Devoir de Philosophie

Montesquieu

Publié le 10/03/2011

Extrait du document

montesquieu

commentaire du chapitre X du livre III de l'Esprit des Lois, de Montesquieu.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'existence politique entraîne un rapport de commandement et d'obéissance entre ceux qui gouvernent (détenteurs de l'autorité) et ceux qui sont gouvernés. En effet, celui qui commande, en tant qu'autorité, doit être obéi de ceux qu'il commande. Montesquieu, en examinant et en comparant sans a priori les différents types de gouvernements lorsqu'il écrit l'Esprit des Lois (il en distingue trois dans sa typologie des régimes : la république, la monarchie et le despotisme), doit inévitablement observer ce rapport qui lie commandants et commandés. Ce rapport est-il le même selon les différents régimes ? Ou au contraire l'obéissance varie-t-elle en fonction de la nature des gouvernements ? Ainsi, dans le chapitre 10 du Livre III (comme son titre le suggère par ailleurs), l'auteur compare le rapport entre gouvernants et gouvernés dans le régime monarchique (nommé aussi modéré) et dans le régime despotique.

 

 

 

 

  1.  
    1.  
      1.  

           

          Bien qu'il soit nommé en second dans le titre du chapitre 10 du Livre III, Montesquieu débute et accorde une grande place dans le chapitre au gouvernement despotique (5 paragraphes), au détriment de la monarchie (1 paragraphe). Cette remarque ne relève pas seulement de la formalité, et elle peut avoir son importance : on peut, en effet, déceler dans ce passage l'aversion exprimée implicitement par Montesquieu pour le régime despotique dont « on ne peut parler sans frémir » (EL, III, 9), et notamment dans le dernier paragraphe (que nous expliquerons en détail dans la dernière partie).

 

Montesquieu va donc aborder l'obéissance des gouvernés au(x) gouvernant(s) d'un régime despotique dans une grande partie de son chapitre. Dès la première phrase, l'auteur définit le type d'obéissance que doivent adopter les commandés dans un gouvernement despotique : c'est une « obéissance extrême » (ligne 2). Les gouvernés du despote doivent se soumettre absolument à lui et on ne peut atteindre un plus haut degré de soumission que celui du despotisme. Cela est la conséquence directe de la nature même du régime (« la nature du gouvernement demande une obéissance extrême » lignes 1 et 2). C'est donc l'essence du régime qui entraîne cette soumission totale des gouvernés devant leur(s) gouvernant(s). « L'obéissance extrême » est alors absolument nécessaire au régime despotique, qui ne peut pas être si ce rapport entre commandés et commandants est autre. La survie du despote dépend de cette forme d'obéissance, c'est-à-dire que le despotisme s'arrête là où la soumission absolue des sujets n'est plus. Montesquieu pour illustrer la portée de son propos va utiliser une analogie entre l'exécution de « la volonté du prince » et le jeté d'une boule contre une autre. Une précision doit être faîte : bien que le terme « prince » soit ici au singulier, il faut l'entendre comme puissance souveraine, pouvant être composée d'un ou plusieurs individus (par exemple, le despotisme peut être celui d'un tyran solitaire mais aussi celui du peuple). Mais reprenons l'analogie. Tout comme lorsque deux corps se heurtent, une volonté du prince doit être, immédiatement après son énonciation, suivie de ses effets. L'application du décret du prince (bien que relevant de lois positives et humaines) doit réagir de la même façon que réagissent les lois physiques, dont les résultats se vérifient nécessairement (par ailleurs, Montesquieu utilise l'adjectif « infailliblement » à la ligne 4 qui montre que cela ne peut se produire autrement). Ainsi, si on reprend l'exemple pris dans l'analogie de Montesquieu, on peut lancer autant de fois une boule contre une autre mais, dans aucun cas (à lancé de force égale et sans obstacle sur sa trajectoire), la deuxième boule ne sera pas envoyé dans une direction. De plus, c'est immédiatement après le choc, provoqué par la rencontre de ces deux boules, que l'effet de celui-ci se produit. Il n'existe, en effet, aucun décalage entre le moment où la boule heurte l'autre et le résultat de cette action. Le jeté d'une boule contre une autre est donc nécessairement suivi de façon immédiate de son résultat qui ne peut être autre. A l'image du choc des boules, la volonté de la puissance souveraine implique l'immédiateté dans le temps et dans l'espace de son application. Par cette analogie, Montesquieu montre au lecteur l'aspect très mécanique du régime despotique : un ordre du prince se suivant immédiatement et immanquablement de son exécution.

 

Le deuxième paragraphe poursuit la logique du premier et est, en fait, la conséquence de cette analogie. En effet, si les volontés du prince doivent être suivies d'effets de façon immédiate et nécessaire, celles-ci ne doivent rencontrer aucun obstacle. En effet, un seul accident entraverait l'application absolue des volontés de la puissance souveraine comme un obstacle sur la trajectoire de la boule entraverait le phénomène physique qui devait se faire vérifier. Montesquieu, grâce à une longue accumulation (« il n'y a point de tempérament... rien d'égal ou de meilleur à proposer » de la ligne 6 à la ligne 9), insiste sur ce point, qui reflète l'intransigeance du régime despotique. Il est ainsi impensable qu'une volonté du prince soit l'objet d'une révision ou d'une critique aussi petite soit elle, d'un « tempérament » (terme juridique désignant la limitation, l'atténuation ou l'assouplissement d'une loi généralement inapplicable dans la pratique à cause de sa rigueur et de son inflexibilité) ou encore d'une négociation. Montesquieu conclut alors cette accumulation par une définition du lien qui unit un individu avec celui ou ceux qui le gouverne(nt) sous le despotisme : « l'homme est une créature qui obéit à une créature qui veut. » Cette définition du lien politique est très réduite, si bien qu'on peut se demander légitimement si, dans un tel gouvernement, la politique existe encore. En effet, on discerne encore ici le côté mécanique d'un tel régime, le sujet ne pouvant qu'obéir au despote. Mais pourquoi, dans un gouvernement despotique, l'individu est-t-il réduit à la simple exécution silencieuse ? Ne peut-il pas, en effet, choisir la voix de la désobéissance ?

 

La réponse à cette question est donnée par Montesquieu. Si l'individu ne peut qu'obéir dans le silence, c'est parce que dans le despotisme l'homme est comme une bête (l'auteur en fait la comparaison explicite à la ligne 14 : « le partage des hommes, comme des bêtes »). En effet, les hommes à l'image des animaux agissent par instinct, au sens où un de leur but est de se conserver. Or dans le régime despotique, la désobéissance met en danger cette conservation. Effectivement, la nature du régime impliquant nécessairement une obéissance extrême, si un sujet seulement transgresse une volonté du prince, celui ci doit être condamné. La désobéissance ne peut être tolérée par le despote. Montesquieu appuie son propos sur deux faits historiques qu'il utilise comme exemples (paragraphe 5). Le premier aborde un aspect de la réalité de la Perse, régime despotique pris en exemple par Montesquieu dans un récit de voyage écrit par Jean Chardin (source privilégiée de l'auteur de l'Esprit des Lois). Ainsi, si le despote persan a condamné quelqu'un pour quelques raison que ce soit, il est hors de question de revenir sur cette décision et même « s'il (le despote) était ivre ou hors de sens ». La sentence prononcée, rien ne peut permettre de l'annuler et même de la nuancer. En effet, comment le despote pourrait accepter d'afficher publiquement son erreur ? La seule solution est donc d'appliquer de façon extrêmement rigide les lois, même si elles n'ont aucun fondement. Par exemple, lorsque Assuérus a donné l'ordre d'exterminer les Juifs, la seule chose envisageable était de donner le droit aux Juifs de se défendre. En effet, il était impensable qu'un despote abroge une loi qu'il avait décidé. Dans le régime despotique, la structure politique étant quasiment inexistante et se réduisant en fait à la seule puissance souveraine. La loi se résume donc au prince. Avouer la contradiction du despote, c'est remettre en cause l'autorité absolue que détient le souverain. En réalité l 'obéissance est détenue dans un tel régime uniquement par la crainte que fait régner le despote (bien que pas explicitement dit) En effet, donc mettre en péril le régime, qui serait soumis à des hauts risques de révoltes. La clémence et l'humanité sont contradictoires avec le principe du gouvernement despotique : point fondamental sur lequel Montesquieu insiste. La pression que maintient le régime sur le peuple ne doit jamais se relâcher, car cela entraînerait inéluctablement la mort du régime. Faille du régime : quand clémence et humanité apparaît. Régime de l'excès.

 

Cependant, Montesquieu va montrer qu'il existe une force régulatrice de ces excès : la religion. En effet, elle est bien la seule autorité à être au-dessus de l'autorité. Montesquieu met bien en évidence la différence qui existe entre le droit divin et le droit naturel. Au niveau du droit naturel, le tyran est considéré comme n'étant « plus un homme » : il n'est pas de fait soumis à celui-ci, contrairement au reste de ses sujets (on peut voir ici une relation de verticalité). Le despote est bien, en effet, celui qui est au-dessus des lois. Cependant s'il échappe au droit naturel, il n'en est pas de même en ce qui concerne le droit le despote règne au dessus de son peuple sans aucune autorité terrestre pour le tempérer, il ne passe pourtant pas outre l'autorité divine. Le tyran est certes au dessus du droit des hommes mais il ne l'est pas du droit divin qui est « d'un précepte supérieur » (ligne 35). Tous les individus, sans exception et donc y compris les despotes, sont soumis à l'autorité divine. Le tyran étant (au regard des lois divines) sur le même plan horizontal que ses sujets, il ne peut par ses volontés contredire ce droit suprême qu'il doit respecter lui aussi. L'autorité du souverain trouve donc une limité à son pouvoir, imposée par une autorité supérieur. On peut donc voir dans le despotisme une réalité moins monolithique qu'il n'y paraît. Cette combinaison du droit divin et du droit du tyran rend le régime despotique plus supportable, en atténuant la dureté du despotisme.

 

 

 

 

C'est seulement au 7ème paragraphe que Montesquieu aborde la question de l'obéissance dans le régime monarchique ou modéré. Le pouvoir détenu par le souverain qui dirige, seul, l'Etat est limité non pas, comme dans le régime despotique par la religion, mais par l'honneur, principe même de la monarchie. En effet, la monarchie c'est le règne de l'honneur. Celui-ci se déploie non seulement sur l'ensemble des sujets mais aussi sur le prince lui-même qui n'échappe pas à la règle. Montesquieu utilise une comparaison entre l'action de l'honneur et celle d'un monarque afin de montrer l'emprise qu'à la première sur l'action des hommes. L'honneur agit alors « comme un monarque » (ligne 43) sur les hommes : il leur donne des ordres, les soumet à ses volontés... Le roi comme les sujets ne peuvent donc échapper aux règles et aux ordres qui leur sont dictés par cette puissance supérieure pour leur en substituer d'autres. C'est dire à quel point l'honneur est puissant sur eux puisqu'il dépasse même la puissance que pourrait avoir la religion (« On n'ira point lui alléguer les lois de la religion. Un courtisan se croirait ridicule. On lui alléguera sans cesse celles de l'honneur. » de la ligne 43 à la ligne 46). Ceux-ci agissent non pas en fonction de leur crainte de recevoir un châtiment en mécontentant une puissance supérieure à l'image de la divinité ; mais bien en fonction de leur sens de l'honneur. En effet, il y a ici une distinction importante : bien que l'honneur agisse « comme un monarque » (ligne 43) sur le prince et son peuple, il ne peut rien leur arriver s'ils désobéissent à cette puissance et s'ils agissent selon leur honneur, c'est bien parce qu'ils ne peuvent faire autrement. En somme, l'honneur ne consent pas à l'obéissance pour elle-même mais pour lui, non pour la vertu de la soumission mais pour ce qu'il rejaillit de grandeur sur lui.

 

 

 

 

Dans la dernière partie de son texte, Montesquieu conclut au sujet des observations préliminaires sur les deux régimes, despotique et monarchique. En effet, il va ainsi faire une synthèse des différences et des ressemblances entre ces deux régimes. L'obéissance n'a pas la même origine dans ces deux régimes.

 

 

 

 

 

Pour conclure,

 

 

  1.  
    1.  
      1.  

           

 

Liens utiles