciprocité, de la communauté avec autrui, qui justifie le fait qu'autrui ne m'apparaisse pas comme un objet parmi les autres mais bien comme un semblable. Nous verrons comment cette expérience du dialogue produit non seulement un échange, mais également une promotion réciproque des consciences qui s'enrichissent mutuellement.

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« cette situation extrême, le dialogue est souvent « mené » par l'un des interlocuteurs : ici encore le dialoguesocratique tel qu'il se déroule réellement montre une claire domination de Socrate qui oriente le débat à sa guisemalgré l'effacement qu'il revendique.La fin du texte, toujours dans le registre de la réciprocité, montre comment celle-ci, loin de nier la liberté dechacun, la respecte au contraire et constitue un enrichissement pour tous.Par le dialogue, en effet, « je suis libéré de moi-même », c'est-à-dire que je ne suis plus enfermé dans mon point devue subjectif.

Ce qui est sous-entendu ici, c'est que dans le dialogue la qualité de mon écoute est très importantecar c'est elle qui me permet de me décentrer et de véritablement accueillir les propos d'autrui.

Ce dernier m'apporteune nouveauté, m'enrichit, car « ses pensées sont bien des pensées siennes » : dans le dialogue je prends le risquede l'altérité, de réponses inattendues, parfois désagréables mais qui m'aident à regarder la réalité en face.Enfin, le dialogue m'enrichit car il m'éveille à de nouvelles pensées, « que je ne savais pas posséder ».

Merleau-Ponty souligne ici l'aspect stimulant du dialogue, qui nous évite de tourner en rond et nous « ouvre des horizons ».Nous retrouvons une nouvelle fois le modèle socratique du dialogue : Socrate se présente comme un « accoucheurdes esprits » qui aide les autres à se « remémorer » des idées enfouies au fond d'eux-mêmes et qu'ils n'auraientjamais soupçonnées sans le dialogue. Conclusion Par ce texte, Merleau-Ponty nous rappelle ainsi que le dialogue n'est pas une possibilité facultative du langage, maisqu'il en constitue une dimension essentielle et ouvre des possibilités de pensées inaccessibles dans le seulmonologue intérieur de la conscience.

L'ensemble du texte permet donc de mieux comprendre l'expression « objetculturel » : le langage est de façon essentielle un phénomène intersubjectif. MERLEAU-PONTY (Maurice).

Né à Rochefort-sur-mer en 1908, mort à Paris en 1961.Il fut professeur à l'Université de Lyon, à la Sorbonne, et, à partir de 1952, au Collège de France.

Disciple deHusserl, il fonda avec Sartre Les temps modernes.

Il s'est surtout occupé de philosophie psychologique, et s'estintéressé à l'existentialisme dans ses rapports avec le marxisme. Oeuvres principales : La structure du comportement (1941), Phénoménologie de la perception (1945), Humanisme et terreur (1947), Sens et non-sens (1948), Eloge de la philosophie (1953), Les sciences de l'homme et laphénoménologie (1953), Les aventures de la dialectique (1955), Signes (1961).. »

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