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Mourir pour une cause plaide-t-il pour cette cause ?

Publié le 27/02/2004

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A cette position dogmatique Nietzsche oppose l'attitude de celui qui recherche le vrai, le savant ou le philosophe. L'attitude convenable devant la question de la vérité consiste précisément à poser la question, à commencer par admettre que l'accès à la vérité passe par le questionnement, par l'interrogation et non par l'affirmation. Que la vérité existe d'abord sous la forme de la question, c'est justement ce que rejettent absolument le martyr et le croyant (cf. la nuance : " ... la fermeture d'esprit devant la question de la vérité "). La racine de la critique de Nietzsche sera saisie quand nous aurons expliqué le concept de vérité sous-jacent à ce texte et qui s'exprime dans la phrase suivante : " La vérité n'est pas une chose que l'un posséderait et l'autre non ". Dans cette phrase laconique, Nietzsche indique que la vérité est universelle ou n'est pas, en ce sens qu'elle ne peut appartenir à une seule personne sans être en même temps accessible à une autre : elle est donc un résultat obtenu au terme de procédures rationnelles que chacun peut vérifier et employer à son tour. Selon cette détermination, la vérité est un type de discours sur lequel une communauté est d'accord. La vérité est un koinos logos, un discours commun. L'idée d'une vérité possédée seulement par un homme n'est pas compatible avec l'idée rationnelle de la vérité, sinon il devient impossible de faire une différence entre croyance et vérité, entre opinion et savoir.

« aboutit seulement à la négation de l'être.

Aucune cause ne saurait être défendue par un avocat absent.] La mort ne plaide pour aucune causeCe n'est pas en mourant, mais en luttant, que l'on sert le mieux une cause.

Seule la vie peut réaliser un idéalet, pour cela, elle doit tenir la mort en respect.

En mourant pour une cause, je ne suis que son esclave.Simple moyen au service d'une cause, je deviens une chose.

Or l'homme a une dignité personnelle qui luiconfère une valeur incomparable.

Nous ne devons pas consentir à notre destruction, car conserver la vie estun devoir.

Ma mort peut être un plaidoyer pour moi-même, mais je ne suis plus là pour entendre.

Si je suismort, où est ma victoire? La mort ne prouve pas la valeur de la causeLes attentats-suicides des extrémistes ne démontrent pas la valeur de la cause des terroristes.

Tout au pluspassent-ils pour des fanatiques et des fous.

Diadore Cronos est mort de honte pour ne pas avoir su résoudreun argument.

L'exemple du hara kiri, pratique qui, pour les Japonais, n'est pas un suicide, mais un sacrificeconsenti à l'empereur-soleil, montre que la valeur pour laquelle on engage sa vie peut être dérisoire etinhumaine. "Que des martyrs prouvent quelque chose quant à la vérité d'une cause,cela est si peu vrai que je veux montrer qu'aucun martyr n'eut jamais lemoindre rapport avec la vérité.

Dans la façon qu'a un martyr de jeter sacertitude à la face de l'univers s'exprime un si bas degré d'honnêtetéintellectuelle, une telle fermeture d'esprit devant la question de la vérité,que cela ne vaut jamais la peine qu'on le réfute.

La vérité n'est pas unechose que l'un posséderait et l'autre non (…).

Plus on s'avance dans leschoses de l'esprit, et plus la modestie, l'absence de prétentions sur cepoint deviennent grandes : être compétent dans trois ou quatre domaines,avouer pour le reste son ignorance (…).Les martyrs furent un grand malheur dans l'histoire : ils séduisirent.Déduire (…) qu'une cause pour laquelle un homme accepte la mort doitbien avoir quelque chose pour elle - cette logique fut un frein inouï pourl'examen, l'esprit critique, la prudence intellectuelle.

Les martyrs ont portéatteinte à la vérité.

Il suffit encore aujourd'hui d'une certaine cruauté dansla persécution pour donner à une secte sans aucun intérêt une bonne réputation.

Comment ? Que l'on donne sa vie pour une cause, cela change-t-il quelque chose à savaleur ? (…) Ce fut précisément l'universelle stupidité historique de tous les persécuteurs quidonnèrent à la cause adverse l'apparence de la dignité." NIETZSCHE.

QUESTIONNEMENT INDICATIF• Qu'est-ce qui justifie, dans le texte, que — selon Nietzsche « aucun martyr » n'a jamais eu « le moindrerapport avec lavérité » ?• Y a-t-il nécessairement contradiction entre dire « être compétent dans trois ou quatre domaines » et « lavérité n'est pas une chose que l'un posséderait et l'autre non »?• En quoi, selon Nietzsche, « les martyrs furent un grand malheur dans l'histoire »?• Quel est l'enjeu de ce texte ?— Une appréciation des martyrs ?— Une appréciation (ou mise en valeur) de la conditionminimale d'un rapport « véridique » à la vérité ? Une caractérisation de la vérité ? Pour sacrifier sa vie à une cause, il faut sans nul doute être convaincu de sa valeur.

Nul plus que le martyrn'est certain de posséder le vrai.

Mais la certitude est-elle une condition nécessaire et suffisante de la vérité? C'est à cette question que Nietzsche répond dans ce texte, par le moyen d'une méditation provocante sur lemartyr qui, précisément parce qu'il croit posséder la vérité, en est le plus éloigné.

Pouvoir mourir pour sesidées n'est pas une preuve de leur vérité mais seulement la manifestation de la force de la croyance dumartyr.

Or la croyance est pour Nietzsche et dans ce texte, un obstacle à la recherche de la vérité dans lamesure où elle est la certitude aveugle de la posséder.

L'attitude du croyant, qui consiste à poser lapossession immédiate du vrai dans et par l'acte de foi est exactement l'inverse de l'attitude de celui quirecherche le vrai, attitude qui consiste à poser au préalable la non possession immédiate de la vérité : larecherche de la vérité exige l'aveu préalable qu'on ne la possède pas.

Aussi à travers cette critique du martyr,c'est l'aveuglement du croyant compris comme type d'homme et comme type de relation à la vérité rendantcelle-ci impossible, que Nietzsche entend critiquer.

" Aucun martyr n'eut jamais le moindre rapport avec la vérité ".

Telle est la thèse énoncée avec une brutalitévoulue, que Nietzsche va expliciter dans le texte.

Cette thèse s'oppose à une opinion très répandue, selonlaquelle le martyr a raison, puisqu'il est capable de mourir pour ses idées.

Justement Nietzsche ne prend pas lapeine de réfuter l'opinion commune.

Il ne s'arrête pas à l'affirmation selon laquelle souffrir pour une cause n'estpas une preuve de sa vérité : discuter, cela serait en effet admettre que le martyr entretient une relation. »

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