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Le mot d'humanité désigne-t-il une réalité susceptible d'être scientifiquement connue, ou seulement un idéal, ou plus simplement encore une fiction ?

Publié le 23/03/2004

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XII). Chaque homme est « un anneau dans la chaîne », et tous ces anneaux « se correspondent et se reproduisent au point d'être virtuellement impliqués les uns dans les autres » (Ibid., I, p. 275). D'où une idée « de persistance et d'éternité de la vie, jointe à l'idée du changement de la forme » (Ibid., I, p. 415). - Les Saint-Simoniens avaient déjà dit, auparavant : « L'humanité est un être collectif qui se développe; cet être a grandi de génération en génération, comme un seul homme grandit dans la succession des âges » (Doctr. saint-simonienne, 2e séance, 31 déc. 1828).

« bien qu'un jour on soit l'humanité », écrivait Jules ROMAINS dans La vie unanime. B.

— Cette conception implique évidemment la constitution d'une civilisation internationale ou plutôt supranationale,comportant un certain nombre de valeurs communes.

Mais elle n'exige pas nécessairement la renonciation auxvaleurs propres à chaque civilisation particulière ni l'effacement de toutes les originalités.

« L'humanité et la société,quand on les prend en général, écrit G.

DAVY (Sociologie politique, p.

219), ne sont que des abstractions : ce que laréalité offre aux prises de la science, ce sont les sociétés diverses, et non la société...

L'humanité, la sociétéhumaine sans distinction d'espèces ne sont qu'une notion idéale, une notion-limite.

Il ne semble pas que, dans l'étatactuel tout au moins, ni nos personnes ni nos groupements puissent totalement se dépersonnaliser.

» Idéal, notion-limite, telle est bien en effet l'humanité ainsi entendue, et cette notion n'exclut ni la légitimité des originalitéspropres à chaque groupe ni non plus le sentiment des difficultés à vaincre pour s'en rapprocher sans cessedavantage. III.

L'humanité, réalité. Mais ne peut-on aller plus loin? Cet idéal n'aurait-il pas quelques points d'appui dans la réalité même d'aujourd'hui etde toujours? « L'humanité » ne serait-elle pas quelque chose de plus qu'un beau rêve d'avenir? La solutionnominaliste à laquelle nous avons fait allusion au début serait ainsi définitivement écartée. A.

— Si une autre solution a paru longtemps difficile ou même inacceptable, ce fut à cause de la défaveur danslaquelle était tombée la notion de « nature humaine ».

Celle-ci a été longtemps conçue, sous l'influence de laphilosophie rationaliste du XVIIe et du xViiie siècle, comme une entité immuable, en dehors de toute histoire et detoute détermination concrète.

La notion des « droits de l'homme » telle que la conçut la Révolution, était encoreimprégnée de ce préjugé fixiste et « métaphysique », au sens que COMTE donne à ce terme.

Or, au cours du XIXesiècle et au début du XXe, le progrès des sciences humaines, de l'histoire et de l'ethnologie en particulier, avaitfortement ébranlé ce préjugé.

Ces sciences ne nous montraient partout, semblait-il, que diversité, variabilité, parfoisétrangeté dans les moeurs, les coutumes, les croyances et même dans les tendances de l'être humain.

De nos joursmême, l'existentialisme a, pour d'autres raisons, achevé de ruiner cette notion d'une « nature humaine » donnéetoute faite et comme figée. B.

— Il est remarquable toutefois que, si cette notion abstraite et comme désincarnée de la « nature humaine » estaujourd'hui dépassée, une autre conception de l'homme et de sa nature se reconstitue, dans la penséecontemporaine, sur des bases plus concrètes et, en définitive, plus riches.

La notion du « droit naturel » quecertains considéraient comme périmée, reprend vigueur chez les juristes comme chez les philosophes.

L'un d'euxn'hésite pas à affirmer qu'à côté des « éléments accidentels » qui distinguent individuellement chaque homme de sonsemblable, à côté des influences du milieu sociologique qui « impriment aux inclinations profondes des hommes vivantdans ce milieu une physionomie particulière », il existe dans l'être humain « un élément permanent et qui se retrouvechez tous les hommes » et que cet élément, c'est celui « qui le caractérise comme tel », c'est « son essence ou sanature » (B.

TABBAH, De la Personne humaine à la Communauté humaine, p.

26).

Mais le plus remarquable peut-êtreest que les ethnologues eux-mêmes reviennent à l'idée que, sous toutes les différences de civilisations, il existe unfonds commun qui constitue la nature fondamentale de l'homme.

Cette idée a été remarquablement illustrée par Cl.LÉVI-STRAUSS dans son étude sur les Structures élémentaires de la parenté et dans son Anthropologie structurale.Il n'y a pas continuité, selon cet ethnologue, entre la nature et la culture; de l'une à l'autre, il y a, non pas union,mais « transformation et passage ».

« Ce qui est constant chez tous les hommes échappe nécessairement audomaine des coutumes, des techniques et des institutions par lesquelles les groupes se différencient et s'opposent.Tout ce qui est universel chez l'homme, relève de l'ordre de la nature et se caractérise par la spontanéité; tout cequi est astreint à une norme, appartient à la culture et présente les attributs du relatif et du particulier » (Parenté,p.

9).

L'ethnologie permet précisément d'atteindre la structure inconsciente, sous-jacente à chaque coutume, àchaque institution : « L'activité inconsciente de l'esprit consiste à imposer des formes à un contenu, et ces formessont fondamentalement les mêmes pour tous les esprits, anciens et modernes, primitifs et civilisés » (Rev.

deMétaphysique et de Morale, juill.-oct.

1949, p.

386).

— La nature humaine, c'est l'ensemble de ces virtualités que laculture organise et diversifie de multiples façons, selon des types de structure qu'il est possible de déterminer.

Ence sens, l'humanité est bien quelque chose de réel. Conclusion .

L'humanité n'est pas seulement une fiction, ni même un idéal.

Il y a bien, sous toutes les diversités qu'elle nous présente, un fonds commun qui est une réalité.. »

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