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DE MOLIERE A GUIGNOL

Publié le 14/04/2011

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moliere

J'aurai garde, cependant, de condamner la méthode prônée par Mlle Guénot en invoquant un danger moral. D'une part, en effet, le danger n'existerait, en Sixième, que si les élèves jouaient très bien Molière. Or il n'en est rien. D'autre part, il est facile à l'éducateur d'écarter de ces exercices tous les textes qui risqueraient d'avilir les jeunes caractères.    Poursuivant mon expérience, je fis jouer la Besace — cette fable se prête admirablement à la dramatisation. J'expliquai le rôle du singe, personnage susceptible qui, plaisanté par Jupiter, doit s'avancer parmi les animaux d'un air comiquement surpris et offensé. Après avoir tenu le rôle —avec un certain succès — je le donnai à un élève qui, de mon interprétation, ne retint que le geste de gratter ses puces, geste qu'il accentua et répéta au point d'en oublier les paroles de son rôle; n importe, son triomphe fut tel que j'estimai vain d'essayer de faire admettre que son jeu ne fut pas excellent.   

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« Martine : J'ai quatre pauvres petits enfants sur les bras... Sganarelle : Mets-les à terre. Martine : qui me demandent à toute heure du pain... Sganarelle : Donne-leur le fouet: quand j'ai bien bu et bien mangè, je veux que tout le monde soit saoul dans lamaison ! et s'ils entendaient leur candide garçon ou leur gracieuse fillette chanter d'une voix éraillée, en titubant pour imiterl'ivresse : Qu'ils sont doux, Bouteille jolie, Qu'ils sont doux, Vos petits glouglous ? Je souhaite ardemment, quant à moi, que mon fils à onze ans soit incapable de jouer Sganarelle. Partisan fervent des classes mixtes, je trouverais inconvenant de faire jouer le Cid en Quatrième par des Rodrigueset des Chimènes de quatorze ans.

J'approuve les plaintes bien connues de Mme de Maintenon : « Nos petites fillesviennent de jouer Andromaque> et l'ont si bien jouée qu'elles ne la joueront plus, ni aucune de vos pièces.

» Que dirait-on d'un professeur de morale qui, pour faire bien comprendre à ses élèves ce qu'est le mal, le leur feraitcommettre ? De même, il n'est pas indiqué, pour que les élèves sentent les ridicules et réprouvent les vices des personnages deMolière, de les leur faire représenter.

Il suffît que le professeur se donne la peine, comme il se l'est toujours donnée,de les représenter lui-même devant ses élèves, sans que ceux-ci les vivent, les assimilent. J'aurai garde, cependant, de condamner la méthode prônée par Mlle Guénot en invoquant un danger moral.

D'unepart, en effet, le danger n'existerait, en Sixième, que si les élèves jouaient très bien Molière.

Or il n'en est rien.D'autre part, il est facile à l'éducateur d'écarter de ces exercices tous les textes qui risqueraient d'avilir les jeunescaractères. Poursuivant mon expérience, je fis jouer la Besace — cette fable se prête admirablement à la dramatisation.J'expliquai le rôle du singe, personnage susceptible qui, plaisanté par Jupiter, doit s'avancer parmi les animaux d'unair comiquement surpris et offensé.

Après avoir tenu le rôle —avec un certain succès — je le donnai à un élève qui,de mon interprétation, ne retint que le geste de gratter ses puces, geste qu'il accentua et répéta au point d'enoublier les paroles de son rôle; n importe, son triomphe fut tel que j'estimai vain d'essayer de faire admettre que sonjeu ne fut pas excellent. En dépit de cette déception, je persévérai, jusqu'à ce que je tusse pleinement convaincu que l'action chez laplupart des élèves contrarie l'expression verbale : ceux qui récitent bien restent inertes ; ceux qui portent leureffort sur les gestes oublient ou massacrent les paroles. Et cela n'a rien d'étonnant si, comme l'établit R.

Thabault dans l'ouvrage cité ci-dessus, le geste et la parole sontdans le langage enfantin deux moyens d'expression concurrents dont le premier, à tout moment, supplée auxlacunes de l'autre.

Recommander à l'enfant de s'exprimer par gestes, c'est donc l'inciter à négliger les paroles.

Orquel était l'objet de l'instruction primaire qu'il a reçue, sinon de lui apprendre à se passer des gestes? Faut-il qu'auseuil de l'enseignement secondaire, on lui fasse rebrousser chemin ? Tel est, à mon avis, le point faible de laméthode : si le maître doit multiplier les gestes pour faire mieux comprendre ses paroles, l'enfant, au contraire, doitchercher à les retenir. Il n'en reste pas moins que le jeu dramatique ajoute un puissant intérêt aux exercices d'élocution.

L'action délie leslangues, excite les imaginations.

Comment donc concilier ces avantages avec l'inconvénient signalé? Voici la solutionque je propose, inattendue sans doute, et marquée de mon origine lyonnaise, mais que je demande qu'on ne prennepas pour une plaisanterie : installons dans chaque classe de Sixième nouvelle un théâtre Guignol. Là, plus de timidité paralysante : le récitant ne voit pas son public ; plus de défaillances de mémoire : il peut à toutinstant jeter un coup d'œil sur le livre ouvert devant lui; la mimique est réduite aux mouvements des mains et desdoigts qui maintiennent la tête et les bras des marionnettes; le même élève joue simultanément plusieurs rôles et nes'embrouille plus dans ses répliques ; le Guignol apprend à articuler nettement et à suppléer à la mimique parl'intonation: il incite à des improvisations enthousiastes. Pour toutes ces raisons, je pense qu'il est la forme de théâtre la mieux appropriée à l'âge des élèves de Sixième.. »

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