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MERLEAU-PONTY, Éloge de la philosophie.

Publié le 27/02/2008

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merleau
« Le philosophe moderne est souvent un fonctionnaire, toujours un écrivain, et la liberté qui lui est laissée dans ses livres admet une contrepartie : ce qu'il dit entre d'emblée dans un univers académique où les options de la vie sont amorties et les occasions de la pensée voilées. Sans les livres, une certaine agilité de la communication aurait été impossible, et il n'y a rien à dire contre eux. Mais ils ne sont enfin que des paroles plus cohérentes. Or la philosophie mise en livres a cessé d'interpeller les hommes. Ce qu'il y a d'insolite et presque d'insupportable en elle s'est caché dans la vie décente des grands systèmes. Pour retrouver la fonction entière du philosophe, il faut se rappeler que même les philosophes-auteurs que nous lisons et que nous sommes n'ont jamais cessé de reconnaître pour patron un homme qui n'écrivait pas, qui n'enseignait pas, du moins dans des chaires d'État, qui s'adressait à ceux qu'il rencontrait dans la rue et qui a eu des difficultés avec l'opinion et avec les pouvoirs, il faut se rappeler Socrate. La vie et la mort de Socrate sont l'histoire des rapports difficiles que le philosophe entretient, - quand il n'est pas protégé par l'immunité littéraire, - avec les dieux de la Cité, c'est-à-dire avec les autres hommes et avec l'absolu figé dont ils lui tendent l'image. Si le philosophe était un révolté, il choquerait moins. Car, enfin, chacun sait à part soi que le monde comme il va est inacceptable ; on aime bien que cela soit écrit, pour l'honneur de l'humanité, quitte à l'oublier quand on retourne aux affaires. La révolte donc ne déplaît pas. Avec Socrate, c'est autre chose. Il enseigne que la religion est vraie, et on l'a vu offrir des sacrifices aux dieux. Il enseigne qu'on doit obéir à la Cité, et lui obéit le premier jusqu'au bout. Ce qu'on lui reproche n'est pas tant ce qu'il fait, mais la manière, mais le motif. Il y a dans l'Apologie un mot qui explique tout, quand Socrate dit à ses juges : Athéniens, je crois comme aucun de ceux qui m'accusent. Parole d'oracle : il croit plus qu'eux, mais aussi il croit autrement qu'eux et dans un autre sens. » MERLEAU-PONTY, Éloge de la philosophie.
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« philosophie, est nécessaire. Deuxième partie : Socrate, un homme révolté ? Les philosophes actuels sont les héritiers de Socrate.

Il n'enseignait pas à l'université, il n'avait pas le statut de professeur et n'écrivait pas d'ouvrage.

Sa philosophie il la dispensait oralement aux passants qu'il rencontrait.

Iltouchait donc tous les hommes, des hommes ordinaires.

La philosophie n'avait pas pour but d'être l'apanage de gensprivilégiés.

Ce qui est à noter est la simplicité de la démarche socratique.

Il ne défendait pas de grands idéaux maisil avait à cœur de permettre à chacun de se poser les bonnes questions permettant de progresser sur le chemin dela vérité. Socrate se distingue donc de deux manières du philosophe moderne, il n'est ni fonctionnaire ni écrivain.

Pour autant sa pensé interpelle les gens, et c'est en cela qu'il est un vrai philosophe, il dérange.

Il s'oppose à l'opinion dela foule et au pouvoir en place dans la mesure où celui-ci tend à contraindre l'individu, à limiter sa liberté de penser. La dimension orale de son enseignement contraste avec l'immunité littéraire qui permet au philosophe moderne d'être toléré au sein de l'Etat.

Les adverses de Socrate sont « les dieux de la Cité » et les hommes qui lesvénèrent.

En ce sens nous pourrions assimiler la figure socratique à une forme de révolutionnaire qui est là pourlutter pour la sauvegarde de la liberté de penser et de critiquer de chacun.

Pour éviter que celui-ci ne se contentede louer un « absolu figé », d'acquiescer sans réfléchir. Pour comprendre de quelle manière Socrate procède dans ces entretiens nous pouvons citer ce passage du Ménon où il est comparé à une torpille.

« Socrate, avant même d'être en relations avec toi, (a) j'avais bien entendu dire que tu ne fais rien d'autre que douter toi-même et qu'amener les autres à douter et, à présent, telle estl'impression que tu me donnes : me voilà ensorcelé par toi, j'ai bu ton philtre magique, je suis, c'est bien simple, laproie de tes enchantements, si bien que je suis maintenant tout embarrassé de doutes ! A mon sens, supposé que l'on doive ici faire à la raillerie quelque place, tu es, de tout point, tant par ton extérieur qu'à d'autreségards, on ne peut plus semblable à cette large torpille marine qui, comme on sait, vous plonge dans latorpeur aussitôt qu'on s'en approche et qu'on y touche .

C'est une impression analogue qu'à cette heure, je crois, tu as produite sur moi! (b) Une véritable torpeur envahit en effet mon âme aussi bien que ma bouche, je nesais que te répondre […] Bref, tu fais bien de te résoudre à ne point prendre la mer pour quitter ces lieux, nimême à t'absenter d'ici; car si, résidant comme étranger dans un autre pays, tu t'y comportais de pareille façon,bien vite serais-tu mené, pour sorcellerie, devant les autorités! » A la fin de cette deuxième partie Socrate peut apparaître comme étant un philosophe révolté contre le système en place qui tend à le bouleverser au profit de la liberté de l'individu.

C'est cet esprit de révolte qui feraitde la philosophie socratique, une philosophie qui dérange. Troisième partie : Socrate ou le respect et l'obéissance vis-à-vis des lois de la Cité. Socrate n'est pas un révolté, au contraire il est même celui qui a le plus de respect vis-à-vis de l'ordre social.

Paradoxalement le fait qu'il ne soit pas un révolté déplaît.

En effet l'homme a besoin, de temps en temps,d'exprimer son mécontentement, le caractère inacceptable de son existence.

Cette catharsis ou purification passepar l'écrit car celui-ci permet un oubli plus facile. La religion et l'ordre social ne sont pas remis en cause par Socrate au contraire il invite au respect de leurs règles à tel point qu'il préfère mourir, c'est-à-dire accepter le châtiment que lui inflige la Cité, même si celui-ci estinjuste.

Ce qui dérange est le comportement et l'intention socratiques.

Ce qui choque les contemporains de Socratec'est sa foi en la Cité qui dépasse celle de tout autre Grec.

Or cette foi est toute particulière puisqu'elle vise au-delà de la cité athénienne un ordre idéal où régnerait la justice, où il n'y aurait pas de hiatus entre la justice moraleet la justice positive. Nous pouvons à la fin de cet extrait rapprocher les philosophes modernes des juges de Socrate attachés à l'ordre établi mais d'une mauvaise manière.

Il ne faut pas oublier que la philosophie dérange, choque, et c'est decette manière qu'elle force les individus à penser et à exercer leur esprit critique. Conclusion La philosophie ne peut toucher les esprits que si elle retrouve sa nature originelle qui en fait quelque chose qui dérange et étonne.

L'enseignement socratique est oral et universel.

C'est à lui que nous devons la naissance dela philosophie et c'est lui qui nous rappelle la primauté de la liberté de penser et de critiquer.. »

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