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Mises en cause de l'idéal de vérité ?

Publié le 14/03/2004

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Machiavel : le prince doit savoir recourir au mensonge Si les hommes étaient tous des gens de bien, écrit Machiavel (1469-1527), on serait tenu de leur parler constamment de façon véridique. «Mais comme ils sont méchants et qu'ils ne te garderaient pas leur foi [c.-à-d.: leur parole], toi non plus [c.-à-d. : toi, le prince, à qui est dédié mon ouvrage], tu n'as pas à la leur garder» (Le Prince, chap. )(VIII, intitulé : «De l'usage du mensonge dans l'art de gouverner» - 1513). «Partant le sage seigneur ne peut garder sa foi [c.-à-d. : sa parole] si cette observance lui tourne à rebours, et que les causes qui l'ont induit à promettre soient éteintes» (ibid.

« La même idée que la fin justifie les moyens est exprimée dans les « Discours » : « Un esprit sage ne condamnera jamais quelqu'un pour avoir usé d'un moyen hors des règles ordinaires pour régler une monarchieou pour fonder une république.

Ce qui est à désirer, c'est que si le fait l'accuse, le résultat l'excuse. » Ce réalisme, bien loin de la morale humaniste ou de la morale chrétienne, apparaît, à première vue, tout à fait dénué de machiavélisme.

Dans son acception courante, ce terme évoque, en effet, des manœuvrestortueuses, le recours au secret.

Rien de tout cela ici, mais seulement un exposé lucide dans lequel il n'est pastoujours facile de percevoir la marge d'ironie.

Ce « machiavélisme » apparaît cependant dans les conseils complémentaires.

Le prince doit « savoir entrer dans le mal s'il y a nécessité », mais il veillera cependant à sauver sa réputation.

Il fera prendre les mesures impopulaires par quelqu'un d'autre, se réservant celles qui ontla faveur du peuple.

Il sera renard : « Mais il est besoin de savoir bien colorer cette nature, bien feindre et bien déguiser. » Machiavel ajoute que les hommes sont si simples et tant soumis aux nécessités du présent que celui qui trompe trouvera toujours quelqu'un prêt à se laisser tromper.

Il importe donc avant tout de préserverce que l'on n ‘appelait pas encore son « image de marque » : « il n'est donc pas nécessaire à un Prince d'avoir toutes les qualités dessus nommées, mais bien il faut qu'il paraisse les avoir. » Un exemple parmi d'autres de ces pratiques, qui laissa Machiavel frappé de stupeur, mais sans doute aussi admiratif : César Borgia , pour faire régner l'ordre en Romagne , donna toute puissance à l'un de ses hommes de confiance connu pour être cruel & expéditif.

La paix établie, pour éviter que l'opprobre ne s'attacheà sa propre personne, il fit exécuter l'officier, exposant son corps coupé en deux morceaux sur une placepublique.

Bel exemple de duplicité et de détermination.

Borgia possédait la « virtù ». Le Prince ne se souciera donc pas de ce qu'exige la morale, mais il veillera à manipuler l'opinion pour asseoir sa réputation.

La chose est aisée du fait de la crédulité du peuple.

« Les hommes, en général, jugent plutôt aux mains qu'aux yeux. » « Qu'un Prince donc se propose pour but de vaincre, et de maintenir l'Etat ; les moyens seront toujours estimés honorables et loués de chacun ; car le vulgaire ne juge que de ce qu'il voit et de ce qui advient ; or ence monde il n'y a que le vulgaire ; et le petit nombre ne compte pour rien quand le grand nombre a de quois'appuyer. » Rousseau estime que ce penseur politique a été encore plus subtilement machiavélique qu'on ne le pense.

En faisant semblant de donner des conseils à un prince sur la façon de manipuler les foules, il aurait enfait dévoilé aux peuples la manière dont ils sont grugés : « En feignant de donner des leçons aux rois, il en a donné de grandes aux peuples.

Le Prince de Machiavel est le livre des républicains. » Spinoza pensait déjà de même : « Peut-être Machiavel a-t-il voulu montrer qu'une masse libre doit, à tout prix, se garder de confier son salut à un seul homme […] Cette dernière intention est, quant à moi, celleque je serais porté à prêter à notre auteur.

Car il est certain que cet homme si sagace aimait la liberté et qu'ila formulé de très bons conseils pour la sauvegarder. » Nietzsche :la vérité comme piété l'idéal ascétique – longtemps incarné par le prêtre – Nietzsche (1844-1900) croit le redécouvrir dans la volonté de vérité des savantsmodernes : «Non, ceux-ci sont loin d'être des esprits libres, écrit-il, carils croient encore à la vérité» (La Généalogie de la morale, III, § 24 -1887).

La «vraie liberté de l'esprit» mettrait en question «la foi même enla vérité» (ibid.).Qu'est-ce donc, en effet, qui a remporté la victoire sur le Dieu chrétien? «C'est la moralité chrétienne elle-même [...], c'est la consciencechrétienne aiguisée dans les confessionnaux et qui s'est transforméejusqu'à devenir la conscience scientifique, la propreté intellectuelle àtout prix» (Le Gai Savoir, aphorisme 357 - 1882).

Le jour où s'estécroulée la chimère de cet «autre monde» auquel la religion nous avaithabitués à croire, la science lui a substitué son «autre monde», son«monde-vérité» bien à elle.. »

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