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Nietzsche: Peut-on concevoir une société sans État ?

Publié le 10/03/2005

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nietzsche
L'État, c'est le plus froid de tous les monstres froids. Il ment froidement, et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : Moi, l'État, je suis le Peuple. » C'est un mensonge ! Ils étaient des créateurs, ceux qui créèrent les peuples et qui suspendirent au-dessus des peuples une foi et un amour : ainsi ils servaient la vie. Ce sont des destructeurs, ceux qui tendent des pièges au grand nombre et qui appellent cela un État : ils suspendent au-dessus d'eux un glaive et cent appétits. Partout où il y a encore du peuple, il ne comprend pas l'État et il le déteste comme le mauvais oeil et une dérogation aux coutumes et aux lois. Je vous donne ce signe : chaque peuple a son langage du bien et du mal ; son voisin ne le comprend pas. II s'est inventé ce langage pour ses coutumes et ses lois. Mais l'État ment dans toutes ses langues du bien et du mal ; et, dans tout ce qu'il dit, il ment -, et tout ce qu'il a, il l'a volé. Tout en lui est faux ; il mord avec des dents volées, le hargneux. Même ses entrailles sont falsifiées. Une confusion des langues du bien et du mal, - je vous donne ce signe, comme le signe de l'État. En vérité, c'est la volonté de la mort qu'indique ce signe, il appelle les prédicateurs de la mort ! Beaucoup trop d'hommes viennent au monde : l'État a été inventé pour ceux qui sont superflus ! Voyez donc comme il les attire, les superflus ! Comme il les enlace, comme il les mâche et les remâche ! Il n'y a rien de plus grand que moi sur la terre : je suis le doigt ordonnateur de Dieu », - ainsi hurle le monstre. Et ce ne sont pas seulement ceux qui ont de longues oreilles et la vue basse qui tombent à genoux ! Hélas, en vous aussi, ô grandes âmes, il murmure ses sombres mensonges ! Hélas, il devine les coeurs riches qui aiment à se répandre ! Certes, il vous devine, vous aussi, vainqueurs du Dieu ancien ! Le combat vous a fatigués et maintenant votre fatigue se met au service de la nouvelle idole ! Elle voudrait placer autour d'elle des héros et des hommes honorables, la nouvelle idole ! Il aime à se chauffer au soleil de la bonne conscience, - le monstre froid ! Elle veut tout vous donner, si vous l'adorez, la nouvelle idole : ainsi elle s'achète l'éclat de votre vertu et le fier regard de vos yeux. Vous devez lui servir d'appât pour les superflus ! Oui, c'est l'invention d'un tour infernal, d'un coursier de la mort, cliquetant dans la parure des honneurs divins ! Oui, c'est l'invention d'une mort pour le grand nombre, une mort qui se vante d'être la vie, une servitude selon le coeur de tous les prédicateurs de la mort L'État est partout où tous absorbent des poisons, les bons et les mauvais ; l'État, où tous se perdent eux-mêmes, les bons et les mauvais ; l'État, où le lent suicide de tous s'appelle - la vie ». 1...1 Là où finit l'État, là seulement commence l'homme qui n'est pas superflu : là commence le chant du nécessaire, la mélodie unique, irremplaçable.
nietzsche

« Introduction : Le thème de ce texte est l'État.

Nietzsche y soutient la thèse selon laquelle l'État – ici compris au sens del'État démocratique – s'érige en une nouvelle idole et correspond à une volonté de mort.

Ce texte pose doncproblème car l'État se réclame du peuple et soutient qu'il apporte ainsi plus de liberté que les autres formes desociété.

Ce texte est donc très polémique puisqu'au moment où Nietzsche l'écrit, l'État est une forme sociale quiconnaît un plein essor en Europe et on sait le succès que les États démocratiques remporteront par la suite. Nous avons discerné trois différents moments à ce texte.

Dans un premier moment, Nietzsche montre dequelle manière l'État triche avec le peuple.

Dans un deuxième moment, le philosophe explique que l'État est unenouvelle idole au service des prédicateurs de la mort.

Enfin, dans un troisième moment, Nietzsche décrit commentcet État cherche à instiller la mort dans tous les hommes et il expose alors que la vie véritable se trouve hors del'État. Plan détaillé : Du début du texte jusqu'à « …je vous donne ce signe, comme le signe de l'État.

» : Nietzsche exposede quelle manière l'État triche en manipulant le langage. 1. a) Du début du texte jusqu'à « …dérogation aux coutumes et aux lois.

» : Nietzsche explique que l'État ment lorsqu'il prétend représenter le Peuple.

Un vrai peuple est mû par une« foi et un amour » et ceux qui créèrent les peuples « servaient la vie ».

A l'inverse, ceux qui tiennent les rênes del'État sont des « destructeurs » qui veulent domestiquer le « grand nombre ».

Pour cette raison, ils ne servent pasla vie, ils « suspendent au-dessus d'eux un glaive et cent appétits ».

Ainsi l'État peut-il être vu comme un« monstre froid », un monstre qui n'a pas la vie pour but, un monstre qui ne s'intéresse qu'à ce qui lui est utile :« Les États n'ont pas de sentiments, ils n'ont que des intérêts » affirmait déjà Richelieu.

Nietzsche l'avait déjàsouligné dans le paragraphe 8 de Schopenhauer éducateur : « La vérité importe peu à l'État, seule lui importe une vérité qui lui est utile ou pour parler plus exactement tout ce qui lui est utile, que cela soit vérité, ou demi-vérité,ou erreur.

» b) De « Je vous donne ce signe : chaque peuple a… » à « comme le signe de l'État.

» : Le philosophe montre ensuite quels sont les artifices dont use l'État pour mentir.

Il insiste ici sur le fait quel'État modifie la langue, mais surtout, modifie les valeurs.

En effet, dire que « chaque peuple a son langage du bienet du mal », c'est affirmer que chaque peuple a son propre système de valeurs.

Or l'État falsifie ces valeurs, et ilopère cette falsification grâce au langage, en opérant la confusion dans la langue.

Ici, on peut considérer queNietzsche anticipe sur le roman 1984 de Goerge Orwell, dans lequel l'auteur décrit une forme de manipulation des individus par l'État par l'intermédiaire de la « novlangue.

» Cette novlangue est une nouvelle langue imposée parl'État totalitaire dans lequel le roman se déroule.

Elle possède la particularité de mélanger les concepts de tellemanière que la langue véhicule une « double pensée », c'est-à-dire qu'elle fait en sorte que le sens véhiculé par lesmots ne puisse plus s'extraire du sens que l'État veut lui donner : la double pensée permet de remanierautomatiquement le sens du mot dans l'inconscient de celui qui le prononce.

Ainsi, en novlangue on peut affirmerque « La guerre c'est la paix » et que « La liberté c'est l'esclavage » sans qu'il n'y ait plus contradiction.

Cettemanipulation de la langue, cette « confusion des langues du bien et du mal » qui brouille les concepts et permet demanipuler les individus est l'œuvre de l'État, elle est « le signe de l'État ». Transition : Arrivé à ce point, ne faut-il pas s'interroger sur le sens de cette manipulation ? De « En vérité, c'est la volonté de la mort… », jusqu'à « …appât pour les superflus ! » : Nietzschemontre dans cette deuxième partie que l'État est le fruit d'une volonté de mort qui s'érige en une« nouvelle idole ». 2. a) De « En vérité, c'est la volonté… » à « …ainsi hurle le monstre.

» : Nietzsche démontre ici que l'État est le fait des « prédicateurs de la mort ».

Qui sont-ils ? Ce sont ceuxqui, incapables de vivre, prennent la mort pour but.

C'est pourquoi Nietzsche écrit que « l'État a été inventé pourceux qui sont superflus ».

En effet, ce sont les superflus qui ne parviennent pas à la vie réelle parce que ce sontdes erreurs de la nature, des produits superflus issus de la créativité abondante et absurde de la nature.

Nietzsche,dans la Généalogie de la morale , montre que ceux-ci sont des victimes de la nature et qu'ils sont ainsi habités par un esprit de ressentiment à l'égard du monde.

Pour cette raison, le « monstre froid » trouve en eux des adeptesvolontaires et il peut se présenter à eux comme une nouvelle idole, comme « le doigt ordonnateur de Dieu ». b) De « Et ce ne sont pas seulement ceux… » à « …pour les superflus ! » : Le philosophe explique maintenant que la force de cette nouvelle idole repose également dans le fait qu'ellecorrompt aussi ceux qui étaient forts, ceux que la nature avait bien pourvus.

Quand Nietzsche écrit que « ce nesont pas seulement ceux qui ont de longues oreilles et la vue basse qui tombent à genoux » il faut comprendre quel'État est tellement puissant qu'il n'asservit pas que les « ânes » (ceux qui ont de longues oreilles et la vue basse).L'État est assez fort pour séduire également les « grandes âmes ».

Et ainsi, il parvient également à corrompre les. »

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