Devoir de Philosophie

SUIS-JE DANS MON CORPS "COMME UN PILOTE DANS SON NAVIRE" ?

Publié le 05/09/2004

Extrait du document

Alors même que j'avais décidé de ne «rien laisser paraître«, le tremblement de mes lèvres ou de ma voix trahit mon émotion. Singulière expérience des limites de ma volonté, ou plutôt des limites de son pouvoir : ne suis-je pas capable de maîtriser totalement mes réactions corporelles? Le «décalage« ainsi éprouvé donne à réfléchir lorsque j'envisage par ailleurs les cas où mon corps « exécute « parfaitement ma décision d'agir de telle ou telle façon : j'ai décidé de quitter cette pièce, je me lève, et je sors... Tantôt réalité apparemment autonome qui produit ses effets à l'insu de ma volonté, tantôt fidèle «instrument« de mes décisions, mon corps est-il en mon pouvoir, et dans quelle mesure ? Suis-je dans mon corps « comme un pilote dans son navire « ?

« sommes de le nourrir; qu'avec cela des maladies surviennent, nous voilà entravés dans notre chasse auréel.

Il nous remplit d'amours, de désirs, de craintes, de chimères de toute sorte, d'innombrablessottises, si bien que, comme on dit, il nous ôte vraiment et réellement toute possibilité de penser.Guerres, dissensions, batailles, c'est le corps seul et ses appétits qui en sont cause; car on ne fait laguerre que pour amasser des richesses et nous sommes forcés d'en amasser à cause du corps, dont leservice nous tient en esclavage.

La conséquence de tout cela, c'est que nous n'avons pas de loisir àconsacrer à la philosophie.

Mais le pire de tout, c'est que, même s'il nous laisse quelque loisir et que nousnous mettions à examiner quelque chose, il intervient sans cesse dans nos recherches, y jette le troubleet la confusion et nous paralyse au point qu'il nous rend incapables de discerner la vérité." PLATON Introduction. « Le corps est un tombeau » : jouant sur la similitude des deux mots en grec, Platon exprime ainsi le dualisme profond entre l'âme et le corps.

Exprimé à travers diverses métaphores, l'exil de l'âme dans le corps est ici évoqué très directement par un violent réquisitoire.

Le corps nous cause bien des soucis,est à l'origine des guerres et nous empêche de philosopher, ou en tout cas de le faire correctement.Nous étudierons ces reproches en tâchant à la fois de les rattacher à la pensée de Platon et de nous demander comment on peut les recevoir aujourd'hui. Étude ordonnée et intérêt philosophique. Le texte s'ouvre sur un constat désolant : pas question d'atteindre la vérité proprement dite tant quenous aurons un corps, donc durant notre vie sur terre.

Notre âme, dit Platon , a contemplé autrefois les Idées du bien, du beau, du vrai, et doit pour les retrouver faire un effort de réminiscence; mais ce travailest perturbé par le corps, d'emblée identifié à un « mal ».

La violence du qualificatif ne peut quesurprendre un lecteur moderne peu habitué à dénigrer le corps et surtout habitué à des étudesneurologiques tendant à ramener l'activité intellectuelle à des processus corporels.

Pourtant le dualisme de l'âme et du corps est très présent chez Platon et marque fortement toute la tradition philosophique. L'objet de nos désirs, dit Platon , c'est la vérité, qu'il nomme un peu plus loin « le réel ».

Deux points doivent ici être précisés.Tout d'abord, la vérité évoquée ici est l'Idée de la vérité en soi et pour soi, dont toutes les vérités quenous pouvons connaître ici bas ne sont que des reflets partiels et dégradés.

La vérité est comme le soleilde l'allégorie de la caverne alors que la réalité terrestre n'est en fait qu'un jeu d'ombres dont il fautsavoir s'éloigner par abstractions successives.Ensuite, Platon dit que « nous » recherchons la vérité.

Désigne-t-il par là seulement les philosophes ? Non sans doute : toutes les âmes ont, plus ou moins enfouis en elles, la nostalgie de l'inconditionné, ledésir du beau, du bien et du vrai.

Mais beaucoup se trompent sur l'objet réel de leur désir.

C'est pourquoinul n'est méchant volontairement : ceux qui font le mal ne savent pas vraiment ce qu'ils veulent.Il n'est pas utile de passer en revue le détail des maux dont nous accable le corps, depuis la nécessitéde le nourrir jusqu'aux passions en passant par la maladie.

La critique de Platon peut nous paraître excessive dans la mesure où le souci pour le corps peut également réjouir l'âme ; l'amour par exemplepeut manifester une union étroite entre le désir corporel et une communauté spirituelle ou intellectuelle.Et pourtant l'exemple de la maladie permet de bien comprendre ce que veut dire Platon : la douleur est intolérable parce qu'elle est en nous comme une présence étrangère.

C'est bien notre corps qui souffremais par là même il nous devient en quelque sorte étranger, il ne nous est plus soumis.

Dans les passionscomme la peur, nous disons également que nos jambes se dérobent « malgré nous ».

Enfin, une migrainepeut affecter considérablement nos capacités de réflexion et de discernement.

Ce qui peut choquer c'estque la critique ne soit pas compensée par un éloge du corps; mais les maux que déplore Platon ne sont pas étrangers à notre propre expérience.

Montaigne reprendra largement ce thème de la puissance desémotions corporelles, par exemple de l'imagination, et de la faiblesse de l'intellect face à ces passions.Après avoir cité les maux dont le corps accable l'âme, Platon franchit un degré en lui attribuant la responsabilité des guerres, destinées à assouvir ses appétits.

Ici on peut se demander si l'argument estvraiment plausible : les causes des guerres sont multiples, et on trouve parmi elles non seulement lavolonté de puissance, mais le prestige de l'idée de puissance, ou des constructions idéologiques.

Il n'estpas certain que l'on puisse vraiment attribuer au corps l'origine de ces représentations.

Le problème dumal humain atteint sa profondeur précisément lorsqu'il faut reconnaître que ceux qui ont fait le malsavaient ce qu'ils faisaient.L'aboutissement de ce réquisitoire peut faire sourire tant il semble que Platon tienne l'impossibilité de philosopher pour plus grave encore que les guerres.

Le terme de « loisir », qu'il emploie ici, est trèsimportant dans sa pensée et revient fréquemment dans ses dialogues : pour rechercher la vérité il fautavoir du temps devant soi et l'esprit suffisamment libre.

Souvent, dans les dialogues platon iciens, Socrate doit appeler à plus de patience des interlocuteurs trop pressés de conclure le raisonnement.Dans le Ménon ou le Gorgias, se produit exactement ce que Platon déplore : les interlocuteurs se laissent emporter par leurs passions, notamment par l'orgueil et la vanité.

Ne supportant pas la réfutation queSocrate oppose à leurs propos, ils se fâchent et menacent d'interrompre la discussion. Conclusion.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles