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Mis en question par les théoriciens du « nouveau roman », le roman traditionnel se reconnaîtrait notamment (selon A. Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman) par l'importance accordée au personnage. « Il doit posséder un caractère, un visage qui le reflète, un passé qui a modelé celui-ci et celui-là. Son caractère dicte ses actions, le fait réagir de façon déterminée à chaque événement... Il lui faut assez de particularité pour demeurer irremplaçable, et assez de généralité pour devenir u

Publié le 17/02/2011

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INTRODUCTION Le roman traditionnel, aujourd'hui contesté par les représentants du « nouveau roman «, serait — selon A. Robbe-Grillet — caractérisé par la création de personnages, par la narration d'une histoire située dans un temps et dans des lieux précis, dont la description doit nous convaincre de leur existence objective. La créa Lion du personnage obéirait au double souci de l'individualiser tant physiquement que moralement, et d'en faire un type humain L'importance accordée au personnage serait le signe d'une époque révolue. Le lecteur de romans n'admettra pas sans discussion de voir condamner le personnage auquel il attache généralement son intérêt; mais il reconnaîtra dans la définition qu'en donne Robbe-Grillet les caractéristiques d'une méthode souvent illustrée par des romanciers comme Balzac, Stendhal, Flaubert ou Zola. Peut-être n'est-il pas d'exemple plus frappant que le personnage de Grandet dans Eugénie Grandet.

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« des choses qui ne sont pas sucrées »).

Quant à l'affection qu'il a pour sa fille (dont la voix suffit à lui faire céder àNanon de quoi faire une galette), c'est à son unique héritière qu'elle va ; elle est bien faible lorsqu'elle entre enconflit avec son avarice et quand, après la scène du nécessaire, il se réconcilie avec sa femme et sa fille, on peutdouter de la sincérité de sa tendresse. 2° Un visage : le portrait de Grandet.A la différence de l'homme de théâtre dont le personnage, incarné par un acteur, n'est pas évoqué physiquementdans son oeuvre, le romancier apporte un soin particulier au portrait physique; parfois il veut rivaliser avec l'art dupeintre (ainsi Gobseck est « digne du pinceau de Rembrandt »).

Mais le rôle essentiel du portrait est à la fois derendre le personnage reconnaissable et, dans une certaine mesure, de l'expliquer en faisant pressentir soncaractère.

Si l'hérédité ne tient pas chez Balzac la même place que chez Zola, bien que Grandet se reconnaisse ensa fille (« elle est plus Grandet que je ne suis Grandet »), le tempérament apparaît dans l'aspect physique.

Nousapprenons sa taille : « un homme de cinq pieds » (1 m 62), sa corpulence : « trapu, carré, ayant des mollets dedouze pouces de circonférence, des rotules noueuses et de larges épaules »; il nous laisse une impression d'énergie.Balzac compare parfois ses personnages à certains animaux, comme s'il existait parmi les êtres humains, aussi bienque parmi les espèces zoologiques, un déterminisme qui ferait des uns la proie des autres; c'est ainsi qu'il note queGrandet tient à la fois du tigre et du boa.

Cette comparaison se retrouve d'ailleurs dans la peinture du visage, àlaquelle il consacre l'essentiel du portrait : « ses yeux avaient l'expression calme et dévoratrice que le peupleaccorde au basilic.

» Empruntant aux théories aujourd'hui abandonnées de la physiognomonie de Lavater ou à laphrénologie de Gall la croyance en une correspondance entre les traits du visage et ceux du caractère, il nous laissecroire qu'on peut découvrir celui-ci dans les lignes transversales ou les « protubérances significatives » du front,dans la forme du menton ou dans des « lèvres sans sinuosité ».

Si les prétentions scientifiques du romancier nousfont sourire, il nous impose pourtant une présence par les signes particuliers qui rendent le personnagereconnaissable : ce visage, tanné par la vie au grand air, « marqué de petite vérole », son nez, gros par le bout,supportant « une loupe veinée que le vulgaire disait, non sans raison, pleine de malice ».

D'autres signes contribuentencore à l'individualiser : tel ce bégaiement dont le bonhomme a contracté l'habitude pendant la Révolution, ou,parmi ses manières, le geste méthodique par lequel il pose toujours ses gants à la même place sur le bord de sonchapeau.

Quant au costume, si le romancier peut nous le dépeindre, c'est qu'il révèle d'autant mieux le personnageque Grandet était toujours vêtu de la même manière.

Ses forts souliers, sa culotte courte de gros drap marron, songilet boutonné carrément, annoncent évidemment moins un souci d'élégance que de solidité.

Tel qu'il apparaît enquelques pages, Grandet nous laisse l'impression d'un être réel et reconnaissable, en qui se reflète un caractère. 3° Un passé : la biographie de M.

Grandet.A la différence du moraliste comme La Bruyère, c'est dans l'existence du personnage que le romancier peint soncaractère, et d'abord dans le passé qui a modelé celui-ci.

Balzac nous fait connaître Grandet par sa biographie etpar sa réputation.

C'est en agissant que le personnage se définit et à travers le jugement des autres que sapersonnalité prend corps.

Le rôle de Grandet depuis la Révolution, l'histoire de sa fortune et l'inventaire de ses biensen font une notabilité.

S'il a d'abord donné prise au ridicule, l'obséquieuse considération de ceux qui ont quelqueconnaissance de sa fortune, le sentiment d'admiration mélangé de terreur et de respect qu'éprouvent sescompatriotes, nous convainquent de l'importance de sa personnalité sociale. 4° « Son caractère dicte ses actions ».Dans le roman de personnages, c'est le caractère qui commande l'action.

Malgré le titre qui fait de la destinéed'Eugénie Grandet le sujet du roman, c'est le caractère de Grandet qui détermine cette destinée.

Le passé quidéfinit le caractère du personnage (bien qu'il ne soit pas définitif, puisqu'il évolue) rend sa conduite prévisible, mêmesi le romancier évite de la simplifier à l'extrême et sauvegarde l'apparence de sa liberté.

S'il surprend parfois sescompatriotes, aussi bien par la trahison dont il se rend coupable envers les autres vignerons en vendant son vin,que par la générosité dont on ne le croyait pas capable, quand il décide de liquider les dettes de son frère, lelecteur, averti par la conversation avec le président Cruchot, sait qu'il n'en coûtera rien au bonhomme.

La logique ducaractère de Grandet qui commande sa conduite dans les affaires se retrouve dans toutes les circonstances de lavie familiale.

La passion de Grandet crée le conflit dramatique qui l'oppose à Eugénie, comme celle de BalthazarClaés, dans La Recherche de l'Absolu, l'oppose d'abord à Mme Claës, puis à sa fille Marguerite.

La scène du douzainest à cet égard le nœud de l'action.L'amour, qui avait déjà conduit Eugénie à tenir tête à son père en replaçant sur la table le sucrier qu'il venaitd'enlever, lui donne une audace toute nouvelle; Grandet a beau lui rappeler que les prêtres lui ordonnentl'obéissance; majeure, elle affirme son droit de disposer de son or.

La dureté du traitement qu'il lui inflige, la violenceavec laquelle ils s'affrontent à propos du nécessaire confié à Eugénie par son cousin, ne feront place à laréconciliation que parce que Grandet veut obtenir de sa fille le renoncement à la succession de Mute Grandet.

Lesdernières paroles de Grandet : « Aie bien soin de tout! Tu me rendras compte de ça là-bas » montrent qu'il ne voiten elle que l'héritière d'une fortune sur laquelle il voudrait pouvoir, au-delà de la mort, prolonger sa domination.

Au-delà même de la mort, Grandet pèse encore sur la destinée et sur le caractère de sa fille.

Ainsi jusqu'au bout, lecaractère du personnage commande l'action et les sentiments du lecteur à son égard.

« Son caractère permet aulecteur de le juger, de l'aimer, de le haïr », dit Robbe-Grillet. II.

- UN TYPE HUMAIN : L'AVARE OU L'AVARICE ?. »

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