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Nietzsche: l'ébauche d'une toile de Raphaël ou une scène comparable à celles d'un drame de Shakespeare

Publié le 27/02/2008

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nietzsche
Comme nous avons bonne opinion de nous-mêmes, mais sans aller jusqu'à nous attendre à jamais pouvoir faire même l'ébauche d'une toile de Raphaël ou une scène comparable à celles d'un drame de Shakespeare, nous nous persuadons que pareilles facultés tiennent d'un prodige vraiment au-dessus de la moyenne, représentent un hasard extrêmement rare, ou, si nous avons encore des sentiments religieux, une grâce d'en haut. C'est ainsi notre vanité, notre amour-propre qui nous poussent au culte du génie : car il nous faut l'imaginer très loin de nous, en vrai miraculum, pour qu'il ne nous blesse pas (même Goethe, l'homme sans envie, appelait Shakespeare son étoile des altitudes les plus reculées ; on se rappellera ce vers : « Les étoiles, on ne les désire pas »). Mais, compte non tenu de ces insinuations de notre vanité, l'activité du génie ne paraît vraiment pas quelque chose de foncièrement différent de l'activité de l'inventeur mécanicien, du savant astronome ou historien, du maître en tactique ; toutes ces activités s'expliquent si l'on se représente des hommes dont la pensée s'exerce dans une seule direction, à qui toutes choses servent de matière, qui observent toujours avec la même diligence leur vie intérieure et celle des autres, qui voient partout des modèles, des incitations, qui ne se lassent pas de combiner leurs moyens. Le génie ne fait rien non plus que d'apprendre d'abord à poser des pierres, puis à bâtir, que de chercher toujours des matériaux et de toujours les travailler; toute activité de l'homme est une merveille de complication, pas seulement celle du génie : mais aucune n'est un « miracle ». - D'où vient alors cette croyance qu'il n'y a de génie que chez l'artiste, l'orateur et le philosophe? Qu'eux seuls ont de l'« intuition» ? (Ce qui revient à leur attribuer une sorte de lorgnette merveilleuse qui leur permet de voir directement dans 1'« être» !) Manifestement, les hommes ne parlent de génie que là où ils trouvent le plus de plaisir aux effets d'une grande intelligence et où, d'autre part, ils ne veulent pas éprouver d'envie. Dire quelqu'un «divin» signifie : «Ici, nous n'avons pas à rivaliser.» Autre chose : on admire tout ce qui est achevé, parfait, on sous-estime toute chose en train de se faire ; or, personne ne peut voir dans l'oeuvre de l'artiste comment elle s' est faite; c'est là son avantage car, partout où l'on peut observer une genèse, on est quelque peu refroidi ; l'art achevé de l'expression écarte toute idée de devenir; c'est la tyrannie de la perfection présente. Voilà pourquoi ce sont surtout les artistes de l'expression qui passent pour géniaux, et non pas les hommes de science; en vérité, cette appréciation et cette dépréciation ne sont qu'un enfantillage de la raison. Nietzsche

Rapporter le génie à la nature, le définir par son originalité peut conduire à ériger une véritable barrière entre le créateur et les autres. Nietzsche s'élève contre une telle conséquence : reconnaître le génie ne doit pas empêcher de se mesurer à lui ; c'est par une sorte de paresse que l'on accepte de le considérer comme miraculeux. Ce qui est humain doit être compréhensible aux hommes, sauf s'ils trouvent un intérêt dans l'ignorance.  C'est bien ce qui se produit dans le phénomène du «culte du génie« Contrairement à ce qu'on pourrait attendre, ce n'est pas la bonne opinion de l'artiste qui en est la première source, mais l'amour-propre de celui qui le sacralise : il est désagréable et désavantageux de se comparer au génie, il est donc plus confortable d'ignorer sa part d'humanité, qui rend la comparaison possible. Au-delà de la sacralisation du génie, c'est un réel mépris qui se fait jour : « nous n'avons pas à rivaliser « veut dire aussi que l'homme supérieur peut exister hors du monde, sans que nous nous sentions concernés par ce qu'il fait.  C'est pourquoi l'accent est porté sur l'objet de ce déni, à savoir le travail, qui permet à l'être dit génial de dépasser les limites ordinaires de l'expérience et de la pensée, travail de genèse, par lequel se constituent, loin de surgir miraculeusement, les idées et les oeuvres. Ce travail peut en fait ne pas en avoir l'apparence et se confondre avec une biographie : celle d'un homme « dont la pensée s'exerce dans une seule direction, à qui toutes choses servent de matière «.  La genèse, l'activité se distinguent de l'effet : le philosophe, qui prétend détenir le sens de l'être, l'orateur, dont le talent est justement celui de l'effet, l'artiste même, en tant qu'il est pourvoyeur d'un plaisir que Nietzsche juge superficiel, accaparent à tort l'admiration que l'on doit à tout créateur.

nietzsche

« Or, la philosophie de Nietzsche consiste à chercher ce qui se trouve être les motivations réelles des valeurs, c'est en ce sens que la philosophie de Nietzsche a pu être qualifiée de philosophie du soupçon.

La méthodegénéalogique consiste à reconduire une valeur à des passions. Problématique : Ici, c'est donc le jugement de valeur porté à l'endroit d'une œuvre artistique dont on juge que l'auteur est un génie.Qu'est-ce qu'un tel jugement cache ? Quand nous affirmons que l'artiste est inégalable, qu'est ce que nous faisons,qu'est ce que nous visons ? Nous contentons-nous d'émettre une appréciation ou y a-t-il un intérêt à un tel énoncéqui fait partie de l'opinion commune ? Commentaire : 1.

du début à « …les étoiles ont ne les désire pas) » a) Nietzsche commence par affirmer la haute opinion dans laquelle nous nous tenons généralement.

Cette vanité générale de l'homme pour sa propre personne se heurt à l'œuvre d'artcomme production d'un autre homme qui y fait preuve de plus d'adresse ou de génie que je ne sauraisjamais égaler.

Ainsi, la vanité ne conduit-elle pas à nier la valeur de l'œuvre d'art, mais au contraired'encenser l'œuvre et son auteur en la qualifiant de « prodige », voire écrit Nietzsche d'une « grâced'en haut ». b) C'est notre passion qui nous pousse à reconnaître le génie et Nietzsche écrit quelque chose de très important « il nous faut l'imaginer très loin de nous, en vrai miraculum, pour qu'il ne nousblesse pas ».

En qualifiant l'artiste de génie, je l'éloigne de la condition d'homme et donc de toutecomparaison avec ma propre intelligence.

Le mouvement consiste à mettre l'artiste sur un piédestal, àl'extraire de la normalité, pour ne pas qu'il remette en question ma propre médiocrité. c) L'exemple de Goethe qui appelle Shakespeare son étoile, relève du même processus. Nietzsche cite le vers de Goethe : « Les étoiles on ne les désire pas » pour montrer que ce faisant iln'y a pas de relation de rivalité.

2.

« …aucune n'est un miracle.

» a) Il s'agit pour Nietzsche de montrer que le miracle artistique n'existe pas.

Il commence par affirmer que l'activité du génie est la même que celui du savant ou de l'historien.

L'artiste, peintre oupoète, n'est pas le seul à pouvoir faire preuve de génie, c'est le cas précise Nietzsche de tout homme« dont la pensée s'exerce dans une seule direction » c'est-à-dire qui mobilise toute leur intelligence àune seule matière et qui envisage l'ensemble des objets du monde dans cette direction unique. b) Le génie artistique n'a rien d'inné, il s'apprend petit à petit.

Nietzsche refuse à l'Art le statut particulier d'extrême difficulté.

Il refuse la prétention d'un génie à être né génie.

Il conclut en disantque le miracle n'existe pas, qu'il n'y a pas entre la production esthétique et le reste des activités unesorte de saut qui fait sortir l'artiste de l'humanité mais seulement plus ou moins d'ingéniosité etd'habitude.

Le miracle, c'est précisément quelque chose d'inhabituel, qui ne trouve pas decomparaison possible or cela n'existe pas il faut donc se demander ce qui motive ce jugement.

C'estce que Nietzsche fait dans un troisième et dernier temps. 3.

« …un enfantillage de la raison » a) Il faut donc se demander d'où vient que le jugement de valeur soit réservé à une certaine catégorie d'activités plutôt qu'à d'autre « l'artiste, l'orateur et le philosophe ».Nietzsche précise que la croyance aux génies est la croyance qu'eux seuls auraient accèsdirectement à la vérité de l'être, par une sorte de « lorgnette merveilleuse ».

Pour Nietzsche,cette croyance a deux raisons, d'une part « là où ils trouvent le plus de plaisir aux effets d'unegrande intelligence » c'est-à-dire en art ou en philosophie et quand il n' y a pas de rivalitépossible.

Nous avons déjà parler de la seconde en première partie., Nietzsche n'y revient quepour affirmer : « Dire quelqu'un «divin» signifie : «Ici, nous n'avons pas à rivaliser.» b) Or, si cela est réservé à ces domaines c'est que par exemple l'artiste achève son travail et que l'on ne voit pas que l'artiste a mis du temps avant de terminer, etqui peut faire l'objet de tâtonnements d'hésitation.

Cela va en sens contraire de la croyanceen une divinité.

Pour que le mouvement de divinisation soit possible il faut que ce qui en estl'objet soit fixe.

On n'a jamais vu de divinité dans le devenir. c) Le scientifique est au contraire déprécié, précisément parce que le travail du scientifique n'a pas de terme.

Nietzsche conclut donc que le jugement de valeur commun àapprécier l'art et à déprécier la science n'est qu'un « enfantillage de la raison » qui ne repose. »

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