Devoir de Philosophie

LA MORT DES CAMARADES - SAINT-EXUPÉRY, Terre des Hommes

Publié le 13/10/2011

Extrait du document

Dans ces pages, Saint-Exupéry exprime les réflexions que lui inspire la mort de ses compagnons aviateurs disparus au cours de leurs missions. Vous analyserez ce texte en vous attachant à dégager les constatations, les idées autour desquelles s'organise cette méditation. Puis, sans vous en tenir à l'exemple des aviateurs, vous examinerez le problème soulevé par Saint-Exupéry dans cette phrase : « La grandeur d'un métier est, peut-être, avant tout, d'unir des hommes«. Vous exposerez, bien entendu, votre opinion sur la question.

« La nouvelle ne semblait guère inquiétante, et, cependant, après dix minutes de silence, tous les postes radio de la ligne de Paris jusqu'à Buenos-Aires commencèrent leur veille dans l'angoisse .

Car si dix minutes de retard n'ont guère de sens dans la vie journalière, elles prennent dans l'aviation postale une lourde signification.

Au cœur de ce temps mort, un événement encore inconnu se trouve enfermé .

Insignifiant ou malheureux , il e.st désormais révolu.

La destinée a pro­ noncé son jugement, et; contre ce jugement, il n'est plus d'appel : une main de fer a gouverné un équipage vers l'amerrissage sans gra­ vité ou l'écrasement.

Mais le verdict n'est pas signifié à ceux qui attendent .

Lequel d'entre nous n'a point connu ces espérances de plus en plus fragiles, ce silence qui empire de minute en minute comme une mala­ die fatale? Nous espérions, puis les heures se sont écoulées, et, peu à peu, il s'est fait tard.

Il nous a bien fallu comprendre que nos camara­ des ne rentreraient plus, qu'ils reposaient dans cet Atlantique Sud dont ils avaient si souvent labouré le ciel.

Mermoz, décidément, s'était retranché derrière son ouvrage, pareil au moissonneur, qui, ayant lié sa gerbe, se couche dans son champ .

Quand un camarade meurt ainsi, sa mort paraît encore un acte qui est dans l'ordre du métier, et, tout d'abord, blesse peut-être moins qu'une autre mort.

Certes il s'est éloigné celui-là, ayant subi sa der­ nière mutation d'escale, mais sa présence ne nous manque pas encore en profondeur comme pourrait nous manquer le pain.

Nous avons en effet l'habitude d'attendre longtemps les rencon­ tres .

Car ils sont dispersés dans le monde, les camarades de ligne, de Paris à Santiago du Chili, isolés un peu comme des sentinelles qui ne se parleraient guère.

Il faut le hasard des voyages pour rassembler, ici ou là, les membres dispersés de la grande famille professionnelle .

Autour de la table d'un soir, à Casablanca, à Dakar, à Buenos-Aires, on reprend, après des années de silence, ces conversations interrom­ pues, on se renoue aux vieux souvenirs .

Puis l'on repart.

La terre ainsi est à la fois déserte et riche.

Riche de ces jardins secrets, cachés, dif­ ficiles à atteindre, mais auxquels le métier nous ramène toujours, un jour ou l'autre.

Les camarades, la vie peut-être nous en écarte, nous empêche d'y beaucoup penser, mais ils sont quelque part, on ne sait trop où, silencieux et oubliés, mais tellement fidèles! Et si nous croi­ sons leur chemin, ils nous secouent par les épaules, avec de belles flambées de joie! Bien sûr, nous avons l'habitude d'attendre ..

.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles