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Nietzsche: Le manque de sens historique

Publié le 22/04/2005

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Le manque de sens historique est le péché originel de tous les philosophes : beaucoup, sans s'en rendre compte, prennent même pour la forme stable dont il faut partir la toute dernière figure de l'homme, telle que l'a modelée l'influence de certaines religions, voire de certains événements politiques. Ils ne veulent pas comprendre que l'homme est le résultat d'un devenir... que la faculté de connaître l'est aussi [...] Or tout l'essentiel de l'évolution humaine s'est déroulé dans la nuit des temps, bien avant ces quatre mille ans que nous connaissons à peu près ; l'homme n'a sans doute plus changé beaucoup au cours de ceux-ci. Mais voilà que le philosophe aperçoit des « instincts » chez l'homme actuel et admet qu'ils font partie des données immuables de l'humanité, qu'ils peuvent fournir une clé pour l'intelligence du monde en général ; toute la téléologie est bâtie sur ce fait que l'on parle de l'homme des quatre derniers millénaires comme d'un homme éternel sur lequel toutes les choses du monde sont naturellement alignées depuis le commencement. Mais tout résulte d'un devenir ; il n'y a pas plus de données éternelles qu'il n'y a de vérités absolues. C'est par la suite la philosophie historique qui nous est dorénavant nécessaire et avec elle la vertu de modestie. Nietzsche

QUESTIONS    1) Dégagez les étapes de l'argumentation de Nietzsche.  2) Comment comprenez-vous l'expression : « figure de l'homme «?  3) Pourquoi le mot « instincts « est-il mis entre guillemets ? A quels exemples l'auteur a-t-il pu penser ?  4) Essai personnel : La thèse de Nietzsche : « tout résulte d'un devenir; il n'y a pas plus de données éternelles qu'il n'y a  de vérités absolues « vous paraît-elle sujette à discussion ?  • Étapes de l'argumentation :  — Le manque de sens historique des philosophes.  — L'ignorance de la longue évolution humaine qui fait admettre.  — Le postulat d'une nature humaine, au regard des quatre mille ans que nous pouvons connaître.  — La nécessité d'une nouvelle philosophie.  • Quelques « instincts « que Nietzsche étudie dans son œuvre : l'instinct de connaissance, de vérité, l'instinct grégaire. Ces exemples devraient vous permettre de répondre à la question des guillemets.

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« transformation d'espèces, nous apprend que l'homme n'est pas cette forme stable dont nous parle la religion,mais « la toute dernière figure de l'homme ».

Cette « figure », c'est-à-dire ce que nous appelons la naturede l'homme, était posée comme fixe et éternelle par les religions se réclamant de la Bible.

C'est dans la Bible,en effet, que se trouve affirmée l'idée selon laquelle « Dieu a fait l'homme à son image ».

Ainsi se trouvaitjustifiée l'éternité de la figure de l'homme, miroir et témoignage de celle de Dieu.Or, pour Nietzsche, il faut se placer dans une tout autre perspective, celle de la science, pour comprendrece qu'est l'homme.

La science nous apprend que ce que nous appelons l'homme n'est que la dernière formeprise par l'évolution de l'espèce humaine.Cette forme actuelle, provisoire et relativement récente, succédant à celle des premiers hommes, plusproches du singe que de nous, a été « modelée » par l'influence de certaines religions et en particulier, pourNietzsche, par le christianisme, qui a cherché à réprimer les instincts par l'apprentissage du renoncement, lacondamnation des manifestations du corps et le rejet des passions.La politique aussi a contribué à ce modelage, notamment par l'entremise de ceux des événements qui ontfavorisé le brassage et le métissage des peuples et des cultures.

Or, ce que les hommes ne veulent pascomprendre concerne le fait que cet homme soi-disant porteur d'une « essence » ou nature éternelle, n'esten réalité que « le résultat d'un devenir ».Cet oubli, Nietzsche l'appelle « manque de sens historique », péché de tout philosophe qui prétend se placertoujours « du point de vue de l'éternité » ou qui, comme Kant ou Hegel, ne nous parle en guise d'histoire quede sa « portion » la plus récente et que l'on fait remonter à l'Antiquité.

Ce à quoi s'oppose cet extrait: Nietzsche s'oppose ici à toute la tradition philosophique en général, mais surtout à celles des doctrines qu'ona appelées « philosophies de l'histoire », comme la philosophie de Hegel.Contrairement à ce dernier, Nietzsche affirme ici qu'il nous faut étendre ce que l'on appelle l'histoire à destemps bien plus reculés, car « tout l'essentiel de l'évolution humaine s'est déroulé dans la nuit des temps,bien avant ces quatre mille ans que nous connaissons à peu près »Al ne faut donc plus opposer, comme lefaisait Hegel, la nature et ses cycles, qui existaient bien avant l'apparition de l'homme, et l'histoire, réduite àl'histoire humaine.En effet, et c'est là l'enseignement des théories de l'évolution, la nature possède aussi une histoire, encontinuité avec la nôtre.

Dans cette frange de temps très partielle que l'homme appelle « l'histoire » et où il« n'a sans doute plus changé beaucoup », les philosophes ont la prétention de lire des vérités éternelles.

Ilsprennent la partie pour le « grand tout » que constitue la véritable histoire, celle de l'évolution.Il est vain de vouloir former, sur des données si réduites et si locales, des conclusions sur la prétenduenature immuable de l'homme, comme celles tirées de l'examen de ses instincts.

La grande erreur vient doncde ce que l'on parle de l'homme de ces quatre derniers millénaires comme d'un homme éternel, qui n'a jamaischangé et qui ne changera plus.

Or, tout résulte d'un devenir et l'homme lui-même évoluera, disparaîtra.Avec cette disparition, ce sont ces prétendues vérités absolues qu'il croit posséder qui disparaîtront aussi,car la faculté de connaître de l'homme, elle aussi, est en devenir.

L'histoire ne doit donc pas être l'alibi denotre orgueil, mais nous rendre plus modestes, car nous sommes éphémères.. »

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